Finalement, cette note, c’était un ramassis de conneries.
Enfin, pas totalement non plus.
Disons que c’était une vision très théorique d’une situation que je n’ai vécue qu’aujourd’hui.
Et tout le monde sait que de la théorie à la pratique…
Je me suis rendu à la cérémonie religieuse célébrant le départ d’un médecin-patient (ou patient-médecin, selon l’humeur).
La petite église était pleine, j’y ai croisé pas mal de mes patients que le bon Docteur avait mis au monde. Il faisait de la scopie à tout va au cabinet. Ce médecin généraliste faisait définitivement partie d’un monde révolu.
L’élégie du fils à été très juste, très émouvante. Le bon Dr était un cancre (j’ai pensé à toi, Stéphane, d’autant plus que c’était un grand copain du vieux pharmacien), il est rentré dans la Résistance puis a eu une longue et prolifique carrière. Plus important que toute autre chose à mes yeux, il est encore aimé de ses anciens patients. Puis il a fait de l’humanitaire et une péritonite a bien failli avoir sa peau au fin fond de l’Afrique. Finalement, c’est autre chose qui a eu sa peau, bien des années après, et c’est moi qui lui ai fermé les yeux.
Notre premier adieu, intime, a été difficile, tant j’ai perdu avec lui. Il représentait pour moi le côté humain de notre métier. Il n’avait pas les techniques et les connaissances qui sont et seront à notre disposition, mais il soignait avec son cœur, et ça, nous le perdons par manque de temps, trop occupés que nous sommes à faire des chiffres pour la HAS, la T2A, et parfois pire que tout, pour faire du chiffre tout court. Je ne regrette pas le moins du monde le passé, la médecine de papa. Mais si au moins nous pouvions conserver les choses bonnes, et arrêter de faire semblant (« remettre le patient au centre de son projet thérapeutique »…).
Si vous me permettez une anecdote qui n’a pas été rapportée ce jour, mais qui me paraît très significative: il ne supportait pas l’autre spécialiste qui s’occupait de lui, car « elle ne le touchait pas ». Derrière cette remarque qu’il laissait interpréter librement d’un oeil pétillant, se cache le constat d’une vérité plus profonde. Je suis certain qu’il aurait adoré ce billet de Jaddo.
Il a bien vécu, même très bien. Son train de vie avait bien peu de rapport avec celui des généralistes d’aujourd’hui. Et incroyablement, il ne me semble pas qu’il en ait éprouvé la moindre honte, ni même que personne n’ait imaginé le lui reprocher. Une époque révolue, je vous dis.
Je craignais le second adieu, le monde, la cérémonie sociale, de ne pas être à ma place, de revoir ses proches, maintenant qu’il nous faudrait parler de lui au passé et que mon rôle était échu.
Patients, confrères, proches, nous lui avons tous rendu un hommage discret, sincère et émouvant.
Nous nous sommes beaucoup remémorés.
Et j’étais content d’être là, pour lui.