Déontovigilance 4

Je tiens à adresser toutes mes félicitations au LEEM pour la naissance du Codeem.

Nous venons de rentrer d’une nouvelle ère d’éthique et de déontologie pour l’industrie pharmaceutique.

Je n’aurais jamais cru voir cela de mon vivant.

Tout va changer.

Au fait, je suis aussi retombé par pur hasard sur la Déclarations des aides versées en 2009 (pas trouvé de données plus récentes) aux associations par les industriels de santé, publiée par la HAS en 2010. Par curiosité, regardez les lignes correspondant à l’AFD (Association Française des Diabétiques) dont l’un des membres du « Collège des parties prenantes » est trésorier national depuis 2004.

Problème pratique de déontologie.

Si Sanofi passe devant le Codeem (c’est impossible, mais supposons), combien de ses membres vont devoir se lever et quitter la salle avant délibération? Même question pour Wyeth.

Vous avez 1 heure.

Bisous.

(Amitiés au très timide et modeste DG d’Astellas Pharma qui m’a fait l’honneur de publier récemment un commentaire sur Grange Blanche)

Déontovigilance 3

Un évènement parfaitement considérable, et le mot est faible, va se produire ce lundi.

En effet, c’est le jour choisi par le LEEM pour présenter au Monde son Comité de déontovigilance, le Codeem.

A l’heure actuelle, je ne connais que le nom de son président, Yves Medina. Yves Medina, est un confrère qui a 30 ans de pratique clinique derrière lui. Ses qualités humaines ont toujours été reconnues par les équipes soignantes des services qu’il a dirigés tout au long de sa fructueuse carrière, et surtout, ce qui me paraît le plus important, par ses patients qu’il a toujours mis au premier plan de ses préoccupations.

Clinicien exigeant, soignant de la maladie mais aussi de l’homme malade, homme simple détestant le langage technocratique, il a su aussi au fil des années bâtir une épreuve de titre tout à fait remarquable.

Enfin, il est un fin connaisseur du monde de l’industrie pharmaceutique qu’il n’épargne toutefois pas. Il a su en effet au fil des années garder son indépendance et son esprit critique. Il coopère depuis de nombreuses années à la Revue Prescrire dont il est l’un des animateurs les plus actifs. Il a été un des soutiens les plus solides de Irène Frachon dans son combat contre le Médiator®.

Ah Uhmm Euuhhhhhh, pardonnez-moi, je me suis trompé de fiche biographique.

Yves Medina n’a semble t-il jamais soigné un patient, jamais publié dans un journal médical, à ma connaissance jamais fait partie de la Revue Prescrire. et je ne sais pas si il est fin connaisseur de l’industrie pharmaceutique et du monde de la Santé en général.

Sa carrière est néanmoins tout à fait remarquable puisque ce Conseiller-maître honoraire à la Cour des Comptes a été associé PWC (pas IWC, ni une marque de sanitaires, mais PWC, le cabinet d’expertise-comptable, d’audit et de conseils), et vice-Président de l’ORSE (Sociétal, mot compte triple). Ah oui, il est aussi déontologue (quand même!).

Le reste de sa biographie est dans le Who’s Who (6€ pour la bio complète).

Je présume que le LEEM va rapidement organiser des cours de rattrapage pour le mettre à niveau.

En exclu, le programme du premier cours:

Comprendre les notions de:

  • Patient
  • Médecin
  • Rapport risque/bénéfice d’un Médicament
  • Visiteur médical

The right man at the right place!

Vivement la liste des autres membres du Codeem, mais déjà son Président m’a fait rêver.

Cette histoire me fait penser à ce Voutch. Merci Dominique pour la référence!

(Déontovigilance et Déontovigilance 2)

Déontovigilance 2

Je me suis demandé où en était le « Comité de déontovigilance » du LEEM dont j’avais déjà parlé fin mai.

J’ai donc recherché sur le tout nouveau (et tout beau) site du LEEM des nouvelles du CODEEM, l’autre nom du comité. J’ai été un peu déçu, car une recherche avec les termes déontovigilance ou CODEEM ne donne qu’une occurrence, celle du communiqué de presse du 30/05/11. Je n’ai pas non plus trouvé de compte-rendu de l’assemblée générale du LEEM  du 8 juin 2011 qui devait entériner la création du comité. La déontovigilance est donc particulièrement transparente.

