Pour qui sonne le glas

No man is an Iland, intire of it selfe; every man is a peece of the Continent, a part of the maine; if a Clod bee washed away by the Sea, Europe is the lesse, as well as if a Promontorie were, as well as if a Mannor of thy friends or of thine owne were; any mans death diminishes me, because I am involved in Mankinde; And therefore never send to know for whom the bell tolls; It tolls for thee.

Nul homme n’est seul, isolé, coupé du continent humain. Qu’une simple motte de terre, tout une falaise, un terrain à toi ou à un ami soit emporté par la mer et c’est l’Europe entière qui en est amoindrie. La mort d’un seul homme nous diminue tous, nous, les composants du genre humain. Ne demande donc jamais pour qui sonne le glas : il sonne pour toi.

John Donne

Pour accompagner ce poème humaniste, deux morceaux d’un contemporain, Henry Purcell. Pas follement follement gai, même pour Klaus Nomi 😉 , mais de circonstance!


Heureux qui, comme Ulysse…

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy là qui conquit la toison,

Et puis est retourné, plein d’usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son age !

Quand reverray-je, helas, de mon petit village

Fumer la cheminee, et en quelle saison

Reverray-je le clos de ma pauvre maison,

Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?

Plus me plaist le sejour qu’ont basty mes ayeux,

Que des palais Romains le front audacieux ;

Plus que le marbre dur me plaist l’ardoise fine,

Plus mon Loyre Gaulois, que le Tibre Latin,

Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin,

Et plus que l’air marin la douceur Angevine.

Joachim du Bellay. Les Regrets (1558)

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Et sur l’insistance de mes enfants, la version studio:
http://www.youtube.com/watch?v=WefxVZLhm9U

La ville musée

J’ai profité d’une petite escapade sur Paris pour faire mon touriste de base et visiter quelques expositions.

A tout seigneur tout honneur, le Louvre. Je suis allé revoir tous ceux que j’aime, Vermeer, Rembrandt, van Eyck, de La Tour, Vinci (pas le parking…)… Je suis aussi allé dire bonjour au somptueux Code d’Hamm(o)urabi.

En 1750 av J-C, on se préoccupait déjà des honoraires et des sanctions disciplinaires des médecins:

215. Si un médecin a traité un homme d’une plaie grave avec le poinçon de bronze, et guéri l’homme, s’il a ouvert la taie d’un homme avec le poinçon de bronze, et a guéri l’œil de l’homme, il recevra dix šíqil d’argent.

216. S’il s’agit d’un mouchkînou , il recevra cinq šíqil d’argent.

217. S’il s’agit d’un esclave d’homme libre, le maître de l’esclave donnera au médecin deux šíqil d’argent.

218. Si un médecin a traité un homme libre d’une plaie grave, avec le poinçon de bronze, et a fait mourir l’homme, s’il a ouvert la taie de l’homme avec le poinçon de bronze, et a crevé l’œil de l’homme on coupera ses mains.

219. Si un médecin a traité d’une plaie grave l’esclave d’un mouchkînou, avec le poinçon de bronze, et l’a tué, il rendra esclave pour esclave.

220. S’il a ouvert la taie avec le poinçon de bronze, et a crevé l’œil, il payera en argent la moitié de son prix.

221. Si un médecin a guéri un membre brisé d’un homme libre, et a fait revivre un viscère malade, le patient donnera au médecin cinq šíqil d’argent.

222. Si c’est un fils de mouchkînou , il donnera trois šíqil d’argent.

223. S’il s’agit d’un esclave d’homme libre, le maître de l’esclave donnera au médecin deux šíqil d’argent.

224. Si le médecin des bœufs ou des ânes a traité d’une plaie grave un bœuf ou un âne, et l’a guéri, le maître du bœuf ou de l’âne donnera au médecin, pour son salaire, un sixième (de šíqil?) d’argent.

225. S’il a traité un bœuf ou un âne d’une plaie grave et causé sa mort, il donnera le quart de son prix au maître du bœuf ou de l’âne.

226. Si un chirurgien, à l’insu du maître de l’esclave, a imprimé une marque d’esclave inaliénable, on coupera les mains à ce chirurgien.

227. Si un homme a trompé un chirurgien, et si celui-ci a imprimé une marque d’esclave inaliénable, on tuera l’autre et on l’enterrera dans sa maison ; le chirurgien jurera : « je ne l’ai pas marqué sciemment », et il sera quitte.

Hormis les deux articles (224 et 225) qui concernent les vétos, vous remarquerez que le préoccupations de la société vis à vis des médecins ne sont pas très différentes des nôtres, un peu plus de 3700 ans plus tard: accès aux soins, réparation d’un préjudice… Pour ceux qui veulent approfondir, je vous conseille vivement de visiter ce fabuleux site pour lire les commentaires de cette traduction que j’ai copiée (Jean-Vincent Scheil-1904-).

Je suis passé rapidement voir l’expo temporaire sur les dernières années de Raphaël (je ne suis pas fan). Au début, je croyais que c’était une rétrospective sur le chanteur (pas fan non plus)…

Petite visite à Notre-Dame, que je n’avais visitée. Le tourisme de masse y étouffe presque toute spiritualité.

Second Musée, dont je n’avais jamais vu les collections permanentes, le Centre Pompidou. J’y suis allé pour l’expo Abdessemed, et surtout Décor.

L’expo est toute petite, je n’ai pas de souvenirs bien nets autres que les 4 Christs de Décor. J’ai été tellement impressionné que j’ai oublié de prendre une photo. Vous en trouverez ici et ici.

Un seul regret, de ne pas avoir pu aller voir Décor à Issenheim, quand il était à côté du retable qui a inspiré Abdessemed. Je ne suis pas un grand intellectuel, mais le travail sur l’anatomie du Christ, rendue avec du fil de fer barbelé, m’a coupé le souffle.

J’ai donc aussi découvert les collections permanentes.

J’ai retenu quelques œuvres pour des raisons diverses:

Chapter de Robert Ryman (1981)

ikb 3, monochrome bleu de Yves Klein (1960)

La vibration produite par ce bleu est tout à fait incroyable. Je comprends mieux la notion de persistance rétinienne dans l’œuvre de Klein. Aucune reproduction ne peut rendre cela (une illustration caricaturale ici). Il faut le voir pour le croire.

Ghost de Kader Attia (2007)

Ce sont des formes humaines en position de prière, moulées par du papier alu alimentaire. Le cliché ne rend pas l’émotion (l’impermanence de l’œuvre/des hommes?). Je crois que ce qui est impressionnant est le mouvement du papier alu quand on marche à côté et l’envie difficilement répressible de faire d’une forme une grosse boule. Si vous allez voir Ghost, vous comprendrez ce que je veux dire.

La vie, si fragile et pourtant polarisée par le néant.

Pan sur le bec du canard qui cause d’un pigeon

Le Canard de mercredi dernier fait une allusion au mouvement de grogne de certains médecins concernant la loi sur les dépassements d’honoraires:

Une coloscopie de la vésicule biliaire

Voilà un acte qui doit être techniquement difficile et qui justifie à lui seul un tel dépassement.

Imaginez en plus de l’examen habituel que tout le monde fait, la remontée intégrale du grêle, l’intubation de la papille, la périlleuse remontée du cholédoque et du canal cystique, le tout avec un une sonde de coloscopie.

Dans le même geste, on pourrait pas aussi dénerver une HTA?

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