L’hôpital ne sert plus à soigner des gens, mais à faire une série de bilans para-cliniques prévus dans un protocole.
On ne fait plus rentrer un patient au CHU parce qu’il est malade, et qu’on veut savoir pourquoi mais pour faire un bilan précis défini à l’avance.
Prenons l’exemple d’un patient cardiaque dyspnéique entré à l’hôpital pour coronarographie et cathétérisme droit.
Ces examens sont très bien faits, les médecins et le personnel sont formidables, mais le patient ressort au bout de quelques jours, toujours essoufflé.
Finalement, quelques semaines plus tard, le médecin généraliste a l’idée de faire le bon examen, un scanner thoracique. Ce qui l’essouffle et va le tuer sous peu est un cancer du poumon de 7 cm de diamètre dans le poumon gauche.
Deux séjours en CHU en 2 mois (dermato puis cardio), et personne n’a trouvé le pamplemousse.
Il serait allé en pneumo, on l’aurait probablement trouvé en regardant une radio pulmonaire, c’est ballot.
La faute à qui?
Les restructurations incessantes, le travail administratif qui écrase les médecins, le manque de personnel et probablement beaucoup le futur paiement à l’acte concourent à cela.
Le temps de réflexion est comprimé à l’extrême. Réfléchir fait perdre du temps et ne rapporte rien, remplaçons donc la réflexion par des protocoles! Le but n’est plus de soigner mais de faire tous les examens de la liste du protocole idoine.
La semaine dernière, on m’a demandé de faire un écho-doppler des artères rénales à une dame de 85-90 ans rentrée pour un bilan d’hypertension artérielle et une insuffisance rénale. L’écho-doppler fait en effet partie du bilan, mais pas la pyélonephrite qui faisait frissonner et mal à la dame pendant mon doppler. Elle frissonne, a mal et elle a 40, tant pis mais on va vite la descendre pour pas louper l’horaire de l’examen qui est dans la liste.
Le CHU commence à singer certaines cliniques où l’action a remplacé depuis longtemps la réflexion.
Le problème est que le CHU n’a pas pour vocation d’être rentable, il a pour vocation de regrouper des praticiens pointus qui ont à leur disposition un matériel moderne pour soigner des patients dans des conditions optimales.
Rendre rentable un CHU, autant vouloir vider l’océan!
Il suffit de se promener dans les couloirs pour le constater. Mais des bureaucrates ont décidé que c’était possible et ils rognent tout ce qui dépasse en ne se rendant pas compte que la médecine n’est pas une liste d’examens à pratiquer le plus vite possible et que ce sont des gens qui occupent les lits, pas une durée moyenne de séjour.
Je continue à faire des doppler veineux à des patients de tous âges qui ont fait un accident vasculaire cérébral et qui ont un foramen ovale perméable (prévalence de 20% dans la population générale) à la recherche d’une hypothétique phlébite qui aurait pu provoquer une embolie paradoxale. Pour l’instant aucun patient n’a présenté le moindre symptôme de thrombose veineuse, mais c’est dans la liste. Je suis presque certain que personne ne leur palpe les mollets.
Par contre, depuis ma dernière gueulante, le service de neurologie ne nous fait plus descendre les patients sur leurs pieds. Ils sont descendus en lit, c’est un progrès considérable. On fait maintenant au moins semblant d’avoir réfléchi et de faire de la médecine.
La formation des médecins ne me paraît pas en cause. J’ai l’impression que les choses s’empirent alors que ce sont des amis, des binômes qui occupent les postes clés. Les internes sont probablement formés comme nous l’étions, un peu à l’arraché et beaucoup sur le tas. Ce n’est pas ça, ce n’est pas un problème de compétence, c’est le système.
Deux termes ressortent de cette situation, hyper-spécialisation et externalisation.
Il n’y a plus de service de cardiologie ou de neurologie. Il n’y a plus que des unités de coronaropathie, de rythmologie, de valvulopathie, de syndromes démentiels, parkinsoniens, de maladies neuromusculaires…
Un coronarien qui a un problème rythmique devient presque aussi difficile à gérer d’un point de vue logistique que si il avait deux pathologies appartenant à deux spécialités différentes.
Il faut que les patients rentrent dans des formes très précises qui rétrécissent année après année. Cette hyper-spécialisation permet la rédaction de protocoles très ciblés avec une liste d’examens à faire de façon systématique à l’entrée du patient. On en revient au point de départ.
Et si le patient ne correspond pas, et que sa forme bave un peu?
Et bien, c’est là qu’apparaît le deuxième terme: externalisation.
