Interdépendance

Depuis pas mal de temps, j’essaye de visualiser l’interdépendance entre les médecins prescripteurs et l’industrie pharmaceutique.

Étant donnée l’actualité, j’ai un peu plus réfléchi au problème et j’en ai tiré ce schéma:

Bon, c’est un mauvais schéma car ça part dans tout les sens, et il n’est ni esthétique, ni explicatif.

Mais j’ai essayé d’être complet.

Quand on y pense, l’industrie porte à bout de bras, à bout de portefeuille, je devrais dire, une grande partie de l’environnement du médecin.

Elle finance très partiellement ou en totalité:

  • les essais cliniques

  • les journaux scientifiques (achat d’encarts publicitaires et de tirés à part)

  • les journaux pseudo scientifiques (achat d’encarts publicitaires et achat d’abonnements)

  • la FMC (financement des Enseignements Post Universitaires)

  • certaines écuries qui aident les étudiants au cours de leur scolarité, certaines bourses, les supports pédagogiques individuels, mais aussi collectifs au sein des services (projecteurs…).

  • les sociétés savantes (partenariat institutionnel, aide au financement des journées…)

  • certaines associations de patients

Elle a des liens financiers avec un certain nombre d’experts qui sont présents, par leur expertise même au sein de 4 structures différentes qui vont influencer directement ou non la prescription médicale:

  • la Faculté

  • les sociétés savantes

  • les agences de régulation sanitaire

  • et bien sûr l’industrie elle-même par le biais des départements recherche et développement, et leurs services commerciaux.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je ne dénigre pas l’expertise ni les experts. On ne fait pas partie des « méchants » si on bosse avec l’industrie. C’est un choix personnel qui n’est pas déshonorable.

Mais la présence d’experts ayant des liens financiers avec l’industrie au sein des facultés, des agences de régulation et des sociétés savantes doit faire se poser au minimum le problème des conflits d’intérêt.

Hormis en passant des diplômes complémentaires à la Faculté (et ils remplissent mal ce rôle de mise à jour), il est quasi-impossible à l’heure actuelle pour un médecin de suivre un enseignement post-universitaire indépendant, sans parler même de se tenir au courant.

Ce schéma montre à quel point la réforme de nos relations avec l’industrie est nécessaire, mais aussi et surtout à quel point elle sera complexe à mettre en œuvre.

Il n’existe aucune solution simple, encore moins simpliste.

9 Replies to “Interdépendance”

  1. Il n’y a pas cinquante solutions, je pense que la crise financière mondiale par ces tenants et ses aboutissants et très proche de la problématique de l’industrie pharmaceutique. Moraliser le capitalisme est un vœu pieux, moraliser les conflits d’intérêts de même. Je pense que la solution est très simple contrairement à ce que tu penses. Il faut simplement empêcher tout contact entre industrie et médecins prescripteurs. Plus de recherche sponsorisée par l’industrie, plus de revues avec de la publicité de l’industrie, plus de sociétés savantes sponsorisées lourdement par l’industrie. C’est possible, c’est un changement de mentalité profond. Mais aucun d’entre nous n’est prêt à cette remise en cause du système, sauf à la marge et ceci sera inefficace comme la moralisation du capitalisme.

  2. Ha la publicité !!!

    Au milieu de mon lot quotidien de publicités, il y avait la lettre de Sanofi aux prescripteurs. Normalement ça passe direct à la poubelle comme les pubs mais là j’ai fait un effort!
    J’avais reçu via MedExact (pourriel) la même lettre!
    Un des problèmes est là dans l’information: mélange de publicités et d’informations plus sérieuses (il faut bien avouer fort rares!); interview de l’Afssaps dans des revues à côté d’une publicité… etc, un mélange des genres, une confusion volontairement entretenue.
    Je me souviens d’une pub en bandeau sur un cardio pratique pour un sartan en association avec un diurétique où il y avait un coeur doré à gratter…
    On nous prend vraiment pour des enfants ou des singes ou les deux.
    TacOTac, une chance au grattage une chance au tirage si votre docteur vous prescrit ce sartan !!! Il est suspecté d’augmenter la mortalité cardio-vasculaire chez le diabétique. Pour ceux que ça intéresse:
    http://www.fda.gov/Drugs/DrugSafety/PostmarketDrugSafetyInformationforPatientsandProviders/ucm215222.htm
    Avez-vous vu un délégué médical venir vous en parler??? C’est inenvisageable puisque l’efficacité d’un délégué ce mesure au volume des ventes de son secteur.

