Selon le Larousse, un effet nocebo est l’:
Apparition d’effets indésirables bénins, d’origine surtout psychologique, après administration d’un médicament inactif ou qui ne peut lui-même produire ces effets. (Par analogie avec effet placebo.)
L’effet nocebo est le petit frère négligé du très fameux et très étudié effet placebo. Pourtant, nous expérimentons tous les jours ses conséquences sur notre pratique clinique car son impact est réel. D’abord, car les effets secondaires ressentis par le patient ne sont pas toujours bénins pour lui, et ensuite car l’effet nocebo va favoriser l’inobservance qui est responsable d’une morbi-mortalité non négligeable.
Certains articles de la biblio de fin de note décrivent les phénomènes biologiques et psychologiques expliquant l’effet nocebo. Mais cela a fort peu d’intérêt. En fait, toute la difficulté, et l’intérêt, pour le médecin est d’établir un dialogue avec le patient qui permette d’éviter que survienne un effet nocebo. Le réflexe initial, qui est aussi le plus idiot est de ne pas dire au patient quels sont les effets secondaires du médicament qu’il va prendre. Mais cette attitude est à la fois dangereuse pour le patient qui ne va pas surveiller des effets secondaires potentiellement graves et le plus souvent parfaitement illusoire à l’heure du patient hyper-informé.
Il y a des techniques pour informer et éviter l’effet nocebo. Les IDE sont assez fortes à ce jeu: c’est une petite piqure, avec une petite aiguille. C’est bien mieux que de dire Soyez courageux, c’est un gros trocard et ça fait toujours très mal! Il faut informer sans inquiéter, et c’est loin d’être facile. Je crois que c’est Winnicott qui disait que le médecin se prescrivait en même temps que ses médicaments. Un médecin optimiste va amplifier l’effet positif et/ou placebo des traitements qu’il prescrit, un médecin négatif majorer leurs effets secondaires (voire leur effet nocebo).
J’ai déjà parlé plusieurs fois de cette petite étude, mais elle est emblématique de l’effet nocebo rencontré en cardio, et surtout de l’influence que peut avoir la manière de prescrire sur son intensité:
La colonne de gauche représente le pourcentage d’hommes présentant des dysfonctionnements érectiles sous beta-bloquant, alors qu’ils ne savent pas qu’ils en prennent. Celle du milieu, le pourcentage lorsqu’ils savent qu’ils prennent des beta-bloquants, mais ne sont pas informés de cet effet secondaire (ils sont allé voir sur internet, ou ils ont lu la notice!) et la troisième colonne, le pourcentage chez les patients totalement informés.
En 2007, un cas clinique racontait l’histoire d’un patient de 26 ans, inclus dans un essai clinique sur un anti-dépresseur, qui a fait une TS en avalant 29 gélules de l’étude. Pris de regrets, il se fait emmener aux urgences par un voisin. Sa TA est à 80/40, sa fréquence cardiaque à 110, il est pâle, transpirant, tachypnéique. On lui met une voie et on commence un remplissage qui corrige que très partiellement son hypotension. Au bout de 4 heures, il s’est pris 6l de serum phy, et son état hémodynamique reste précaire. Les urgentistes ont profité du délai pour faire lever l’aveugle, et ils découvrent que les 29 gélules sont du placebo. Ils informent le patient qui sort alors en 15 minutes de son état de choc.
L’effet nocebo est d’autant plus marqué que les symptômes sont généraux, peu spécifiques, et c’est mon avis personnel, que leur origine est « à la mode ». L’allergie au lactose a le vent en poupe depuis que l’intolérance au gluten, maintenant quasi ubiquitaire, a perdu sa séduisante exclusivité. Comme le dit avec sagesse ma boulangère, vous savez, le gluten à haute dose, c’est toxique.
Des auteurs se sont intéressés à l’intolérance au lactose chez des patients présentant des symptômes abdominaux généraux. 44,4% des patients négatifs au test de dépistage de l’intolérance au lactose ont pourtant présenté des symptômes abdominaux induits lors d’un test utilisant un placebo du lactose, le glucose. 25,9% des patients réellement intolérants au lactose ont été positifs à ce « faux test ».
Les génériques ont pu aussi pâtir de l’effet nocebo. Dans cette étude, un médicament inerte, décrit comme un antalgique, est d’autant plus efficace que le prix annoncé aux sujets est plus élevé.
Pour terminer, mais on arrive aux confins de la notion de nocebo, certaines symptomatologies sans substrat se sont diffusées dans la population dans un phénomène collectif parfois assez impressionnant. Pour dormir tranquille, je ne parlerai pas d’insectes des sous-bois, d’ondes, d’aluminium, de mannitol mais de la June Bug epidemic de 1962. Au maximum de cette épidémie, 62 employés d’une usine de textile ont présenté des symptômes assez vagues (fatigue, malaises, vomissements), imputés à la présence d’insectes dans l’usine. Après enquête approfondie, aucun insecte a été retrouvé, ni aucune cause toxique. Les autorités ont conclu à un phénomène d’autosuggestion collective survenant dans un contexte de conditions de travail difficiles.
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Effet nocebo (diaporama d’Actualités thérapeutiques)
Planès S, Villier C, Mallaret M. The nocebo effect of drugs. Pharmacol Res Perspect. 2016 Mar 17;4(2):e00208. doi: 10.1002/prp2.208. eCollection 2016 Apr.
Winfried Häuser, Ernil Hansen, Paul Enck. Nocebo Phenomena in Medicine Their Relevance in Everyday Clinical Practice. Dtsch Arztebl Int. 2012 Jun; 109(26): 459–465.