Le numéro d’octobre 2012 de Consensus Cardio est un chef-d’œuvre à mettre entre toutes les mains de ceux qui s’intéressent aux relations entre l’industrie pharmaceutique et les médecins.
Je pense même qu’on pourrait y consacrer un cours entier dans le cadre d’un enseignement supérieur d’éthique.
J’aurais pu y consacrer une note acerbe, mais ce numéro se suffit à lui-même pour véhiculer mes convictions.
En plus, c’est toujours mieux de vous faire votre propre opinion.
Il comporte deux textes fondateurs qui resteront dans les annales, les éditoriaux du rédacteur en chef et du directeur de la publication, qui sont en début de numéro:
- Image d’Épinal
- La qualité finit toujours par payer
L’ensemble de ce numéro, expurgé de ses nombreuses publicités « impartiales » est disponible au téléchargement ici.
Lisez attentivement ces éditoriaux, chaque mot est pesé et réfléchi. Lisez le reste plus rapidement, vous en aurez rapidement intégré le concept.
Pour vous le restituer dans le jus dans lequel chaque abonné (par l’industrie pharmaceutique) le reçoit, je me suis permis de faire quelques clichés de ce considérable monument d’impartiale qualité:
Tu la sens bien, l’impartialité et la qualité?
L’article de Kesselheim et al., que j’ai lu moi aussi, mais très différemment est disponible en texte complet ici.
Parmi nous, bien peu ont ouvert les yeux. Je n’ai aucun espoir pour ceux qui ont profité du système depuis leurs premiers pas au CHU. Que ce soit par opportunisme ou par conviction, ils errent dans les flamboyants palais de l’industrie pharmaceutiques tels de petits Siddhārtha. Il faut voir comment certains sont désemparés pour organiser une simple réunion en ville alors que le laboratoire, pour des raisons réglementaires ou budgétaires, leur a fait faux bond.
Après cela, plus rien ne devrait m’étonner.
Même pas que personne ne trouve rien à redire à l’énormité suivante: les textes émis par les sociétés savantes recommandant l’usage de certaines molécules sont écrits par des experts qui émargent auprès de sociétés qui commercialisent ces mêmes molécules.
Je n’ai même pas tellement d’espoir pour les générations plus jeunes.
Is the dark side stronger?
No, no, no. Quicker, easier, more seductive.
Ah merci pour ce moment: mélange de rire et de crispations.
Et donc effectivement, à l’évidence cette « qualité » là doit bien finir par « payer » au moins pour sa pub^^
Si on écarte les illustrations publicitaires qui contre-disent ses propos, l’idée qu’avance M.DANCHIN reste toutefois intéressante.
Il y a quelques mois, je discutais avec un épidémiologiste chevronné qui travaille pour Epiconcept. Il faisait lui aussi un constat un peu similaire, en soulignant que les protocoles d’études qu’il « vend » aux entreprises privées sont d’une rigueur terrible, rigueur qu’on ne retrouverait que rarement dans le public car onéreuse, et pourtant – malgré tout – on aurait tendance à s’en détourner parce que financées par le privé. Une démarche qui ralentirait l’avancée de la recherche, puisqu’à risque, parfois à tort, de se détourner de résultat intéressant sous prétexte que financé par le privé.
Merci pour cet intéressant contre-point.
En réalité, il s’agit d’une illusion.
Voici ce qui se passe. Big Pharma est très contente (en prétendant le contraire) que les guidelines soient complexes car 1) cela augmente considérablement le coût, un coût marginal pour ces entreprises, en éliminant les concurrents moins gros et les agences gouvernementales qui en sont réduites aux méta-analyses ; 2) les guidelines sont décidées dans des conférence de consensus qui sont infiltrées par Big Pharma ; 3) les smart-up qui se lancent avec innovation sont rachetées in fine par Big Pharma dont la recherche est est engluée dans le bureaucratisme « privé ». Cela permet aussi, à partir de populations sélectionnées d’étendre les indications par l’intermédiaire de la visite médicale…
Vous y ajoutez des marges brutes à 95 % et le tour est joué.
Bien à vous.
Diable ! C’est en relisant mon commentaire que je m’aperçois que je ne dois pas être très clair. A ma décharge, je l’ai publié alors que ma co-interne dictait un courrier à quelques dizaines de centimètres de moi… Dur de se concentrer.
Hihihi, j’avais néanmoins compris le sens de ton commentaire!
Dans « Prescrire » de novembre 2012, un article moins sexy « Dabigatran: hémorragies graves parfois mortelles »…
Les recommandations ESC 2012 disent dans 2 phrases successives page 2731 « Key points »:
« …A high HAS-BLED score per se should not be used to exclude patients from OAC therapy.
The NOACs offer better efficacy, safety, and convenience compared with OAC with VKAs… »
Dès lors que le risque hémorragique est élevé, il est assez incompréhensible de vouloir privilégier les NAC pour lesquels il n’y a pas d’antidote et aucun moyen de suivre et d’ajuster le risque !