Dies irae

Les laboratoires Servier m’ont toujours impressionné par leur manière de vendre des médicaments.

Ils déterminent de façon méthodique une stratégie de vente qui est souvent avant-gardiste et l’appliquent sans se poser le moindre questionnement. Leurs publicités des années 70 avaient par exemple 20 ans d’avance.

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IMG_0276Pour cela, ils sont remarquables.

Depuis des années, Servier, comme d’autres, mais eux sont les meilleurs, ont su développer et faire fructifier des liens extrêmement forts avec les cardiologues, à titre individuel et collectif via des structures comme la SFC, le CNCF, ou le syndicat des cardiologues libéraux.

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Il en va de même pour la presse médicale que nous recevons tous gratuitement, et qui ne vit que pour et grâce à l’industrie. Ces journaux sont comme des virus utilisés dans la thérapie génique. Ils délivrent une information, favorable aux labos, à une cible très précise, un médecin de telle ou telle spécialité.

serviersynd1D’où leur multiplication stupéfiante: une revue par spécialité et depuis quelques années par sous-spécialité. Je le dis de nouveau, personne parmi nous ne paye d’abonnement à ces journaux de niche. Leur survie est donc intimement liée aux subsides des labos. Cerise sur le gâteau, les articles sont des piges bien payées pour de grands noms, universitaires ou non.

Tout le monde est content:

  • l’industrie pharmaceutique délivre un message précis à une cible précise, et s’inféode dans le même mouvement une grande partie de l’information médicale post-universitaire.
  • Les revues vivaient jusqu’à présent pas trop mal (en ce moment c’est quand même un peu la crise…) sans avoir à rechercher des lecteurs puisque c’est l’industrie qui payait les abonnements et fournissait les listes d’abonnés. Du moment qu’elles publient des articles dithyrambiques sur les dernières nouveautés ou ne parlent pas des études négatives, comme SIGNIFY pour l’ivabradine, l’industrie leur assure le boire et le manger.

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  • Les cardiologues leaders d’opinions se font mousser, et arrondissent leurs fins de mois.
  • Les cardiologues « de base » (j’en suis un) ont l’impression de continuer leur formation à moindre frais et de vivre dans un monde ou tous les médicaments qu’ils prescrivent, surtout les plus récents sont des merveilles.

Finalement, les seuls lésés par ce gentil petit système, ceux qui ne demandent pourtant rien à personne sont la sécu et les patients.

Et là, patatras, voilà qu’un acteur, et pas n’importe lequel, les laboratoires Servier, eux-même ruent dans les brancards et crachent dans la soupe.

L’histoire est très bien racontée par Medscape. fr et Libération.

Les laboratoires Servier ont donc engagé la firme de conseils Simmons & Simmons pour aller mordre les mollets de leurs anciens amis, la SFC et le CNCF et par ricochet la presse médicale « de qualité ».

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Ils égratignent la revue Cardinale qui ne serait pas une revue scientifique, donc indigne d’être citée par la SFC et le CNCF dans l’affaire Mediator®.

Ils ajoutent « que Cardinale n’est pas référencée dans les bases de données scientifiques et ne remplit pas les critères qui permettent d’en garantir la qualité scientifique » et que « la plupart des assertions de cet article ne sont que l’expression de l’opinion de ses auteurs et non l’expression d’un consensus de la communauté scientifique internationale ».

C’est assez croquignolesque de de voir Servier critiquer la qualité scientifique de cette pauvre revue Cardinale.

C’est comme si UPSA se rendait tout d’un coup compte que Cindy n’avait pas son doctorat en pharmacologie moléculaire et cellulaire et ne connaissait strictement rien aux rhinites hivernales.

Page 29, dans ce numéro de Cardinale de 2001, longtemps avant que Servier ne se rende compte très récemment que cette revue n’était pas le NEJM, ce labo n’hésitait pourtant pas à vanter son extraordinaire Vastarel®.

Curieux que Servier ait décidé de montrer tout d’un coup les dents d’une façon aussi spectaculaire à ses partenaires.

Je ne discerne pas tout, mais je n’ai aucun doute que tout cela ait été longuement réfléchi.

A leur place, néanmoins, j’aurais été moins frontal. J’aurais diminué le nombre de mes encarts publicitaires, la taille de mes stands, le nombre de mes symposia, de mes invitations aux congrès, de mes bourses d’étude, de mes tirés-à-part, pour discrètement mais efficacement montrer qui est le patron.

servier sfc derumeaux(Source.)

Peut-être qu’ils l’ont fait, mais sans succès, alors?

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(©Disney)

Peut être que, comme je l’avais écrit le 18/01 de façon un peu prémonitoire, d’autres labos ont remplacé Servier dans leur cœur. Attention, il faut toujours se méfier d’un partenaire éconduit…

Y a t’il quelqu’un dans la salle pour saisir le CODEEM au nom de la SFC, de la revue Cardinale ou du CNCF?

3 Replies to “Dies irae”

  1. le titre me paraissait être une invitation à un extrait musical mais je dois avouer que je ne suis pas déçu…

  2. Pour les revues professionnelles, subir le « dies irae » les condamne.
    Pour le « professionnel de base », je recommande le « magnificat  » avec une phrase merveilleuse :
    « Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles. » (Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles.)

    Bien contente de retrouver vos articles … meilleurs voeux.
    Au fait, j’ai trouvé ceci sur la toile, peut-être y trouverez-vous votre compte 🙂

    Cliquer pour accéder à leRapportQuiPique.pdf

  3. Gérard Mérat décrivait vers 1975 dans son livre « moi, un médecin » le système servier.

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