On prévoit des consultations ou des examens à réaliser en externe, là où ça ne fait pas augmenter la durée moyenne de séjour, même si il n’y a personne pour faire la synthèse, on s’en fout de toute façon.
Dernièrement, une patiente un peu âgée et un peu démente, mais une patiente quand même, sort sans diagnostic précis d’un service de cardiologie du CHU dans les suites d’un malaise. Le courrier demande que soit réalisée « en externe » une échographie trans-thoracique pour une suspicion de rétrécissement aortique.
C’est pas énorme?
Pas tant que ça, en fait car les services de dopplers ou d’échographies (ceux que je connais) croulent littéralement sous des demandes d’examens dont la plupart font partie d’un protocole pré-établi appliqué scrupuleusement et sans réflexion. Les rendez-vous sont donc donnés avec des délais importants, que ne peuvent plus se permettre les services. Les patients sortent, mais ne reviennent souvent pas, ce qui explique le paradoxe qui fait hurler Stéphane: des consultations pleines à craquer sur le papier, donc des délais effarants, mais une salle d’attente vide.
Mon Dieu comme c’est vrai ! Il y a même des spécialistes de la diastolique et de la systolique. Anecdote perso. ma mère va en cardio il y a quelques années. Bilan de son arythmie par FA. Elle se plaignait de mux de gorge depuis 24 heures. Je le signale à l’interne. ‘On va demander l’avis des ORL’ me dit-il. En clair, la mettre dans une ambulance et l’amener en ORL, dans le 2ème hôpital, distant de 8km avec 2 heures d’attente sur le brancard. je lui ai dit ‘Angine de poitrine c’est OK mais angine tout court vous ne faites pas ?’
J’ai demandé un abaisse-langue et une lampe et j’ai fait le boulot moi-même. Affligeant !
A propos de l’externalisation, c’est valable aussi pour les thérapeutiques…. Par exemple pour la somatuline LP nos chirurgiens demandent aux familles d’aller la chercher a la Pharma du coin… Vu l’ALD pour neo ça ne change pas grand chose pour eux mais c’est symptomatique de la pression financière… De même il faut faire de,la biologie pour les patients qui viennent en externe et moins en interne…
Je suis bien d’accord avec toi sur l’analyse, on veut faire rentrer à tout prix des patients dans des cases spécifiques, faire tout le « bilan protocolaire » le plus vite possible et plus personne ne réfléchit. C’est dramatique. Depuis longtemps le néphrologue est confronté à ce problème. La créatinine est élevée, c’est la seule chose qu’on peut dire sur le patient, on s’en fout qu’il est 40° de fievre, 8 de TAS malgré un litre de remplissage au sortir d’une chimiothérapie, il est 18 heures c’est dimanche et on appelle le néphro parce que la créat est à 280. Je ne crois pas que ce soit le problème la créat, c’est le patient qui va pas bien autour. J’espère qu’encore dans ma spécialité nous arrivons à inculquer aux internes le fait qu’on soigne des patients pas des chiffres de créatinine, ni des natrémies, même si on nous réduit et parfois nous l’acceptons par paresse intellectuelle à des pompistes.
Certains n’ont pas compris quand je trouve que le terme de productivité me dérange en médecine. Je continuerai à passer parfois 45 minutes de consult pour expliquer une maladie compliquée à un patient, mais les greffés qui vont bien ils auront une consult bien plus courte. La vraie productivité, c’est s’adapter au patient donner du temps à celui qui en a besoin et raccourcir celle de celui qui vient juste montrer le bilan pour se rassurer et me rassurer dans la foulée.
On aimerait avoir une consultation type pour tous les patients, je fais toujours 5 minutes ou toujours une heure, faire toujours le même bilan, la même démarche. Il faut des regles des protocoles pour ne pas rater certaines choses. Devant une dyspnée commencer par le thorax avant la coro me parait raisonnable.
C’est le but de la formation longue, faire des gammes toujours les mêmes pour les maitriser et ensuite on peut s’appeler chick Corea ou keith Jarett. Mais même quand on devient assez bon, si on ne fait pas les gammes parfois on s’en prend plein la tronche. Une école d’humilité la médecine toujours humble. Je l’aime bien ta note.
une saine colère mais au ton trop mesuré,maintenant que je n’ai plus que les cheveux blancs je me permets de hurler sur celui qui a fait descendre le grabataire ou l’unijambiste à l’épreuve d’effort,qui demande le doppler cervical à l’hypotendu orthostatique à 8 ou montre l’abcès cérébral au psychiatre et aux jeunes :si vos ainés déconnent vous n’ètes pas obligés de les imiter! je déteste globalement les stratifs mais dans les cas présentés ce sont les moins coupables:ils ne sont pas censés nous aider à soigner les malades tout le monde le sait depuis longtemps ils vivent dans un autre monde…
Ce commentaire, au même titre que l’article, est un cadeau pour tout malade, parent ou ami de malade. Merci à vous pour votre empathie.
