Bulletins de pharmacovigilance (reboot)

La note précédente devait en fait vous parler des bulletins de pharmacovigilance, mais je ne sais pas, la sole meunière de midi peut-être, mais je suis parti sur tout autre chose…

Avant de poursuivre et d’oublier, la notion la plus fondamentale à retenir de cette note (et de la précédente) est de ne pas négliger de déclarer les effets secondaires des médicaments que nous prescrivons (prenons, ou fabriquons en fonction des cas):

Qui peut déclarer un effet indésirable ?

Les patients et associations de patients

Les patients ou leur représentant (dans le cas d’un enfant, les parents par exemple), les associations agréées que pourrait solliciter le patient, peuvent déclarer, auprès du centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent, les effets indésirables que le patient ou son entourage suspecte d’être liés à l’utilisation d’un ou plusieurs médicaments.

– En savoir plus sur la déclaration par les patients et associations de patients : signalement-sante.gouv.fr

Les professionnels de santé

Les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens ont l’obligation de déclarer immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament, dont ils ont connaissance, au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent.

Tout autre professionnel de santé ayant observé un effet indésirable susceptible d’être dû à un médicament peut également en faire la déclaration auprès du centre régional de pharmacovigilance dont il dépend.

– En savoir plus sur la déclaration par les professionnels de santé : signalement-sante.gouv.fr

>> Les entreprises pharmaceutiques

Les entreprises pharmaceutiques doivent déclarer par voie électronique, à la base de données européenne Eudravigilance :

– tout effet indésirable grave suspecté, survenu en Europe ou dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou survenu dans un pays tiers, dont elles ont connaissance, au plus tard dans les 15 jours suivant la réception de l’information,

– tout effet indésirable non grave suspecté, survenu en Europe ou dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, dont elles ont connaissance, au plus tard dans les 90 jours suivant la réception de l’information.

(Source)

Le plus simple, pour un professionnel de santé ou un particulier est donc de le faire par ce lien. Ça marche bien, j’ai testé pour vous.

Et c’est exactement là, à ce point précis, grâce à nos déclarations à la pharmacovigilance, que la différence entre bruit et signal peut se faire.

Hormis boire des cafés en attendant fiévreusement qu’une alerte surgisse de leur ordinateur, les pharmacovigilants lisent, et même beaucoup.

Ils lisent tout ce qui concerne les médicaments, et comme ils aiment bien partager, ils écrivent des articles de synthèse dans des bulletins que personne, strictement personne ne lit (hormis quelques abonnés à Prescrire qui apprécient surtout dans ces bulletins l’absence de dessins).

Le problème est qu’il y a des tas de bulletins en France, quasi un par CRPV doté d’un ordinateur avec un accès internet.

Pourquoi écrivent-ils tous de leur côté en s’échangeant néanmoins leurs meilleurs articles comme des potes qui s’échangent des conseils sur de bons plans?

Mystère total pour moi.

Pourquoi ne pas alimenter un seul bulletin qui serait plus pragmatique et moins engoncé que le bulletin des vigilances de l’ANSM?

Car, en général, le pharmacovigilant:

  • connait parfaitement les médicaments.

  • n’a aucun lien d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique.

  • est pointu en biostatistiques.

  • sait écrire un article concis et percutant.

  • n’hésite pas à se mouiller et militer pour la prescription raisonnée, la dé-prescription, bref tout un tas de notions qui plaisent bien au prescririen que je suis (j’ai l’impression que pas mal d’entre eux le sont). Bref, tout ce que l’ANSM ne peut pas faire publiquement (en privé, ils n’en pensent pas moins) pour des raisons réglementaires…

Un bulletin se compose de plusieurs articles courts qui balayent l’ensemble des spécialités médicales.

Ces textes peuvent mettre en avant une étude clinique, proposer un quizz pharmaco, rappeler une alerte sanitaire, apporter des données de pharmacovigilance, voire être une véritable tribune engagée.

Avant que la quinzaine de CRPV français qui ont au moins un ordi connecté à internet ne se décident à publier un bulletin commun (je prédis que ce sera début avril 2047), voici une petite sélection non exhaustive de bulletins auxquels tout un chacun peut s’abonner sur simple demande:

Les CRPV ont même décidé récemment de créer des comptes Twitter (maintenant que plus personne n’y est…).

Je suis parisien cette semaine, permettez-moi d’être donc un peu méprisant.

@Reseau_CRPV

@CRPV_Lille

@CRPV_Limoges

@CRPVCentreVdL

@CRPV_Rouen

Bref, on ne peut qu’améliorer notre pratique clinique en approchant la pharmacovigilance et les pharmacovigilants (ils ne mordent pas, enfin pas volontairement).

Bruit ou signal?

La Pharmacovigilance française a une double caractéristique très schrödingerienne, elle est à la fois connue par personne et largement vilipendée par tout le monde.

Sa structure régionale très décentralisée me semble être un frein dans ce qui pourrait être une recherche de reconnaissance de ses réels mérites.

Tout le monde, médecins, jeunes biologistes, journalistes, ne rêve que d’une chose, de révéler un scandale sanitaire, un vrai, un gros, et ainsi accéder à une postérité glorieuse.

Mais n’est pas Sainte Irène qui veut, et cracher sur la pharmacovigilance au sujet de telle ou telle molécule qui serait plus ou moins nocive (ah bon, les médicaments ont des effets secondaires? On nous l’aurait caché?) ne suffit pas pour avoir « son » SCANDALE SANITAIRE à soi.

Je n’ai pas beaucoup de conflit d’intérêt dans l’histoire. Je ne suis pas pharmacovigilant, j’en fréquente quelques-uns, mais sans plus. Ma carrière ne dépend d’aucun CRPV.

[Je fais un aparté, de Servier non plus, car certains lecteurs ont réellement cru que j’avais été engagé par eux à la suite de cette note… O^0]

Néanmoins je me dis toujours qu’ils font un travail de l’ombre très difficile. Un décès ou un évènement clinique survient sous traitement.  Bruit ou signal? Est-ce un effet secondaire méconnu, ou est-ce le fruit du hasard? Bruit ou signal? Faut-il suspendre l’AMM d’une molécule potentiellement bénéfique? Bruit ou signal? Faut-il rajouter une précaution d’emploi? Bruit ou signal? Laquelle? Bruit ou signal?

Le pharmacovigilant doit décider! Et vite, sous la pression des politiques qui ne veulent pas devenir responsables mais pas coupables, des journalistes qui veulent leur SCANDALE SANITAIRE bien à eux, des patients, des praticiens, des firmes qui craignent pour leurs AMM… Bruit ou signal?

Imaginons un produit A qui a été étudié dans des essais cliniques regroupant 25.000 patients (on parle de cardio, car en onco, le nombre de patients inclus dans les études est en général plus faible). Imaginons que cette molécule a effectivement un effet secondaire grave et inattendu qui survient 1/350.000 patients. Il est assez probable qu’il ne soit pas apparu au cours des études cliniques. Et si il est survenu 1 fois, comment relier les deux, bruit ou signal?

En post AMM, disons après 200.000 patients, il peut être survenu, ou non. Bruit ou signal?

Des années plus tard, peut-être des décennies, après 3.500.000 patients exposés, il est apparu en moyenne 10 fois. Bruit ou signal?

Scandale sanitaire?

Ah oui, j’oubliais, sur les 10 événements survenus sur toutes ces années, combien ont été déclarés au CRPV par nous autres, praticiens? 1? 2? 3?

Bruit ou signal? 

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