Patient 2.0

Les patients cardiaques sont souvent angoissés, ce qui se comprend étant donné la gravité potentielle et le caractère très « éclair dans un ciel serein » des épisodes aigus.

Assez rapidement, je me suis rendu compte que les patients étaient rassurés si je leur donnais mon portable avec consigne de s’en servir en cas de souci aux heures « ouvrables ».

Comme ça, ça paraît totalement fou de donner son portable personnel à ses patients, mais en 6 ans de pratique libérale, je n’ai jamais été « dérangé » de façon abusive. Jamais, jamais, jamais. Même par les patients « pénibles » mais graves à qui j’ai donné mon portable en le regrettant l’instant d’après.

Bon, je fais quand même une petite sélection, je ne le refile quand même pas à tout le monde… Ne me demandez pas mes critères de sélection, c’est totalement sur l’impression du moment. En général, il faut qu’ils aient une pathologie plutôt sévère, (mais il y a des exceptions) et bien entendu qu’ils soient un minimum responsables (mais quelques exceptions aussi).

Encore un argument qui milite pour la responsabilisation des patients au sujet de leur maladie et qui montre que l’on peut en effet établir un « partenariat » avec eux, et pas seulement une relation de maître à élève (mauvais ou bon).

Donc en plusieurs années d’expérience:

  • aucun appel abusif
  • combien de passages aux urgences évités?
  • combien de gens rassurés?
  • récemment, un anesthésiste m’a demandé des précisions sur un de mes patients qu’il voyait en consultation en m’appelant du portable de ce dernier 😉

Ce matin:


Un seul regret, j’ai effacé un sms parfaitement mythique reçu il y a quelques années.

Un patient, la cinquantaine sortait d’une chirurgie cardiaque. Il demande une permission pour le samedi, et au bout de quelques minutes de conversation, et surtout de non-dits avec son épouse qui était dans la chambre, je me rends compte que c’est pour faire des galipettes. Ils ont envie, mais sont angoissés de la proximité (relative) de la chirurgie et gênés par le sujet. Je les rassure et leur donne mon portable « au cas où ». Évidemment, vous vous rendez-compte de l’inutilité objective  totale de ce geste en cas de vrai souci étant donné qu’ils seront à la maison, et moi dans la mienne. Par contre, ces 10 chiffres ont représenté un objet contra-phobique merveilleux.

13h30, j’étais à table, sms: « tout c’est bien passé. merci ».

Mouhahahahahaha, parfait!


13 Replies to “Patient 2.0”

  1. So do I. On y est quand même un peu obligés dans certains cas (post laser, post chir…)

  2. J’apprécie que vous osiez dire que vous faites ainsi, car moi dans l’aide à des personnes en difficulté c’est ainsi que je procède, mais ne le dis plus, ni à mon entourage ni même à ceux dont c’est le métier d’aider les autres, parce que je sens que je les stupéfie !

    Néanmoins, je fais un constat identique au vôtre, car je n’ai à déplorer aucun abus.

    En conséquence, vous allez me rendre plus sûr de moi, car je me posais quelques questions sur mon psychisme en me mettant ainsi à la portée de ceux qui sont en souffrance et dans de grandes difficultés, alors que des gens supposés sensés s’y refusent, et me regardaient assez bizarrement…

    Peut-être aussi que vos patients comprennent l’exemplarité de votre démarche envers
    eux et qu’ainsi ils vous respectent…

    Merci à vous pour cet aveu qui sera certainement décrié par quelques uns de vos confrères, mais pas seulement, tellement charité et philanthropie sont devenues vulgaires dans notre société !

    Bien cordialement à vous.

  3. Je suis complètement d’accord avec votre démarche. Mon mari était très malade en début de l’année dernière, il a également eu le numéro de portable ainsi que le mail de son oncologiste, avec qui j’ai pu communiquer par mail pendant qu’il était en vacances – par contre le notre médecin traitant qui l’a repris lorsqu’il est rentré à la maison n’a pas voulu ni me donner un mail (refusé par le secrétariat) ni me donner un numéro à appeler.
    Vous direz peut-être que ce n’est par pareille – mais je crois qu’il aurait rempli les mêmes critères que vos malades, et cela m’aurait rassuré.