    Je pense que ma révolte personnelle et la volonté de ne plus « tolérer » ce que je tolérais avant sont nées d’une tentative d’intimidation via la visite médicale qui voyait d’un mauvais oeil la baisse de volume de sa statine et avait manifestement des informations assez précises…

    Pour moi il faut déjà interdire la publicité sous quelque forme que ce soit auprès des professionnels de santé pour commencer!

  3. Je pense pour ma part qu’il est totalement illusoire et irréaliste de se priver du financement de l’industrie(l’Etat qui a d’autres chats à fouetter pourra peut être financer l’AFSSAPS mais ça s’arrêtera là). A nous d’être un peu plus malins et de nous servir de cette manne à bon escient et à des fins scientifiques…Après tout, personne ne nous empêche de faire le tri parmi les (encore) nombreuses propositions qui nous sont faites en permanence.
    Personnellement, je ne m’informe qu’à la source en lisant les articles princeps, je me fais mon idée et une fois que j’ai « adopté » une molécule, j’accepte (gratuitement évidemment) de faire une et une seule soirée avec mes confrères généralistes pour une FMC locale. Je retravaille systématiquement les diaporamas PP fournis par le labo ou le crée moi-même. Je ne me laisse pas imposer les FMC proposées par les labos mais leur indique moi-même à laquelle je veux participer. Evidemment, je ne demande jamais à un labo dont je ne prescris pas la molécule afin de ne pas être ensuite dans une position de redevable. Cette façon de faire, de renverser le rapport de force à surpris pas mal de délégués au début, parfois avec quelques coups de gueule de ma part, mais ils savent maintenant qu’ils (elles le plus souvent d’ailleurs :-)) peuvent me raconter tout et n’importe quoi sur leur produit, je m’en tiendrai à mon opinion initiale basée sur les études. Bien sûr cela demande un peu de temps et d’efforts, mais c’est le prix de la confiance de ses patients et de ses confrères, le respect de ses interlocuteurs de l’industrie et la satisfaction de se sentir encore un peu libre.
    A nous de ne pas céder à la facilité et de ne pas prêter le flanc.
    Le problème de l’indépendance de l’expertise aussi bien au sein des sociétés savantes que gouvernementales est d’un autre niveau, puisque chargées d’édicter les « canons » selon lesquels nous devrions exercer notre art…J’avoue que c’est ce qui m’a le plus perturbé ces dernières semaines, même si le fait de s’alimenter « à la source » limite le risque d’interférences. Après tout et en allant au bout du raisonnement, les essais cliniques sont aussi financés par l’industrie.
    Mince…la vérité serait-elle encore ailleurs ???

  4. Tout à fait d’accord avec Pierre. On peut encore grâce à internet, aux accès « full text », aux blogs et avec un peu de sens critique, se faire une idée sur les nouveaux essais cliniques et sur les recommandations des sociétés savantes. Même (oh non, je vais trop loin! trop tard, je me lance) sans lire « prescrire » (aïe, ça va barder…).
    Lorsque des « recommandeurs » se mettent à recommander en première intention un médicament qui n’est même pas en vente en France, dans un pathologie aussi fréquente que la fibrillation auriculaire, il y a baleine sous gravier, non ?
    Séparer coute que coute l’industrie pharmaceutique des médecins prescripteurs revient à inféoder ces derniers aux recommandations, à l’université, et à la FMC. Pas sûr qu’on y gagne… Je suis optimiste, mais vos blogs médicaux en témoignent, Les prescripteurs ont encore un peu de jugeote, non?

  5. j’ai juste une petite question,dont je n’ai jamais eu de réponse

    avec la reforme des faculté,et l’indépendance financière de celle-ci qui va financer la faculté de médecine
    les laboratoires ?la sécu (elle suffisamment en déficit)
    moi cela m’inquiète

  6. la fmc sans industrie existe ,la presse sérieuse est supportable avec moins d’encarts que la grand public, on jette la gratuite,les sociétés savantes peuvent se serrer la ceinture et rester efficace ( je connais le train de vie de la société de mathématiques),le passage de l’enc se fait en dci ce qui protège un peu les jeunes cerveaux, demeurent difficile le soutien matériel aux services pour les activités pédagogiques la fac donnant très peu les bourses jeunes chercheurs et il faudrait rejoindre la misère générale ce qui est possible
    le gros gros problème reste le financement des essais cliniques meme si la majorité ont surtout un effet promotionnel…

  7. C’est à l’Etat d’organiser la séparation des pouvoirs et de faire une régulation efficace pour que les intérêts de la santé publique ne soient pas dégradés par les intérêts économiques des firmes. Les exemples d’arbitrages au détriment de la santé publique deviennent de plus en plus souvent évidents quand ils ne sont pas caricaturaux… ce qui est l’aboutissement de « l’infiltration » si normale et si chère à la présidente de la SFC.

