Dans le Circulation de cette semaine, vous trouverez les recommandations américaines sur la prise en charge de la fibrillation auriculaire.
La stratégie américaine pour assurer le maintien du rythme sinusal peut être résumée par l’algorithme suivant (cliquez pour agrandir):
Je vous rappelle les recommandations européennes prônées il y a quelques mois par l’ESC:
Ces recommandations mettent donc en avant toutes les deux la dronédarone malgré une efficacité largement inférieure à la molécule de référence, l’amiodarone (augmentation de 59%’ du risque relatif sur le critère primaire comportant récidive de fibrillation auriculaire ou arrêt prématuré de l’étude dans DIONYSOS). On note dans DIONYSOS une récidive de fibrillation auriculaire dans 63.5% dans le groupe dronédarone contre 42% dans le groupe amiodarone.
Elles ont donc privilégié la sécurité d’emploi dans les études (on verra dans la vraie vie…) sur l’efficacité.
Le concept me paraît être le suivant: on commence par un produit moins efficace, ou à l’efficacité non comparée (par rapport aux autres anti-arythmiques que l’amiodarone), les patients pour qui ça marche, tant mieux, les autres, on passe à la ligne suivante.
C’est un choix, primum non nocere.
Ce n’est pas le mien, car ce principe fondamental a quand même un présupposé, que le produit employé soit un minimum efficace.
Or, la fibrillation auriculaire n’est pas une poussée d’acné et n’a pas besoin d’un traitement moins efficace que les molécules de référence, elle-mêmes déjà un peu faibles du point de vue de l’efficacité.
Je pars du principe qu’une molécule qui a échoué au cours de la seule étude de comparaison d’efficacité qui a été faite face au traitement de référence n’a pas sa place en première ligne. Éventuellement en cas d’impasse thérapeutique.
La HAS, qui a aussi en ligne de mire le coût pour la collectivité, n’a pas un avis très différent:
Je pensais que les recommandations américaines allaient être moins favorables, étant donné l’hostilité globale des commentateurs américains sur la toile. Comme quoi, cette dernière ne fait pas (encore) tout.
Comme souvent, il est intéressant de comparer en détail les recommandations européennes et américaines, qui se basent pourtant strictement sur les mêmes études, mais qui diffèrent parfois largement.
Deux exemples pour la dronédarone:
- En cas d’insuffisance cardiaque, pour les américains, pas question de dronédarone, quelque soit le stade, alors que les européens la permettent en faisant le distinguo en fonction de la classification NYHA.
- En cas d’hypertrophie ventriculaire gauche: pas question de dronédarone pour les américains, alors qu’elle est en première ligne pour les européens.
Comme quoi, l’interprétation fait beaucoup de choses…
Les américains sont donc un poil plus frileux vis à vis de ce produit.
Mais bien sûr, ce n’est rien par rapport à ce qu’en dit Prescrire, qui, hasard, en parle dans son numéro de janvier, page 13:
Merci pour ton premier billet médical de la nouvelle année! Et tous mes voeux pour 2011!
Quelle est la définition pratique et précise de « substantial LVH » retrouvé dans le tableau des recommandations américaines? Quelle nuance par rapport à LVH: oui ou non?
Quelle définition les recommandations américaines donnent-elles à « heart failure » dans leur tableau? Le tableau semble moins nuancé et en relative contradiction avec le RCP américain qui précise pour les contre-indications:
« NYHA Class IV heart failure or NYHA Class II – III heart failure with a recent decompensation requiring hospitalization or referral to a specialized heart failure clinic ».
http://www.multaq.com/docs/consumer_pdf/pi.aspx
Pour les classes II et III il y a aussi la nuance de la récente décompensation contrairement à la classe IV où la notion de décompensation récente n’intervient pas.
Il est d’ailleurs assez fameux de constater que le facteur de risque cardio-vasculaire
« left ventricular ejection fraction [LVEF] <40%" est une indication dans le RCP américain. Dans le RCP européen pour une FE <35%, ce n'est pas recommandé. Il y a donc une niche de prescription entre 35 et 40%? Bravo la précision… Va pas falloir se tromper sur la détermination de la FE …
Finalement le tableau sans nuance (pour l'insuffisance cardiaque) des recommandations américaines me va bien par rapport au RCP !!!
Le document d'information SANOFI du PGR français veut manifestement ne pas exclure complètement les insuffisants cardiaques de la prescription et n'explicite pas la raison de la contre-indication dans les pages qui seront les plus lues.
On peut tout de même penser qu'il n'y aura pas beaucoup de médecin pour faire cette prescription au moindre doute d'insuffisance cardiaque sans rentrer dans les détails de la NYHA comme le suggèrent les recommandations américaines. Encore faut-il être clair sur la raison: la surmortalité et le gros doute pour un médicament dont le seul bénéfice semble être de réduire le nombre d'hospitalisations.