Je suis passé au niveau au dessus en cherchant dans Google. 

Une recherche avec déontovigilance m’a gonflé d’orgueil, car Grange Blanche arrive le premier sur 19700 résultats:

(Bisous à celui qui s’occupe du référencement du site leem.org)

Le second résultat, qui dirige vers une page du LEEM ramène une erreur 404, probablement du fait du changement récent de site.

Une recherche avec CODEEM donne des résultats un peu plus exotiques:

Le premier résultat est apparemment un site qui donne des codes de triche pour des jeux Pokémon. Manque de chance, le numéro 3 ramène encore une erreur 404. Le moins qu’on puisse dire est qu’entre inexistence et codes de triche, le comité de déontovigilance n’a pas vu se pencher sur son berceau les bonnes fées d’internet.

Bon, finalement, j’ai trouvé cet article de « L’Usine Nouvelle » qui donne quelques informations supplémentaires sur notre bien malchanceux Comité.

J’en ai surtout retenu ce passage:

Le comité sera majoritairement composé de personnalités extérieures au secteur. En connaissez-vous déjà les noms ?

Nous avons lancé une procédure de candidature à la fois au sein des entreprises du médicament et de notre comité RSE (ndlr : qui réunit un groupe de parties prenantes comme des associations de patients, des lanceurs d’alerte…). Nous lançons également un appel à des personnalités qualifiées dans les domaines scientifiques, juridiques ou déontologiques.

Le Comité RSE, quésako?

RSE c’est pour Responsabilité Sociétale (mot compte triple) des Entreprises.

Mais ce n’est pas le point le plus important de ce passage, l’information principale est que ce Comité comporte des lanceurs d’alerte!

Irène Frachon? La Revue Prescrire? Le Formindep? Dominique Dupagne?

Bah en fait, je ne sais pas, car je n’ai pas trouvé le nom des membres de ce comité. Cette page indique néanmoins que son président est actuellement Jean-Noël BAIL – Directeur des Affaires Economiques et Gouvernementales – Laboratoire GLAXOSMITHKLINE.

De toute évidence un lanceur d’alerte reconnu.

Cette page permet de se rendre compte à quel point le Comité RSE d’où pourraient être extraits certains des futurs experts en déontovigilance est euh… un lieu d’épanouissement (totalement indépendant du LEEM) pour les lanceurs d’alerte.

Prenez par exemple le temps de lire l’excellent rapport 2010 du Comité RSE.

Page 10, colonne de droite, un entretien sur l’éthique et la transparence au LEEM:

Quels sont les grands axes de votre politique en matière d’éthique et de transparence ?

Éthique et transparence sont les deux mots clés qui doivent guider notre démarche de responsabilité sociétale dans nos activités de recherche, de promotion et d’information.

C’est dans cet esprit que Les Entreprises du Médicament s’engagent depuis plusieurs années, par le dialogue et des actions concrètes, pour améliorer la transparence et l’information sur la sécurité et la qualité des produits dans l’intérêt des patients et de la santé publique.

Pour mémoire, Astellas Pharma dont l’interrogé est le DG, a récemment fait parler d’elle pour avoir attaqué la Revue Prescrire en justice (ici et ici).

Bisous aux lanceurs d’alertes déontobilancarbonenulvigilants du LEEM.

Déontovigilance

« Un Falconeri doit être avec nous, pour le Roi ». Les yeux recommencèrent à sourire. « Pour le Roi, certes, mais pour quel Roi ? ». Le jeune homme eut une de ses crises de sérieux qui le rendaient impénétrable et si cher. « Si nous ne sommes pas là nous non plus, ils vont nous arranger la république. Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change. Est-ce clair ? ». Il embrassa son oncle un peu ému. « Au revoir, à bientôt. Je reviendrai avec le tricolore. ».

Giuseppe Tomasi di Lampedusa. Le Guépard. Traduction Jean-Paul Manganaro

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Le LEEM va se doter d’un comité de « déontovigilance ».

C’est l’information majeure de la journée dans le domaine de la santé, car, sachez-le, rien ne sera plus comme avant.

