J’ai lu récemment le « Crabe-tambour » de Pierre Schoendoerffer, roman publié en 1976 et adapté par l’auteur au cinéma en 1977. Le film m’a toujours laissé une impression fantastique, même quand j’étais enfant. Je ne comprenais pas bien cette longue méditation sur le devoir, l’honneur, et la quête du Commandant et du médecin au beau milieu de l’Atlantique déchaîné. Malgré cela, je sentais que ce film véhiculait quelque chose de plus grand que je ne pouvais comprendre. Des années plus tard, le livre m’a fait la même impression. Le passé colonial et ses guerres ne me sont connus que par des lectures, et je n’ai aucun regret de tout cela. Pourtant, le récit de ses hommes désemparés après la perte de ce pourquoi on leur a demandé de se battre, de ce qu’ils considèrent être leur honneur est poignant. La longue agonie du Commandant, rythmée par ses piqures et celles de Phnom Penh et de Saigon rythmées par les infos entendues à la radio par l’équipage ne font qu’accentuer l’impression de la fin d’un monde.
Ce roman, et ce film me paraissent totalement incongrus dans notre société actuelle. Cela les rend presque inintelligibles.
Reste-il encore quelque chose dans notre société qui soit honorable, qui nous transcende, qui mérite qu’on se batte?
(en dehors de l’arrivée de Neymar, je veux dire)
J’avais 17 ans quand j’ai vu le film, j’avais lu le roman l’année précédente avec un enthousiasme né de la lecture d’un autre grand livre, la 317 ième section.
Je l’ai compris un peu différemment . Le monde des personnages disparaît avec la chute de Saigon mais eux persistent seul celui qui a un moment renoncé s’étaient dans la souffrance, la solitude et le remord probable( Jean Rochefort dans le film) . L’engagement des autres personnages, persiste. Ni le crabe tambour ( Jacques Perrin), ni le médecin (Claude Rich) ni même le chef (Jacques Dufilo) n’ont de regret. Ils ont une nostalgie d’un monde qui disparait, de leurs illusions perdues, mais pas de leurs engagements. C’est certes une vision nostalgique d’un monde ( les colonies) mais aussi une vision positive de l’engagement qui transcende le temps et les circonstances. Ce ne sont pas des personnages d’une pièce de Racine portées par leur destin immuable, mais plus des personnages cornélien luttant pour exister. Il est vrai qu’à 17 ans la passion l’emporte sur la raison mais j’espère que 40 ans après il me reste un peu de cette passion.
Excellente, la chute.
Bonjour,
« Le crabe-tambour » et « La 317e section » restent, pour moi, les films d’un homme d’honneur qui a connu le déshonneur en Indochine. Je ne sais pas comment exprimer mon admiration devant le mise en scène de l’un comme de l’autre. Qu’est-ce que je n’aime pas ? J’aime tout : les personnages, le courage, la peur, le panache, le manque d’expérience et l’expérience, la végétation d’un pays que je ne connais pas, la beauté de la mer. Le chat noir, tout cela mélangé. Que reste-t-il de ces films ? La meilleure réponse est celle que vous faites puisque vous en parlez. Le meilleur hommage à rendre à quelqu’un qui n’existe plus est de parler de lui. Merci pour Pierre Schoendoerffer. Passion et raison peuvent vivre ensemble.
Ce livre , ce film je les ai relus et revus. J’ai été médecin militaire , et exerce en libéral pour une deuxième carrière. L’idéal, quand j’ai commencé comme santard était fort: » pro patria et humanitate ». Mais la première guerre du golfe a été curieuse avec l’ absence d’envoi de soldats du contingent et l’utilisation exclusive de professionnels car la population était bien réticente. Quels étaient les enjeux? La défense d’intérêts économiques n’est pas la même chose que défendre son pays. Puis la Bosnie et le Kosovo ont été une interposition entre des forces où on n’arrivait plus à reconnaître les justes des bourreaux et où l’idéal se dissout sur les réalités du terrain. Oui j’ai adoré ces œuvres car je m’y suis retrouvé , et j’ai l’impression d’avoir vécu ces questionnements il est vrai de manière moins aigüe. Et toujours dans la même indifférence du pays….