Le NYT et le Guardian ont publié à quelques temps d’intervalle deux articles de Jon Ronson sur la réputation numérique:
Jon Ronson. How One Stupid Tweet Blew Up Justine Sacco’s Life. NYT. FEB. 12, 2015 NYT.
Jon Ronson. ‘Overnight, everything I loved was gone’: the internet shaming of Lindsey Stone. The Guardian FEB. 21, 2015.
C’est un joli coup de son agent, car il va prochainement publier un bouquin sur … la réputation numérique (heureux hasard…). Les articles se ressemblent évidemment beaucoup, mais ils sont intéressants à lire tous les deux du fait de la petite différence d’éclairage qu’ils apportent.
L’histoire est toujours un peu la même: un individu lambda fait un truc stupide et/ou inconvenant et l’envoie sur les réseaux sociaux, Twitter ou Facebook. S’en suit une réaction en chaine assez typique d’internet, qui conduit à un « public shaming » qui est tellement américain, mais qui, je le pressens, aura un joli succès chez nous. En général, la personne perd son boulot, ses amis, et marquée au fer rouge de Google n’arrive pas à refaire sa vie, même plusieurs années plus tard. Parfois, c’est celui ou celle qui a initié le public shaming qui se prend un retour de bâton, avec les mêmes conséquences.
Cette série d’articles soulève des tas de remarques/questions intéressantes:
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Qu’est ce que l’identité numérique?
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Internet, lieu de liberté ou lieu où s’exerce la dictature populaire de la bien-pensée?
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Jusqu’à où aller pour satisfaire nos « suiveurs »? Faire un truc stupide ou le dénoncer de façon virulente, même combat d’ego.
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Internet permet potentiellement à tous d’avoir son « quart d’heure de célébrité », ce que soit bénéfique ou destructeur…
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J’admire l’opportunisme des gens qui vendent leurs services comme restaurateurs de réputation numérique, et le cynisme de ceux qui y ont recours. Le « repentir » n’est même pas de l’auteur original…
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La mémoire d’internet est totalement terrifiante.
Finalement, dans ces histoires, ce qui me dérange le plus est la justice populaire numérique qui broie les individus, les yeux loin de la boucherie, la conscience en paix, et en toute impunité. Nous faisons tous des erreurs et la saveur d’un bon mot est souvent relevée par une pincée de non politiquement correct. Cela ne fait pas de vous un être mauvais, pourtant la sanction peut être totalement disproportionnée sur internet. Et puis, comme le dirait ce vieux Juvénal qui ne connaissait pourtant ni Tweeter, ni Facebook : sed quis custodiet ipsos custodes ?
Cover your ass, always…
On peut rire de tout, pas forcément avec tout le monde… Une fois le bouton tweet/publier cliqué, tout le monde est dans la boucle et alors tout devient possible, le meilleur comme le pire.
Le boulot reste un endroit à très haut risque, nécessitant encore plus de précautions. J’ai twitté récemment une photo plutôt rigolote, prise dans un contexte non lié à mon travail. Mais j’ai pris ce cliché à la clinique, et sa légende pouvait induire tout un tas d’interprétations directes ou indirectes qui auraient pu devenir désagréables, avec le temps, hors contexte, avec de la malveillance… Au bout de 15 secondes, je l’ai supprimé. Mais l’une de vous l’a vue et commenté ;-).
Enfin, dernier sujet un peu hors cadre: la difficulté de maintenir une frontière « satisfaisante » entre l’intime et le public (l’extimité). je dis « satisfaisante » car je suis persuadé (intimement 😉 ) qu’une frontière totalement imperméable n’est pas forcément souhaitable. Mais c’est probablement une déformation de vieux blogueur…
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