« Les deux jeunes gens s’éloignaient, d’autres couples passaient, moins beaux, tout aussi émouvants, chacun plongé dans sa cécité passagère. Don Fabrizio sentit son coeur perdre sa dureté: son dégoût faisait place à la compassion pour ces êtres éphémères qui cherchaient à jouir du mince rayon de lumière qui leur avait été accordé entre les deux ténèbres, avant le berceau, après les dernières saccades. Comment était-il possible de s’acharner contre qui, c’est certain, devra mourir? C’eût été aussi vil que les poissonnières qui soixante ans plus tôt outrageaient les condamnés sur la place du Marché. Même les petites guenons sur les poufs et ses vieux amis benêts étaient pitoyables, impossibles à sauver et aimés comme le bétail meuglant dans la nuit, conduit à l’abattoir à travers les rues de la ville ; à l’oreille de chacun arriverait un jour le tintement qu’il avait entendu trois heures plus tôt derrière San Domenico. Il n’était permis de haïr rien d’autre que l’éternité.«
Le Guépard
Guiseppe Tomasi di Lampedusa (Traduction Jean-Paul Manganaro)
Quelle langue admirable, quelle description ironique d’un monde qui s’effondre…
Chaque fois que je lis même quelques lignes, je rentre en résonance avec le texte. Pour lire, il faut être deux, le livre et soi.
Lire quelques pages du Guépard, notamment la scène du bal chez les Ponteleone, chez le coiffeur est une expérience d’immersion presque suffocante.
43.297612
5.381042
Pour partager cette note:
WordPress:
J’aime chargement…