Je vais vous relater le problème clinique qui a conduit à ma déclaration de pharmacovigilance.
Il s’agit d’une patiente d’environ 65-70 ans qui est porteuse d’une valve mécanique aortique depuis 2013. Son INR était parfaitement équilibré par une alternance de 15 et 20 mg de fluindione (cible entre 2 et 3). Puis elle développe une néoplasie ORL qui conduit in fine à une nutrition entérale via une gastrostomie.
Après la gastrostomie, la fluindione est reprise, sous couvert d’héparine calcique. Rien de bien extraordinaire.
Sauf que…
Durant une période de 8-13 jours, malgré des doses croissantes de fluindione (nous sommes montés à un respectable 50 mg/jour), l’INR de la patiente restait désespérément à 1,1.
Puis, petit à petit, son INR a augmenté, pour même dépasser la cible.
J’ai indiqué dans ce fichier Excel l’ensemble des modifications thérapeutiques et les INR de la patiente.
Comment expliquer cette impossibilité temporaire d’anticoagulation?
Plusieurs pistes sont possibles:
- apport de vitamine K1 non optimal
- augmentation du transit, diminuant la biodisponibilité des AVK
- présence d’un « chelateur », soit dans la solution de nutrition, soit le tube conduisant à la stomie lui-même.
- interaction médicamenteuse non liée à la nutrition entérales.
La fluindione était toujours administrée à distance des solutions de nutrition. Les IDE veillaient toujours à bien rincer le tuyau. Par ailleurs, sans changer notre façon de faire, les choses sont rentrées dans l’ordre. Donc exit le point 3.
La patiente a présenté un épisode de diarrhée de quelques jours, mais qui a débuté après le début de la période d’anticoagulation difficile, donc exit le point 2.
Le point 4, dont l’analyse est facilitée par les logiciels d’aide à la prescription n’a pas rapporté de pistes probantes. Une molécule pouvait vraiment poser un doute, la diosmectite dont le RCP indique:
Les propriétés absorbantes de ce produit pouvant interférer avec les délais et/ou les taux d’absorption d’une autre substance, il est recommandé d’administrer tout autre médicament à distance de DIOSMECTITE IPSEN 3g.
Néanmoins, là aussi, la prescription de diosmectite a débuté après la période d’intérêt.
Reste le point 1…
Ligne 3 du fichier Excel, j’ai additionné les apports de vitamine K1 de tous les apports nutritifs de la patiente, et durant une période qui correspond à la période d’impossibilité d’anticoagulation (+/- 4 jours en début et fin), nous lui avons apporté autour de 250 mcg de vitamine K1.
C’est donc mon hypothèse.
En avez-vous une autre?
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Mille merci à l’adorable CM de Reseau_CRPV qui m’a aidé dans mon envoi de pigeon voyageur et dans ma recherche bibliographique.