    La santé publique est décidemment une variable d’ajustement.

    Une séparation des pouvoirs bien organisée éviterait les dérives extrêmes d’un système dont on perçoit de mieux en mieux les limites et les inconvénients majeurs… pour la santé publique !

    Nous sommes des soignants et nous ne pouvons lire qu’une petite partie de la littérature internationale. Nous avons donc besoin de recommandations fiables dont les conditions d’élaboration ne soient pas entachées de suspicion. Nous n’avons pas besoin de publicités malhonnêtes mais d’informations claires et objectives sur le médicament sans avoir à dépenser une énergie excessive pour démêler le vrai du faux…

    Il faut dépolluer l’information sur le médicament et l’encadrement de la publicité est un moyen totalement illusoire dont l’avantage est surtout de ne rien remettre en question !!! L’attitude du politique sur ce point crucial résumera à mon sens sa sincérité et sa volonté ou pas d’être efficace.

    300000 patients sous MEDIATOR au moment du retrait du marché malgré une fiche de transparence de 2006 totalement défavorable est démonstratif qu’il y a un problème dans l’information des prescripteurs. Je pense d’ailleurs que les documents de la HAS sont peu lus.

    Je me demande quelle genre de liberté on revendique si elle aboutit au dévoiement totale de notre profession avec des conséquences catastrophiques pour les patients que nous étions censés soignés…

  8. Il ne s’agit pas de liberté de prescrire n’importe quoi, mais de liberté de penser. Si les recommandations (et ceux qui les rédigent) délivraient une information parfaitement loyale, alors, bien sûr, nous serions tous plus sereins. Tant que les « experts » passeront plus de temps à faire la tournée des topos rémunérés qu’à enseigner à la fac, je resterais très dubitatif.

  9. Sur la question de la publicité directe au patient, cette lettre de la HAS n’est pas inintéressante:

    Cliquer pour accéder à lettre-john-dalli.pdf

    Elle propose donc que l’information soit donnée par les professionnels de santé et critique évidemment la publicité commerciale directe dont elle rappelle les objectifs… de même que le caractère inopérant de la distinction information/publicité.

    Sur l’efficacité de la certification de la visite médicale:
    http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_942459/impact-de-la-certification-sur-la-qualite-de-la-visite-medicale

    La HAS est donc bien impuissante… :

    « Enfin, la HAS va davantage communiquer auprès des médecins sur les moyens de promotion de l’industrie pharmaceutique, de manière à les sensibiliser à la vigilance nécessaire pour préserver leur libre arbitre dans leurs choix de prescription. Ce sont probablement les acteurs les plus efficaces pour améliorer la qualité de la visite médicale.  »

    et la HAS n’est pas très convaincue !!!!

    La publicité influence aussi les prescripteurs bien entendu. La branche marketing a beaucoup de moyens et travaille beaucoup… Mais pourquoi donc???? Le bon usage du médicament????

    A titre personnelle jamais la visite médicale ne m’a communiqué spontanément les avis de la HAS (1ère fois avec MULTAQ l’avis étant intégré au livret d’information). Jamais la visite médicale ne m’a proposé de consulter le site de la HAS et « ne sait même pas comment faire » lorsque j’essaye de rechercher l’info avec elle… Devant la contradiction, surtout si la désinformation est grossière, la visite médicale (Servier) n’hésite pas à me rappeler ce pourquoi elle est payée… Je n’en doutais pas!!!
    J’ai entendu de la bouche de la VM à propos de « nouvel antihypertenseur » vanté par Professeur PARIS MATCH que « si le gouvernement l’autorise, c’est pour le prescrire ». Les arguments sont magnifiques!!!

    Les diagnostics sont connus, dits et redits… Il faut accepter d’appliquer le seul remède efficace: stop à la publicité sur les médicaments !!!

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