La question est (dans ce cas précis, nonobstant le prétexte à cette note de blog) : aurait t’il eu plus de chance si le cancer eût été diagnostiqué plus tôt ?
Beaucoup plus tôt, oui, bien sûr.
Autre aspect de cette situation : la technicisation de la médecine et la politique de rentabilité des hôpitaux nous fait oublier que nous soignons des êtres humains, des êtres dotés d’une conscience, d’une raison, d’une âme et non un tas d’organe. Combien de fois peut-on entendre « il est dans quel chambre le ST+? », non! il s’agit de M. Untel qui est en souffrance, avec son vécu, son histoire.
Je sais qu’il est impossible de vraiment connaître un patient en 10 min de consultation mais essayons de nous rappeler que cette personne est bel et bien là, devant nous, qu’une poignée de main ou un sourire peut suffire à créer un lien humain, même s’il n’est qu’éphémère…
Un billet bien senti dans un monde de brutes.
On touche là je pense à un problème important du CHU qui m’a finalement poussé à en sortir. Les exemples d’errements de ce type sont légion, je pourrais moi-même en citer des pelletées. A mon avis, la déshumanisation croissante des structures universitaires est un mal dont l’abus du protocole n’est qu’un symptôme. L’abus de l’utilisation d’indicateurs divers et inadaptés en est un autre, comme la course à la recherche. Le fait que l’on considère toujours le CHU comme le temple de la « bonne » médecine peut pousser certains à la critique facile (n’est-ce pas, Stéphane?) dont il faut entendre le sens véritable.
Personnellement, durant ma courte et récente expérience de senior (anesthésiste) en CHU, j’ai souvent eu l’impression d’être un automate qui ne pouvait pas interrompre la course folle des évènements. Répéter sans cesse les mêmes évidences, à des personnes toujours différentes…
Ce billet me rappelle le « théorème de la banane », possiblement tiré d’une expérience scientifique réelle (si vous trouvez les références, je suis preneur!):
Prenez 20 singes dans une cage. Posez une chaise sous une banane suspendue au plafond de la cage. Les singes grimpent sur la chaise pour attraper la banane.
Installez maintenant un dispositif déclenchant une douche froide générale dès qu’un singe monte sur la chaise. Rapidement, un consensus s’installe pour que plus personne ne tente de grimper afin d’avoir la banane.
Retirez à présent un singe, et remplacez le par un singe « naïf ». Celui-ci, ne connaissant pas le dispositif de la douche froide, tentera de grimper sur la chaise. Il sera contraint par les autres à respecter le consensus sans en connaître la raison et ne grimpera pas sur la chaise, sauf à s’attirer les foudres de la communauté.
Changez un nouveau singe, puis un nouveau, jusqu’à ce que finalement aucun des singes en lice ne sache pourquoi il est interdit de grimper sur cette foutue chaise pour attraper la banane. Vous pourrez couper le dispositif de déclenchement de la douche froide sans crainte pour la banane. La société des singes a évolué, pas la règle sociale établie.
Remplacez le singe par le praticien, la cage par le CHU. Vous aurez à peu près une idée de ce que j’en pense 😉
Belle conclusion!
La phlébite c’est vicieux : examen clinique pas fiable, risque de détacher le caillot, petit bassin pas explorable à la palpation.
Mais c’est vrai que le diagnostic positif après Doppler est souvent faible.
La dépendance par rapport aux examens paracliniques est pénible mais elle est incontournable. Les protocoles c’est une façon puérile d’y répondre parce que médico-légalement aujourd’hui on a peur (mais effectivement ça n’empêche pas des erreurs dramatiques).
oui mais quand tu causes avec les amis radiologues ils voient quand même tout et n’importe quoi… les antécédents, la tachycardie, la dyspnée, le contexte doivent encore nous orienter quand même non ? Certes certains « papes » de l’EP racontent en cours/DU/congrès qu’il faut trouver l’EP que 3 fois sur 10 quand on y pense sinon c’est que l’on y pense pas assez mais de là à envoyer en examen tous les patients qui ont eu une bouffée d’angoisse, il faut mettre des priorités. De toute manière maintenant que l’on sait que les TDM irradient on va ptêt enfin arrêter de faire les bons de scans comme des bons de transports… ;+)
Et c’est là que le généraliste devrait intervenir; qu’on en mette un dans chaque service, éventuellement à mi-temps pour faire la synthèse des pathologies et fournir d’autres pistes que d’autres, ou ont oubliées, ou auxquelles ils n’ont pas pris le temps de penser.