J’applaudis des deux mains (pas facile de faire autrement, vous me direz), c’est tellement beau que j’ai encore un peu de mal à y croire, un peu comme le possible retrait du Vastarel® que je ne pensais jamais voir de mon vivant.

Le terme déontovigilance n’existait pas jusqu’à présent. On ne le trouve nulle part ailleurs que sur les pages de Google qui référencent les pages parlant de la création de ce comité. Rien dans le Larousse ou dans le Robert. (Pour le coup, il va apparaître aussi dans Grange Blanche, mais qui est loin d’être une référence)

Pourquoi l’homme éprouve le besoin de créer un nouveau mot?

Et bien, je présume, le plus souvent, pour nommer quelque chose, un objet, un concept qui n’existait pas encore, et qu’il faut bien nommer.

Est-ce à dire que le LEEM ignore le terme déontologie? Je ne le pense pas, ils ont bien dû le rencontrer dans des livres, sur la toile, l’entendre prononcer au cours de discussions à la table de restaurant d’à côté, à la télévision…

Le terme déontovigilance implique un sens supplémentaire mais parfaitement superfétatoire au mot déontologie. Il tend à faire croire à l’auditeur ou au lecteur que celui qui le prononce ou l’écrit est vigilant sur la déontologie. C’est bien, très bien, même, mais est-ce si nécessaire de rajouter ce sens qui va sans dire à une attitude bien définie et qui devrait être parfaitement naturelle? Imaginez-vous quelqu’un qui vous dit qu’il est honnête. Si il vous disait qu’il est honnêtovigilant, est-ce que ça n’éveillerait pas un peu votre suspicion, en plus d’être parfaitement ridicule?

Si on est déontologique, et que l’on se comporte comme tel, nul besoin d’être en plus vigilant sur ce point. Un comité de déontologie chargé de surveiller et si besoin de sanctionner les manquements est par définition vigilant. Une Cour de Justice est par définition justiciovigilante.

Je suis déontologique. Et attention, je suis vi-gi-lant!

En général, ces termes emphatiques de la novlangue technocratique montrent plutôt que ceux qui en usent maîtrisent mal le concept ou pensent qu’il est tellement dévalué qu’il faut le mettre en exergue en inventant de nouveaux mots. Vous vous rappelez de la lessive qui lave plus blanc que blanc?

Donnons au LEEM le bénéfice du doute. Le syndicat a probablement confié le vaste chantier de restaurer la confiance des patients et des médecins dans les entreprises du médicaments à une boite de communication n’ayant qu’une vague idée de ce qu’est la déontologie en santé et qui a donc créé ce nouveau mot. Pendant qu’ils y étaient, ils auraient pu former un nouveau mot encore plus dans l’air du temps et au cœur de l’évolution sociétale (on retrouvera ce mot un peu plus loin), par exemple déontovigilantotrisélectif.

Cette instance sera inscrite dans les statuts du Leem, et constituée majoritairement de personnalités n’appartenant pas à l’industrie.

Première réaction d’une mauvaise langue comme la mienne: ah bon, ils ont trouvé personne en interne? Mais ce ne doit pas être cela. Toujours dans l’idée de restaurer la confiance, il ne leur paraît décemment pas praticable de confier un tel comité au sérail. Il faut donc demander à des intervenants extérieurs indépendants d’apporter une caution morale au machin (au sens gaullien du terme).

Investie d’une mission de veille déontologique et d’un véritable pouvoir de sanction, elle aura pour objectif de promouvoir et de faire respecter les règles et les comportements éthiques de la profession.

J’adore le mot véritable.

J’te jure, M’sieur, c’est la vraie vérité véritable! Ça fait rédacteur qui sait que le lecteur sera dubitatif.

Nous exerçons dans un environnement de plus en plus complexe, avec une évolution constante des connaissances, des règles, mais aussi des attentes de la société, explique Christian Lajoux, Président du Leem. Notre responsabilité, en tant qu’organisation professionnelle, consiste à permettre à notre industrie de répondre à cette évolution par des comportements responsables. En nous dotant d’une instance interne qui sera force de proposition et d’alerte, avec des moyens et une capacité de sanction, nous contribuons au lien de confiance entre les Français et les entreprises du médicament. En réaffirmant notre mission de santé avec le souci de répondre aux interrogations de la société, le Codeem participe de la volonté d’ouverture du secteur et de son souci de transparence ».

