La difficile quête de l’indépendance (2)

Je vous avais raconté ici que certaines associations ont eu un peu de mal à appréhender le concept d’indépendance.

L’indépendance, c’est comme les échecs, la définition est simple mais la comprendre et la mettre en pratique peut occuper une vie ou des rayons entiers de bibliothèques.

L’indépendance a le vent en poupe depuis l’affaire du Médiator, ce concept sonne bien à l’oreille, il plaît et il est éthique; et ça tombe bien, à la fois patients et médecins veulent plus d’éthique.

L’indépendance, c’est un peu comme le bio.

Avant, bien peu s’en souciaient, maintenant, tout est bio parce que c’est devenu porteur, à la limite bien plus que parce que le bio est sensé protéger notre environnement et soi même. L’important, c’est de faire semblant.

Même le LEEM s’est mis à l’indépendance en créant un comité indépendant, le CODEEM avec des membres tous plus indépendants les uns des autres. L’important, c’est de faire semblant.

Mais par ailleurs, des professionnels de santé veulent se lancer dans l’indépendance en toute bonne foi.

Parce qu’ils se sont rendus compte que les laboratoires ne sont ni les amis des patients, ni les nôtres.

Ils sont plein de bonne volonté touchante, mais on voit qu’ils ont quand même un peu de mal à appréhender le concept.

Je suis tombé sur une brochure d’une association de FMC, créée par des médecins.

La présentation est alléchante, voire même militante.

(Cliquez pour agrandir)

Hasard (?), ils ont même repris une couleur verte, qui m’a tout de suite fait penser au Formindep.

Quelle déconvenue en dernière page quand on tombe sur une jolie liste de laboratoires financeurs !

Comme vous pouvez le constater, certains sont des références connues et reconnues de l’éthique et de l’indépendance des professionnels de santé.

C’est tellement involontairement caricatural que la bonne volonté est évidente.

Le programme des réunions (non montré) montre qu’en général, le laboratoire qui finance une réunion n’a pas de produit à vendre dans le domaine présenté. On trouve quand même une session « vaccination du voyageur » financée par Sanofi…

Je n’ai aucun doute sur le fait que les sujets présentés et leur traitement soient en effet libres.

Néanmoins, cette FMC indépendante et libre fait partie intégrante de l’illusion qui est entretenue à grands frais par l’industrie pharmaceutique :

  • les laboratoires sont nos amis,
  • ils sont conviviaux,
  • ils nous veulent du bien, ils nous nourrissent et nous instruisent
  • ils sont éthiques et désintéressés depuis demain,
  • tous leurs nouveaux produits sont innovants,
  • les génériques c’est pas bien,
  • vite-prescrivez-de-l’ivabradine-sinon-vos-patient-y-vont-mourir.

Le problème, c’est que l’indépendance, si telle est en effet la voie choisie par le professionnel de santé, chacun restant libre de la suivre ou non, a un coût.

Il faut donc accepter de payer ses notes de restaurant, ses petits fours, et…ses réunions de FMC.

(Merci à ceux qui se reconnaîtront)

7 Replies to “La difficile quête de l’indépendance (2)”

  1. Cette indépendance a tellement un coût qu’au Etats Unis des enquêtes on déjà montré une baisse inquiétante de la quantité et de la qualité de la formation médicale continue (Continuous Medical Education) depuis le renforcement de la réglementation empêchant les laboratoires de financer la formation des médecins. Le problème semble être que peut être il vaut mieux être dépendant et formé que indépendant et pas formé du tout. Sur ce site internet appellé « Policy and Medicine »:
    http://www.policymed.com/2012/01/reductions-in-commercial-support-for-continuing-medical-education-results-in-lower-quality-harder-to.html
    qui il est vrai est pro-laboratoire, leur théorie est la suivante: il existe assez de garde fou, de pare feu et de discriminations personnelle des médecins pour contre balancer la tentative des laboratoires d’influencer la formation. De plus la multiplicité des formations financées par des labos se contre balanceraient entre elle.
    Je sais que je me fais l’avocat du diable et que ces propos ne sont absolument pas « politically correct ». Mais il faut également, comme le dit le Doc du 16 dans son billet du 5 janvier, aller voir les sites avec lesquels on ne partage pas toujours les mêmes tendances.
    Le mission statement du site Policy and Medicine est « supporting innovation through collaboration ». Au moins on peut dire qu’ils n’avancent pas masqués!
    Bonne semaine.

  2. Bonjour Ha-Vinh,
    Ça me rappelle un article dans la Dépèche du Midi (qui a dans ses actionnaires un labo qui vend des toniques veineux) qui disait « pleine page » qu’en Italie le déremboursement des toniques veineux avait amené une augmentation du nombre d’embolies pulmonaires.
    Je ne pense pas que la FMC labo forme les médecins. Pas plus que la publicité à la télé forme les patients. Parce que le but des laboratoires n’est PAS de former les médecins, ni de les informer, mais de vendre du médoc (ce qui est normal).
    Nous voyons d’ailleurs aujourd’hui où cela mène en France : prescriptions d’antibios (et du reste) à la toque, aucune réflexion sur le pourquoi des prescriptions, aucune réflexion sur la pharmacologie et les interactions.
    La plupart des médecins ont envie de se former. Si les labos ne peuvent plus le faire, la plupart se tourneront naturellement vers d’autres types de formations. A nous formateurs, d’être assez attractif, innovants et utiles pour les attirer et leur faire oublier qu’ils payent.
    Je fais partie d’un groupe de pairs qui se réuni depuis plus de dix ans sans labo un soir par mois. L’assiduité des membres ferait rêver n’importe qu’elle association.

    1. un petit mot pour dire que l’indépendance s’apprend d’abord dès la formation initiale, c’est à dire à la fac. Or, que cela soit dans les services largement « arrosés » par les labos à chaque staff, ou que cela soit dans la formation où la lecture critique a le plus grand mal à gagner ses lettres de noblesse, l’Université (avec un grand U) ne montre pas l’exemple !

  3. Il faut aussi savoir saisir les opportunités offertes par l’hôpital ou les organismes libéraux qui proposent des formations…

    Après se posent le pb des KOL qui organisent les DU et consorts… C’était rigolo de faire un du de pathologies infectieuses avec des « experts » de la grippe… Le discours était plutôt homogène 😉

  4. Au Potugal la situation est curieuse: d’un côté nous avons des journées de formation organisées par le ministère de la Santé où n’interfère aucun labo, de l’autre les collègues que je côtoie n’ont pas d’attitude critique par rapport aux visites de labo, congrès et FMC organisées par les labos, j’ai du mal à faire comprendre mes réticences.Mais je ne peux pas tirer de conclusions à partir des quelques collègues qui m’entourent. Par contre plus significatif: il y a de la publicité de l’industrie pharmaceutique dans le journal du Conseil de l’ordre des médecins. (dans mon souvenir ce n’était pas le cas en France, mais il y a des années que je ne le reçoit plus… et les temps changent!)
    Les formations organisé par le ministère me paraissent bien adaptées aux généralistes, d’un bon niveau, mais pour l’indépendance j’avoue que je n’ai pas osé poser la question des conflits d’intérêt aux formateurs… (pas le courage de JADDO et puis… j’ai un statut de « travailleur immigré précaire »! ça n’aide pas!)

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