Un parrainage légitime

Je pense que vous avez entendu l’histoire de cette promotion de la Faculté de Pharmacie de Marseille qui a été initialement baptisée « Promotion Jacques Servier », avant d’être rebaptisée « Promotion Galien » devant les remous provoqués.

Je me suis demandé pourquoi un tel parrainage, et ce, même si la décision a été prise bien avant que l’affaire Mediator® n’éclate (mais après son retrait du marché).

Le doyen de la Faculté a dans un premier temps justifié cette décision ainsi:

Ce parrainage était tout à fait légitime. On a également une promotion baptisée « Pierre Potier », un grand nom de la pharmacie française qui a mis au point deux médicaments anti-cancéreux majeurs.

Selon Wikipedia, Pierre Potier, médaille d’or du CNRS a en effet contribué par ses travaux à la découverte de la vinorelbine et du docétaxel.

Je me suis alors demandé quels ont été les apports de Jacques Servier, en fait son laboratoire, à la pharmacopée universelle.

Sur la base BCB, on peut faire une recherche des médicaments par laboratoire, en incluant les produits retirés.

Les produits commercialisés par les filiales de Servier (Ardix, Therval, Biopharma, Euthérapie, Surval) sont compris dans cette recherche. J’ai par ailleurs laissé de côté les génériques commercialisés par Biogaran.

Une recherche avec le mot-clé « Servier » a retrouvé les produits suivants (après suppression des quelques erreurs, génériques, et doublons):

AERODIOL 150MCG/DOSE PULV

AGOMELATINE 5MG SERVIER CPR

ARCALION 200MG CPR

ARTEX 5MG CPR SECABLE

BIPRETERAX 10MG/2,5MG CPR (ASMR 5)

BIPRETERAX 4MG/1,25MG CPR

BIPRETERAX 5MG/1,25MG CPR

COVERAM 10MG/10MG CPR (ASMR 5)

COVERAM 10MG/5MG CPR (ASMR 5)

COVERAM 5MG/10MG CPR (ASMR 5)

COVERAM 5MG/5MG CPR (ASMR 5)

COVERSYL 10MG CPR (ASMR 4)

COVERSYL 2,5MG CPR (ASMR 4)

COVERSYL 2MG CPR

COVERSYL 4MG CPR SECABLE

COVERSYL 5MG CPR SECABLE (ASMR 4)

COVERSYL 8MG CPR

DAFLON 500MG CPR

DAFLON CPR

DIAMICRON 30MG CPR LM

DIAMICRON 60MG CPR SEC LM (ASMR 5)

DIAMICRON 80MG CPR SECABLE

DUXIL CPR

DUXIL SUSP BUV 48ML

FLUDEX 2,5MG CPR

FLUDEX LP 1,5MG CPR (ASMR 4)

GLUCIDORAL 500MG CPR

HYPERIUM 1MG CPR

ISOMERIDE GELUL 15MG

LOCABIOTAL 0,25% SOL PULV FL 8ML

LOCABIOTAL 1% PULV BUC/NAS 5ML

MEDIATOR 150MG CPR

MUPHORAN PDR+SOL PERF

PNEUMOREL 0,2% SP 150ML

PONDERAL CPR 20MG

PONDERAL GELUL L/ACTION 60MG

PRETERAX 2,5MG/0,625MG CPR (ASMR 4)

PRETERAX 2MG/0,625MG CPR SEC

PROCORALAN 5MG CPR SECABLE (ASMR 3)

PROCORALAN 7,5MG CPR (ASMR 3)

PROTELOS 2G SACHET (ASMR 3 ou 4 en fonction de l’indication)

PSEUDOPHAGE GLE SACHET

STABLON 12,5MG CPR

SURVECTOR CPR 100MG

TRIVASTAL 20MG CPR

TRIVASTAL 3MG/1ML AMP IM-IV

TRIVASTAL LP 50MG CPR

VALDOXAN 25MG CPR (ASMR 4)

VASTAREL 20MG CPR

VASTAREL 20MG/ML SOL BUV 60ML

VASTAREL 35MG CPR LM (ASMR 5)

VECTARION 15MG/5ML PDR+SOL IV

VECTARION 50MG CPR SECABLE

VITATHION SACHET EFF

En rouge, les médicaments retirés, entre parenthèse, les ASMR quand celles-ci sont disponibles.

Certains produits comme le Pneumorel®, le Locabiotal® et le Daflon® ont des SMR insuffisantes qui ont justifié leur déremboursement.