  4. pour l’e mail il est noté sur mes ordonnances
    pour le portable c’est plus compliqué : tous les généralistes du coin (milieu rural ) ont mon portable perso
    si je ne l’ai pas encore donné aux patients c’est tt simplement parce que pendant les 4 premières années de mon installation à une époque où les portables n’existaient pas , je donnais mon numéro domicile(habilement camouflé dans l’annuaire) pour les urgences : résultat : en 4 ans pas une seule vraie urgence juste des appels à 8 h du mat pour savoir si j’allais bien ouvrir mon cab à 9H ou carrément des demandes de RDV non urgents.
    sur mon portable arrivent les demandes de RDV des amis qui hésitent à déranger mon secrétariat !
    néanmoins il m’est arrivé dans qq cas urgents de donner mon n° portable à des patients, et je le ferais plus volontiers si j’étais chir ou si je faisais du laser.

  5. (refusé par le secrétariat). Cela ne m’étonne pas. Cela devient une épreuve de force chez le généraliste, il faut passer l’armada des secrétaires pour voir le docteur.

    Par contre, je n’ai jamais rencontré ce genre de choses chez les spécialistes. Certains m’ont même dit que je pouvais les appeler à la maison si j’en avais besoin, mais je n’en ai jamais fait usage.

  6. Ce titre est une arnaque, je m’attendais à ce que tu suives le rythme cardiaque sur ton HiHi phone ou que tu suives en continue le taux de LDL durant les fêtes de fin d’année. Et quand ils déconnent tu envoies un message d’alerte, leur signifiant d’arrêter le foie gras. Je suis hyper déçu.
    Le téléphone n’est pas un outil vraiment 2.0 ou alors on fait du 2.0 avant même qu’internet existe. Ce qui est possible et ce qui montre les limites du concept que je trouve très marketing du 2.0.
    J’ai un gros blocage concernant le fait de donner mon numéro de téléphone perso au patient. Je sais pourquoi, mais je n’arrive pas à me soigner.
    En fait une patiente lupique avait réussi à avoir mon numéro, heureusement que j’ai changé de numéro durant mon séjour en allemagne. Les coups de téléphone le dimanche ou au mois d’aout en Islande, c’est rigolo, mais quand ça devient systématique, c’est moins drole.

  7. je ne donne pas mon portable le secrétariat filtre aux heures ouvrables mais pire à l’ancienne la ligne cabinet est détournée nuit et week end ( sauf quand je suis sur de ne pouvoir répondre en particulier vacances à l’étranger) ce qui permet de gérer en direct les INR de traiter avec efficacité plusieurs urgences par an ,quelques branguignols bien sur demandent un rendez vous le dimanche c est assez rare à trois heures du matin…

  8. Lorsque j’ai commencé à m’occuper de personnes dialysées, je donnais aussi mon numéro de portable. Résultat : plus un dimanche tranquille, de multiples appels pendant mes vacances malgré la disponibilité d’autres médecins du service le jour et un médecin de garde la nuit (« je n’ai confiance qu’en vous docteur »), des coups de fil à 3 heures du matin pour une diarrhée ou… une insomnie, bref j’ai donné. Au bout de 3 ans, basta, j’ai changé de numéro de portable et je ne le donne plus qu’à très peu de patients sélectionnés.

    Je pense qu’on peut donner de soi, et c’est le propre de la vocation médicale, mais comme dirait Marcel Mauss, à un don du médecin doit répondre de la part du patient un autre don (au minimum respect, estime, chaleur…) qui est souvent remplacé aujourd’hui par le sentiment — et la verbalisation — que « j’y ai droit ! ».

    L’anxiété, l’envie d’être rassuré, « le stress »ont souvent bon dos. En fait peu de gens se rendent compte qu’un médecin est particulièrement soumis au stress lui aussi et doit avoir la possibilité d’y échapper par moments ; cf. « Éloge de la fuite » d’Henri Laborit, et le film « Mon oncle d’Amérique » qu’Alain Resnais en a tiré, pour comprendre se qui se passe sinon (ce n’est pas un hasard si mon propre blog s’appelle « Lignes de fuite »).

    Pour le mail en revanche, pas de problème. J’ai une adresse dédiée indiquée sur mon papier à en-tête ; un mail ne vous réveille pas la nuit, et il suffit d’activer le répondeur automatique quand on est indisponible.

  9. pour le mel j’ai énergiquement refusé de le donner à un patient devant l’expérience malheureuse d’un associé qui l’a mis sur ces ordonnances en reçoit 5 à 10 par jour du genre comment était ma bio faxée il y 3 mois et se fait ensuite engueuler téléphoniquement pour ne pas avoir répondu dans la journée….

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