Pour moi réduire le nombre d'hospitalisations lorsque l'espérance de vie reste la même a moins de sens que d'éviter d'exposer un patient à un risque plus choquant: celui de mourir. Donc MULTAQ très peu pour moi.
tout à fait d’accord! on pourrait en profiter pour réévaluer les 1c…. j’en ai marre que le premier apprenti rythmologue venu qui croise un de mes patients fasse des réflexions sur mon usage préférentiel des B-
et bonne année dans l’EBM et le persiflage( déjà la lettre supplémentaire Mediator étude écho m’a mis de mauvaise humeur)
Que pensez vous de l’eplerenone et notamment des résultats de la nouvelle étude paru ds le NEJM : Eplerenone in Patients with Systolic Heart Failure and Mild Symptoms
Faiez Zannad, M.D., Ph.D., John J.V. McMurray, M.D., Henry Krum, M.B., Ph.D., Dirk J. van Veldhuisen, M.D., Ph.D., Karl Swedberg, M.D., Ph.D., Harry Shi, M.S., John Vincent, M.B., Ph.D., Stuart J. Pocock, Ph.D., and Bertram Pitt, M.D. for the EMPHASIS-HF Study Group
N Engl J Med 2011; 364:11-21January 6, 2011
Pardon, j’avais vu votre commentaire, mais je l’avais un peu oublié…
Je pense que ça va déboucher sur une extension d’AMM.
A priori, l’étude est pas mal…
Après avoir lu un peu plus attentivement le texte des recommandations les contre-indications CLINIQUES de l’insuffisance cardiaque décompensée reposent sur les critères d’exclusion de l’étude ATHENA [The ATHENA trial excluded patients with decompensated heart failure within the previous 4 weeks, or with NYHA class IV heart failure].
Il n’est pas constaté d’effet délétère en cas de FE basse dans ATHENA [There was no evidence of an adverse effect of dronedarone in patient subgroups with a history of congestive heart failure or LV ejection fraction <35%.].
L’indication du RCP américain résulte du critère composite positif de l’étude. Bien sûr on sait que le critère composite est tiré par la réduction des hospitalisations et non par une réduction de la mortalité globale [Dronedarone reduced the combined endpoint of death and cardiovascular hospitalizations, largely by reducing hospitalizations related to AF (and cardiovascular death); death from any cause was not reduced.]
A propos de l’étude ANDROMEDA, il est conclu que la surmortalité liée à la dronédarone est associée à une aggravation de l’insuffisance cardiaque. La conclusion est donc de ne pas prescrire la dronédarone dans le contexte de l’inclusion de cette étude, c’est-à-dire : décompensation cardiaque récente AVEC fraction d’éjection abaissée [ Therefore, dronedarone should not be administered to patients with depressed ventricular function and recent heart failure decompensation or NYHA class IV heart failure.].
Probablement faut-il donc conclure que « heart failure » dans le tableau ne considère que des critères cliniques de décompensation récente ou de NYHA IV sans prendre en compte la FE. Du coup l’indication du RCP américain qui précise un FDR avec une FE < 40% comme indication n’est pas en contradictoire pourvu que le patient ne soit pas cliniquement décompensé.
D’ailleurs quand on relit les précautions d’emploi du RCP américain, ils envisagent l’arrêt ou l’utilisation discontinue de la DRONEDARONE en cas de décompensation cardiaque [&5.1].
[5.1 Patients with New or Worsening Heart Failure during Treatment
Advise patients to consult a physician if they develop signs or symptoms of heart failure, such as weight gain, dependent edema, or increasing shortness of breath. There are limited data available for AF/AFL patients who develop worsening heart failure during treatment with MULTAQ. If heart failure develops or worsens, consider the suspension or discontinuation of MULTAQ.]
Pour les recommandations européennes DRONEDARONE et AMIODARONE sont mises sur le même plan dans le texte en terme de sécurité pour l’insuffisance cardiaque NYHA I et II [ Patients with heart failure. Dronedarone and amiodarone are the only agents available in Europe that can be safely administered in patients with stable NYHA class I–II heart failure.]
Concernant le RCP européen pour une FE < 35% la DRONEDARONE est non recommandée.
Ca ne change rien à mon opinion sur ce traitement !!!!
J’ai pris la liberté de faire un lien vers votre blog. Merci de me confirmer votre accord
http://www.esculape.com/medicament/dronedarone-multaq.html
Cordialement
Dr H. Raybaud
Bien sûr! Aucun souci, c’est même une fierté d’être cité sur esculape.com!
Merci.