La meilleure ASMR décrochée par les produits des laboratoires Servier est donc 3, « Amélioration modeste en termes d’efficacité thérapeutique et/ou de réduction des effets indésirables » pour les spécialités suivantes: Protelos® pour les patientes de plus de 80 ans et Procoralan®.

Si l’on regarde maintenant les médicaments retirés, on trouve les conséquences du changement de galénique du périndopril pour le Coversyl® 2, 4 et 8, le Bipreterax® 4/1.25 et le Preterax® 2/0.625.

On en retrouve aussi 3 qui ont beaucoup fait parler d’eux récemment:

  • Médiator®

  • Isoméride®

  • Pondéral®

Ces traitements ont été retirés par les autorités sanitaires pour un rapport bénéfice/risque nettement défavorable.

J’ai un peu fouillé pour chercher les causes de retrait du Diamicron® 80, l’Agomélatine® 5 (l’agomélatine est la DCI du Valdoxan®), le Muphoran®, le Locabiotal® 1% et l’Aérodiol®, mais je n’ai rien trouvé de notable (si vous avez des données, je suis preneur).

Par contre, le Survector® et le Duxil® ont été retirés pour un rapport bénéfice/risque défavorable, respectivement pour pharmacodépendance (Rev Prescrire 1999 ; 19 (192) : 116) et neuropathies périphériques (Rev Prescrire 2005 ; 25 (266) : 743).

Comme vous le savez, l’Afssaps a demandé le 7 avril dernier le retrait du Vastarel® pour rapport bénéfice/risque défavorable.

Ce n’est donc certainement pas en reconnaissance des apports des laboratoires Servier à la pharmacopée que cette promotion a été ainsi initialement baptisée.

Quand les idées créent les faits

Maintenant, il y a quand même une chose que l’on ne pourra jamais reprocher aux laboratoires Servier, c’est une recherche dynamique en quête perpétuelle d’innovation (à l’exception notable du périndopril, son produit phare en cardiologie, qui a été acheté à un laboratoire japonais…).

Si vous avez la curiosité de regarder la classification ATC (ou BCB) des produits Servier, vous trouverez très souvent la mention « Autre… » ce qui signe une molécule originale développée loin des sentiers battus de la recherche.
C’est peut-être pour cette innovation que Jacques Servier a été ainsi mis à l’honneur par la Faculté de Pharmacie.

Cependant, je ne comprends pas pourquoi l’innovation, aussi louable soit-elle, qui a conduit au développement et à la commercialisation de molécules que l’on sait maintenant être inutiles, bien pire, dangereuses a ainsi bénéficié d’une telle reconnaissance de la part de la Faculté de Pharmacie.

Pourquoi payer?

J’adore parcourir le NYT au petit matin.

Dit comme ça, ça fait très snob, ce qui l’est peut-être, mais cette lecture quotidienne me permet de lire de l’anglais non médical et de développer un peu mon vocabulaire.

Surtout, la qualité des articles du NYT, récompensée par de nombreux prix Pulitzer, encore deux cette année, est absolument remarquable.

Elle est d’autant plus remarquable qu’elle contraste avec celle des articles de notre presse nationale, même celle dite « de référence ».

Pour vous faire toucher du doigt l’immensité du fossé qui sépare le NYT de cette dernière, lisez ces deux articles dont j’ai déjà parlé:

Et n’importe quel article du Monde, du Figaro, du Parisien

Les articles du NYT ne se limitent donc pas à être de simples flux RSS de dépêches d’agences ou de blogs hébergés.

Bref, quand le NYT a décidé de passer au payant le 28 mars dernier, à cause de difficultés financières importantes, je me suis demandé si je n’allais pas m’abonner. Je ne suis pas le seul à m’être posé cette question, par exemple Francis Pisani a bien synthétisé le dilemne.

La qualité se paye, et le choix de verser un abonnement afin de garder cette excellence, même après une très longue période de gratuité m’a semblé raisonnable.

Mais la politique tarifaire totalement baroque m’en a dissuadé: un abonnement pour iPad+toile, un pour iPhone+toile, un pour les deux+toile (cher). Pourquoi pas un abonnement par poste fixe, non?!?

Par ailleurs, la limite de 20 articles par mois en accès gratuit est une forte incitation à créer 3 ou 4 comptes, un par navigateur, pour ne jamais atteindre la limite du gratuit.

Enfin, troisième point lui aussi totalement baroque: cette fameuse limite de 20 articles ne s’applique pas si vous êtes arrivés sur un article via par exemple un lien publié dans Twitter. Par contre, si vous cliquez sur le même article en musardant sur la page de garde du NYT, sa lecture va vous être décomptée, voire bloquée si vous avez dépassé votre limite mensuelle.

