Le m-patient

Depuis quelques temps, je lis pas mal de choses sur l’évolution de la relation médecin/patient qui s’aventure sur le chemin de la télémédecine.

Je n’ai pas d’avis bien tranché sur la question, je ne sais pas si ce type de relation est positive ou négative mais j’ai un exemple qui me semble intéressant.

Le patient en question a la petite cinquantaine, un poste à responsabilités (c’est un euphémisme) dans une banque privée. Son expertise fait que sa vie est une succession de trajets, de réunions, de rendez-vous. Il n’a pas le temps de se soigner, et il faut bien dire qu’il est un peu négligent sur sa santé.

Depuis des années, donc, il néglige une HTA et depuis peu un diabète.

Je l’ai rencontré vers mars 2013.

Sa puissance de travail, sa détermination, son exigence et son professionnalisme m’ont impressionné d’emblée. Je pense qu’au travail, il doit être du genre « tueur ». Il se met en quatre pour ses clients, et il vaut probablement pas se mettre entre lui et ses objectifs.

Je me suis demandé comment l’aider à  gérer son problème d’HTA…

Je l’ai d’abord fait hospitaliser dans un service spécialisé au CHU. Ça a été un drame. Mon tueur (je l’appelle comme ça, mais il est tout ce qu’il y a d’agréable, par ailleurs) a fait la connaissance du CHU marseillais, son bordel épique, son personnel parfois haut en couleurs…

Bref, une boucherie.

Il est quand même sorti (en claquant la porte) avec un traitement.

Et je me suis à nouveau demandé comment l’aider…

Puis nous avons adopté le SMS, naturellement, sans le préméditer.

Il est donc  venu me voir en mars, puis en mai et consulte (pas assez régulièrement) son médecin généraliste .

Voici quelques SMS d’un échange qui dure depuis début avril 2013.

Parfois plusieurs semaines séparent les SMS. L’initiative de contacter l’autre est partagée. Quand je n’ai pas de nouvelles depuis trop longtemps, je lui envoie un SMS pour savoir comment il va.  Les trois derniers SMS datent d’aujourd’hui.

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À hue et à dia

La médecine, c’est pas simple.

Les médecins déboussolés reçoivent sans cesse des messages contradictoires des sociétés savantes et des autorités sanitaires.

Voici un exemple très récent et très éclairant.

La Revue de Gériatrie a publié le 7 septembre dernier une recommandation commune SFGG/SFC sur la prise en charge de la fibrillation auriculaire chez le sujet âgé (le texte est pour l’instant en accès libre).

Je ne lis pas la Revue de Gériatrie, mais une distinguée collègue gériatre m’a attrapé la manche la semaine dernière en me disant:

Tu as vu, les NAC sont recommandés chez les sujets âgés!

Je fus un peu étonné, je suis donc allé lire cette recommandation.

Le texte pointe les dangers des NAC (ça chauffe un peu du côté des SCA en ce moment, merci à celle qui se reconnaîtra pour ce texte) mais il est en effet plutôt favorable:

En résumé, les nouveaux anticoagulants sont prometteurs pour la prise en charge des malades âgés en FA non valvulaire, en particulier en raison du moindre risque d’hémorragie cérébrale. Toutefois, leur élimination rénale et l’absence de contrôle de leur efficacité biologique sont des facteurs importants à prendre en compte pour leur prescription. Une insuffisance rénale sévère définie par une clairance de la créatinine < 30 ml/min contre indique leur utilisation. L’évaluation de la fonction rénale doit être systématique avant la prescription d’un nouvel anticoagulant et doit se faire au moyen de la formule de Cockroft, car c’est celle qui a été utilisée dans tous les essais ayant évalué ces nouveaux médicaments. Leur demi-vie plus courte que celle des AVK et l’absence de monitoring imposent une bonne observance thérapeutique et par conséquent une évaluation des fonctions cognitives. Enfin, même si les études RELY, ROCKET, ARISTOTLE ont inclus près de 19 000 sujets de plus de 75 ans, le nombre de sujets inclus de plus de 80 ans apparaît plus faible. Dans ce cadre, la réalisation d’études menées spécifiquement dans les populations de patients âgés fragiles (âge supérieur à 80 ans, insuffisant rénal) apparaît nécessaire pour évaluer leur tolérance en situation de “vie réelle”.

Dans l’avenir, la mise au point d’antidotes et de tests biologiques spécifiques dans les situations d’urgences hémorragiques mettant en jeu le pronostic vital sont des enjeux particulièrement importants chez les malades âgés.

De façon intéressante, on retrouve l’argument massue de la visite médicale, la diminution des hémorragies cérébrales.

Je reste sur ma position (un peu bornée) qui considère que ce critère clinique n’a jamais été le critère primaire/principal de sécurité d’une étude sur les NAC. Ce critère est secondaire d’un point de vue statistique, il devrait donc le rester dans notre analyse.

Si on regarde les critères principaux (primaires?) de sécurité, qui sont toujours des critères combinés, les NAC et les AVK font jeu égal à l’exception du dabigatran 110 et de l’apixaban qui font mieux. Le reste de l’argumentation se base sur des preuves (un peu) moins robustes (mais qui ont toujours autant de succès): analyse en sous-groupes, méta-analyses…

L’âge moyen ou médian des patients inclus est plutôt bas, peut-on recommander l’usage des NAC sur ces arguments, à des patients âgés de la vraie vie?

20131014-104804.jpgMaintenant, si l’on regarde les textes de la HAS/ANSM, l’histoire est fondamentalement différente:

NACHAS(Source)

NACANSM(Source)

Petite remarque ancillaire: HAS/ANSM recommandent la prudence chez les sujets âgés alors que les indications du RCP statuent que un âge≥75 ans est un des critères de prescription des NAC…

NACHAS1

On fait quoi, alors?

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J’ai par ailleurs mis en graphique les conflits d’intérêts des auteurs de la recommandation de la Revue de Gériatrie.

Ça devrait vous faire rire.

DOI1DOI2

Et pour terminer, j’ai appris quelque chose dans cette Revue de Gériatrie, la dronédarone (Multaq®) n’est toujours pas morte (en France, car elle est par ailleurs toujours en bonne place dans les recos de l’ESC)!

C’est même plutôt une bonne option si on respecte les contre-indications (mouhahahahahaha):

La dronédarone a montré un bénéfice en termes de morbi-mortalité cardio-vasculaire (étude ATHENA) (106),notamment chez les patients de plus de 75 ans, en cas de FA paroxystique ou persistante. En revanche, elle a été associée à une augmentation de la mortalité dans l’étude ANDROMEDA en cas d’insuffisance cardiaque (107) et à une augmentation des événements cardiovasculaires dans l’étude PALLAS en cas de FA permanente (108). Elle est par conséquent contre-indiquée dans ces 2 situations : FA permanente et insuffisance cardiaque.

On devrait dire à la HAS (qui ne doit pas avoir 8 experts sur 12 qui ont des liens financiers avec Sanofi) qu’elle s’est trompée, non?

dronedaroneHAS(source)

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