Ronron non informatif qui incite peu aux commentaires. Le Président du LEEM aurait quand même pu dire qu’il est positif que la société aspire à plus de déontologie de la part de l’industrie pharmaceutique. Il a dû oublier.

Ses recommandations et avis se fonderont sur les « Dispositions déontologiques professionnelles », principes adoptés par le Conseil d’Administration du Leem, qui seront soumis à l’Assemblée Générale du 8 juin prochain.

D’accord, en fait, c’est le LEEM qui va définir les règles de déontologie… Ouf, j’ai presque eu peur pour l’industrie!

Le Codeem aura, de plus, un rôle de médiation en cas de litige portant sur des questions de déontologie et un pouvoir de sanction en cas de non-respect des règles déontologiques, allant de la simple mise en garde à la proposition de radiation du Leem.

J’imagine assez mal un syndicat mettre à la porte un de ses adhérent qui assure son financement, encore moins le Président du LEEM exclure Sanofi-France dont il est aussi le président. Au bout de 3 mises en garde, 1 blâme, au bout de 3 blâmes, les Gros Yeux!

Une nouvelle avancée en phase avec la politique de responsabilité sociétale du Leem

Le Codeem comprendra deux instances, composées majoritairement de personnalités extérieures au secteur : une « Commission de déontologie » et une « Commission des litiges et sanctions ».

La Commission de déontologie veillera à la mise en œuvre, à l’évolution et au respect des règles relatives aux pratiques déontologiques de la profession. Elle comptera neuf membres :

  • Trois personnalités qualifiées dans les domaines scientifique, juridique ou déontologique ;

  • Trois représentants des parties prenantes (associations de patients, professions de santé) ;

  • Trois représentants des industriels.

Sociétal, mot qui compte triple dans le jargon technocratique.

J’ai hâte de voir la déclaration d’intérêt des 6 membres ne représentant pas les industriels. Je subodore qu’ils ne feront ni partie de la rédaction de La Revue Prescrire, ni du Formindep ni de l’Assurance Maladie, ni des agences de régulation… Je vois plutôt un membre d’une quelconque société savante d’hypertensiologie ( exemple pris totalement au hasard)

Les futurs membres du Codeem seront nommés par le Conseil d’Administration du Leem pour un mandat de trois ans, renouvelable. Ils ne pourront être révoqués. Afin d’assurer l’impartialité de ses décisions, le Codeem fera obligation à ses membres de produire une déclaration d’intérêts.

Ah, ils en ont parlé, très bien. J’espère aussi que les représentants des associations de patients penseront à rendre publics les comptes de leurs associations respectives. Cela va sans dire, mais c’est mieux en le disant.

Le Codeem pourra être saisi par les instances du Leem, par une entreprise adhérente, ainsi que par des personnes morales (ordres professionnels, autorités sanitaires ou de régulation, organisations professionnelles…). Il pourra également s’autosaisir.

C’est à dire ni par un patient, ni par un médecin, ni par Prescrire, ni par une association comme le Formindep. Ouf, là aussi, j’ai failli avoir peur pour l’industrie pharmaceutique… On me glisse dans l’oreillette que Cardiologie Pratique et Impact Médecine auraient un droit de saisine. Mouhahahahaha, je plaisante! Ceux qui pourront saisir ce machin ne seront pas les fameux lanceurs d’alerte. Brillante idée de mettre en haut de la tour un guetteur aveugle et presbyacousique.

Envisagée dès le début de l’année 2010 dans le cadre du projet stratégique du Leem, la création du Codeem sera soumise à l’approbation de l’Assemblée Générale de l’organisation professionnelle, le 8 juin prochain. Son installation effective, une fois ses membres désignés, devrait intervenir à la rentrée de septembre

Cette information qui n’apporte rien sert simplement à dire que ce n’est pas le scandale du Médiator® qui a poussé le LEEM à créer un tel machin, mais un désir éperdu et longtemps refoulé de déontologie et de transparence.

A propos de transparence, je présume que chaque réunion de ce comité donnera lieu à un verbatim.

J’ai vraiment hâte de voir ce formidable instrument de déontovigilance en action!

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Modifications 31/05/11: ajout de la référence tirée du Guépard, quelques modifications stylistiques, correction des fautes…

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