Avec dix doigt et un bon interrogatoire on en fait des choses: diagnostic d’infection urinaire chez un vieux en grande insuffisance cardiaque, créat au plafond, qui se plaint d’avoir froid! Il se trouvait qu’il était ressorti de l’hôpital avec une sonde urinaire , gros pourvoyeur d’infection. J’ai oublié: j’ai utilisé aussi un thermomètre pour asseoir le diagnostic et l’inspection des urines.
Il est vrai que si l’on n’a le temps de rien à l’hôpital, c’est plus confortable de suivre les procédures: le patient n’est pas guéri, mais il a été hautement bilanté pour ce qui était prévu.
Mais ca sert à quoi un bilan si le patient ressort de son hospitalisation aussi mal portant qu’à son entrée? Est-ce que ce n’est pas alors tout simplement du superflu et du gaspillage d’argent, tout en donnant l’apparence d’une bonne prise en charge médicale? N’y a-t-il pas là pas parfis plutôt une mise en danger d’une personne que de lui venir en aide?
Chef de service de rea d’un CHU: aujourd’hui nous avons 6 malades à prendre, faites moi sortir 6 patients… dont 3 rentrées la veille à 18h30. J’aurai pu faire la synthèse (que j’aime faire) de 19h30 à 20h30, mais j’ai 2 jeunes enfants que j’aime également voir. Le jour de la sortie, la synthèse en faisant les 6 courriers…
Effectivement le CHU va vouloir tourner comme dans le privé sans en avoir les avantages en temps ni en argent!
Un jeune PH probatoire… qui se pose des questions!
Édifiant mais tellement réel, ça fait froid fans le dos. N’empêche que quand on prend la peine de téléphoner à un confrère pour lui demander son avis, le patient n’est pas vu, encore moins examiné et on te demande de faire pleins d’examens dont tu ne soupçonnais même pas l’existence et qu’on interprétera même pas…On est loin du pragmatisme et du bon sens, et loin de ce pourquoi au départ je voulais exercer, moi petit généraliste qui office dans un service de cancéro pour essayer de faire un peu de soins de support dans un hôpital de périph’. Faire la synthèse, c’est bien mais le souci c’est que tout le monde s’en fiche !
La seule pseudo-synthèse qu’on nous demande de faire c’est la conclusion du courrier pour que la brave secrétaire puisse faire de la T2A…Et allons y gaiement ! Pourquoi faire un hopital de semaine de cancéro pour garder et hydrater ses Cisplatine correctement quand on peut le faire en HdJ en disant au patient qu’il doit « bien boire ». « Au pire, s’il est insuffisant rénal, on switchera sur du Carbo, hein ! ». Suivons le protocole qui nous arrange plutôt que de remettre en cause nos pratiques, tellement plus simple.
On y est, ce que certains des mandarins du CHU appelait le nihilisme médical, rendre des déviances de pratique explicitement comme de bonnes pratiques parce qu’au final ça fait chier de rendre service au patient.
Merci pour ce blog, merci pour ce post, merci de me permettre de me rendre compte que des gens sont encore dévoués.
Je suis effectivement d’accord pour condamner les protocoles » x301ryx », au lieu de prendre en charge Mr Dupont.
Néanmoins, certains protocoles permettent à l’équipe soignante(renouvelée constamment) d’être « systématique » est ainsi d’éviter des oublis de diagnostics.
En termes de santé publique, peut être c’est protocole permette une meilleure prise en charge de la population, au détriment de l’individu.
Rien ne nous empêchent d’être rigoureux, et de se battre pour avoir une explication au symptôme.
Une des réponses à vos interrogations est la vrai unité de soin définit par le symptôme et non l’organe
et je mets où la méningite qui a des céphalées et des diarrhées ? ah oui dans le service qui s’occupe de la fièvre… ça tourne en rond ce truc…
IMHO le but du billet de Jean-Marie n’était pas de décrier certains automatismes salutaires (et qui fait correctement les indispensables check lists -notamment au BO- ?) mais leurs dérives orientées par des contraintes administrativo-financières qui portent préjudice au patient.
quant à la tirade santé pub/individu… ça se dégonfle tout seul votre propos…
Bien, on va prier le ciel de ne pas etre malade….parce qu’en lisant tous ces commentaires on prend PEUR ….