Puis @julielyo (merci, merci, merci!) m’a fait découvrir cet article des NewYorkuptibles (!) qui décrit un moyen très simple mis au point par un développeur canadien pour repousser la limite du gratuit ad libitum.

Ça marche très bien et je peux continuer à utiliser mon compte principal du  NYT.

(cliquer pour agrandir)

40-50 millions de dollars pour une telle usine à gaz qui permet aisément de contourner ses propres restrictions, je trouve cet échec incroyable.

A moins que cela ne soit un acte manqué motivé par l’inconscient des éditeurs du NYT qui semblent avoir eu beaucoup de mal à s’être faits à cette idée d’un accès payant.

 

Epstein Barr et transplantation rénale

Un patient m’a rapporté une histoire qui m’a semblé tellement extraordinaire que j’avais de l’appréhension à vous la raconter, de peur qu’elle ne soit unique, donc identifiable.

Mais mon néphro préféré a levé mes craintes en me disant que ces situations étaient « classiques ».

Donc voilà mon histoire:

Il était une fois un jeune patient qui se morfondait en dialyse depuis plusieurs années, car il était EBV-, et que la majorité de la population est EBV+.

Qui trop embrasse mal étreint, mais qui pas assez embrasse reste EBV-, lui avait pourtant maintes fois répété sa brave femme de mère.

Or, les transplanteurs n’aiment pas du tout (mais certains le font) transplanter un greffon EBV+ à un patient EBV-. En effet, l’activation ou la réactivation précoce d’un EBV peut induire une MNI très sévère, ou un risque de transformation lymphomateuse du fait des immunosuppresseurs.

Les saisons passaient et malgré tout son courage, notre patient perdait espoir.

Un soir, une bonne fée infirmière vint se pencher sur son appareil de dialyse, et lui tint ce discours: jeune patient, ma fille de 12 ans a actuellement une MNI, passe donc à la maison boire l’apéro, et peut-être que ton souhait le plus cher sera exaucé!

Ce que fit notre héros.

Il arriva à  la maison de la bonne fée infirmière qui l’accueillit avec douceur: Preux patient, porte hardiment à tes lèvres la coupe de Fanta de ma fille qui fait la larve sur le canapé depuis le début de son affection et tu te sero-convertiras!

C’est ce qu’il fit sans crainte, et ce qui devait arriver arriva, il devint EBV+.

Il fit aussi la larve sur le canapé, mais après quelque temps, il fut récompensé de ses efforts par un beau greffon tout neuf.

Il s’aimèrent très fort et firent beaucoup pipi.

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Lim WH, Russ GR, Coates PT. Review of Epstein-Barr virus and post-transplant lymphoproliferative disorder post-solid organ transplantation. Nephrology (Carlton). 2006 Aug;11(4):355-66.

De l’infiniment grand à l’infiniment petit

Les labos ne savent plus quoi inventer pour faire se déplacer des cardiologues blasés, repus et fatigués après leur longue journée de travail pour assister à des soirées promotionnelles.

Mais j’avoue que là, Bouchara Recordati a fait fort pour une soirée qui va probablement tenter de faire progresser les ventes du Zanextra® (enalapril+lercanidipine):

(cliquez pour agrandir)

Rien de moins que le grand Hubert Reeves, qui a tenu à être présent à l’occasion de cette présentation de référence!

Enfin, a tenu, c’est une bien grande expression pour cette soirée particulière organisée par Bouchara, car cela fait quelques temps que François, le cardiologue et Hubert, l’astrophysicien (qui sont donc neveu et oncle) roulent leur bosse ensemble en présentant des conférences.

Dans cette soirée, on va passer de l’univers infiniment grand, à l’amélioration du service médical rendu infiniment petit (ASMR V) du Zanextra®.

Je ne sais pas ce que Hubert pense du Zanextra®, mais ce médicament n’a fait rêver ni la HAS:

Avis de la HAS

, ni Prescrire:

(Cliquez pour agrandir)

Rev Prescrire 2009 ; 29 (309) : 490)

Nulle doute que les immenses talents de conteur de Hubert sauront faire oublier aux auditeurs ces microscopiques et insignifiants détails.

Quels Reeves célèbres auraient invités d’autres laboratoires?

Rêvons un peu.

Pfizer aurait eu les moyens de faire venir Keanu,

Servier nous aurait fait croire à la présence de Steve en démontrant qu’il est toujours bien vivant,

Et Sanofi, le laboratoire bien de chez nous, aurait engagé Jean-Pierre

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