Mais ceux qui ont DECIDE tous ces changements ds la pratique médicale ,ont ils travaillé quelques années en Hopital?? Sont ce des MEDECINS ???
Ou simplement des énarques qui essaient d’avoir des idées originales ?
Et cette idée de » rentabilité » en médecine est tellement débile …..Qui a décidé que la médecine devait etre rentable ?
Aprés tout, etes vous obligés de ne plus » penser » et de vous plier à un protocole qui n’est pas toujours bon , ni pour le patient ,ni pour vous qui semblez dégoutés de travailler dans ces conditions ….. 😉
L’administration et les « économistes » ont mis la main sur l’organisation de la santé. Les médecins ne sont plus que les ouvriers. Mais il existe aussi des docteurs « qui passent à l’ennemi » par peur, contrainte ou ambition. Ainsi on nous a encore récemment demandé de faire attention aux prescriptions de nutrition parentérale (dans un service de cancérologie digestive…) parce que ça coutait cher… qu’on pourrait peut être prescrire un peu moins… etc.
Par ailleurs on entend aussi le discours qu’il faut faire ces efforts de soigner parfois d’une façon que l’on juge pas-optimale-au-top-du-top-de-ce-que-j’aimerais-avoir-si-j’étais-le-patient pour pouvoir soigner plus de monde…
enfin quand on voit le piège de la T2A (qui nous fait miroiter plus de moyens alors que le gateau à diviser est le même voire moindre) se refermer sur nous, la boucle est bouclée.
Personne n’est heureusement obligé (du moins explicitement) à quoi que ce soit! Si ce n’est (et alors de manière implicite) de se conformer aux habitudes de service dont les fameux protocoles font partie (Cf ma parabole de la banane, qui a visiblement fait un flop. Je l’adore, pourtant!). Pourquoi rien ne bouge alors, si tout le monde se plaint?
Éléments de réponse: en faisant porter le poids des responsabilités individuelles de chacun sur l’ensemble d’un service via ces fameux protocoles, on peut facilement se décharger du côté chiant de ces (enfin, ses!) responsabilités… Bien pratique quand on a envie de regarder ailleurs, ces protocoles!
Milgram avait bien décrit (dans obedience to Authority, travaux controversés certes, mais intéressants!) le fait qu’une dilution des responsabilités pouvait engendrer des effets pervers de ce type… Autres temps, autres mœurs, diriez vous? Pas si sûr!
Si ,j’aime bien votre parabole de la banane !!;=) Je la garde en mémoire …!
« Tout le monde fait comme ça . on ne change rien .on ne cherche meme pas à savoir si l’on peut faire autrement… » C’est bon comme résumé ?;)
Non non, elle n’a pas fait un flop, mais ces derniers temps, j’étais un peu trop occupé pour commenter et suivre la discussion!
Il s’agit en fait du « théorème du singe », issu du roman éponyme de Christian Blanchard de 2007, pour expliquer la naissance de la culture d’entreprise ( effectivement, on est au coeur du sujet dans les hôpitaux actuellement!), et les secrets de famille. Une fidèle lectrice depuis peu. Merci pour ces moments de lecture très agréables.
Alors là,MERCI.
Depuis le temps que je la cherche, cette référence…
Et voilà un lien vers un résumé des théories de Milgram:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram
J’avoue ne pas avoir lu ce roman (polar psychologique), mais ce théorème m’a plu et j’ai retrouvé sa trace sur Internet. A vérifier donc par une lecture du livre.
Votre histoire m’en rappelle malheureusement une autre.
Il y a environ 25 ans mon père a subis un triple pontage dans un établissement pas très éloigné de Granges Blanche. En raison de la persistance d’une toux invalidante à laquelle personne n’avait daigné s’intéresser pendant son hospitalisation, le cardiologue du centre de rééducation a demandé une radio pulmonaire. Le compte rendu du radiologue disait : « Masse médiastinale à explorer par TDM », ce que le cardiologue a retranscrit dans son dossier par : « Radio pulmonaire normale ». A la sortie du centre de rééducation, devant la persistance de la toux et l’existence à l’interrogatoire d’hémoptysies, son généraliste a demandé un nouvelle radio, puis un scanner qui a permis de mettre en évidence une métastase médiastinale de carcinome de 10 cm de diamètre, sous la crosse de l’artère pulmonaire. Il est mort 6 mois plus tard, en partie des suites d’une radiothérapie mal dosée, (il n’y a pas qu’à Epinal…), en malade exemplaire qui voulait faire honneur à son médecin de fils.