Le CISS, Sanofi, la CPAM et l’ARS sont dans un bateau….

Je ne sais pas trop ce qu’est le CISS, et à quoi ça sert, même après avoir lu leur Qui sommes-nous?, mais on ne peut leur enlever une chose, ils ont beaucoup d’humour.

La Revue Prescrire d’octobre 2013 a mis la main sur une merveilleuse formation sur les génériques qui apparemment a eu lieu le 24/09/13 au CH de Niort.

Parmi les intervenants, un membre du CISS, de l’OMéDIT (un autre « machin » dont je n’ai jamais entendu parler), les ordres des médecins et des pharmaciens, l’ARS, la CPAM, et en vedette américaine, ce qui se fait de mieux dans l’expertise sur les génériques, la crème de la crème, rien de moins que Sanofi!

stupéfiantLes laboratoires Sanofi, sanctionnés par l’Autorité de la Concurrence à hauteur de 40 millions pour avoir dénigré les génériques du Plavix® côte à côte avec la CPAM, l’ARS, ça devait avoir une sacré allure.

Quel merveilleux message pour ceux qui luttent pour l’optimisation des ressources en Santé!

L’invitation destinée à l’Autorité de la Concurrence a été perdue par la Poste?

Prescrire parlait justement de Sanofi et des génériques quelques pages avant.

Je n’arrive pas à trouver une analogie qui puisse arriver à la cheville de cette stupéfiante formation.

Je ne vois vraiment pas…

cahuzac

Anonymat, ou pas?

Quelle est la meilleure option pour un professionnel de santé présent dans les réseaux sociaux: être anonyme ou non?

J’ai été les deux, anonyme entre 2005 et 2010 et à visage découvert depuis.

J’en avais déjà parlé dans cette note en 2011.

Je ne regrette ni ma levée d’anonymat, ni la période d’avant.

J’ai été terrifié quand j’ai jeté le masque, mais il ne s’est strictement rien passé, rien du tout. Pas de rassemblement devant chez moi, le plus souvent que des factures ou de la pub dans ma boite aux lettres, seule nouveauté, parfois des livres!

Rien n’a changé extérieurement, hormis quelques rares demandes de consultations/avis de patients sur ma messagerie, que je refuse toujours poliment.

Des patients me lisent, des confrères avec qui je travaille me lisent, des voisins me lisent, et je n’ai eu que de bons échos. Ils ne sont pas surpris, il n’y a pas de distorsion entre ce que je suis et mon blog. Les gens qui m’apprécient apprécient mon blog (et vice-versa), c’est aussi simple que cela.

Écrire à découvert est très astreignant, j’y reviendrai, mais très agréable. Enfin, on me crédite mes écrits, et on ne m’appelle plus M. Lawrence Passmore dans les endroits où l’on m’invite pour mon blog.

Écrire à découvert ne donne pas plus de respectabilité ou de crédibilité. Personne n’irait dire que Maître Eolas serait plus crédible si son anonymat était levé. Je ne suis pas plus crédible que ne l’était Lawrence Passmore.

Une seule chose change, mais elle est fondamentale. Écrire sous son nom nécessite une discipline de tous les instants pour respecter les règles de déontologie, d’éthique, le devoir de réserve… Écrire sous son nom exclut de raconter des histoires de patients ou de confrères, car il est alors bien trop facile de faire des rapprochements. L’exercice n’est pas facile ; bien qu’expérimenté, j’ai toujours peur de franchir la ligne rouge.

Écrire sous un pseudonyme permet un tout petit peu moins de rigueur. Mais c’est dans ce « un petit peu moins » que réside la pire difficulté de l’exercice. L’anonymat en ligne, d’ailleurs très relatif, ne doit certainement pas permettre d’avoir en ligne un comportement non déontologique, non éthique…

Écrire un blog ou avoir un compte Twitter ne doit pas être un petit secret honteux, comme ce fut longtemps le cas pour moi. Écrire un blog ou avoir un compte Twitter permet surtout d’interagir avec les autres et de progresser. Vous aurez toujours un lecteur plus intelligent que vous, ou tout simplement différent, qui vous montrera une autre façon, peut-être meilleure, de penser ou d’écrire.

Se confronter aux autres est une richesse immense, et il faut considérer comme telle sa présence sur internet. C’est certain que si vous racontez vos beuveries, évitez que tout le service vous lise, surtout si vous comptez y avoir un poste… Mais en dehors de cela, soyez fiers de ce que vous écrivez. Ce blog m’a ouvert des portes et fait connaître des gens, de façon tout à fait inespérée pour un petit cardiologue libéral de province.

À cause de ce blog, je me suis probablement fermé à jamais les portes d’une carrière dans l’industrie pharmaceutique. Tant pis, il ne faut jamais avoir de regret, je crois que je pourrais y survivre.

20130927-102915.jpg

Le Docteur Bouchardon

Simenon, que je ne connais pas au delà de 3 romans et d’un recueil de nouvelles a dépeint dans L’affaire Saint-Fiacre (1932) dans un portrait bref mais haut en couleur un médecin de l’époque.

Le Dr Bouchardon dont on ne connaitra jamais le prénom:

Ce fut un soulagement d’entendre le pas lourd du médecin, un bonhomme sanguin que l’atmosphère impressionna et qui regarda tour à tour le commissaire et le curé.

— Morte ? questionna-t-il.

Il n’hésita pourtant pas, lui, à dégrafer le corsage, pendant que le prêtre détournait la tête. Des pas lourds dans l’église. Puis la cloche que le sonneur mettait en branle. Le premier coup de la messe de sept heures.

— Je ne vois qu’une embolie pour… Je n’étais pas le médecin attitré de la comtesse, qui préférait se faire soigner par un confrère de Moulins… Mais j’ai été appelé deux ou trois fois au château… Elle avait le cœur très malade…

[…]

Le docteur Bouchardon était un paysan, fils de paysans. Il portait un costume de chasse brun, des hautes bottes de caoutchouc.

— Je partais au canard dans les étangs…

— Vous n’allez pas à la messe ?

Le docteur fit un clin d’œil.

— Remarquez que cela ne m’empêchait pas d’être copain avec l’ancien curé… Mais celui-ci…

Le trait principal du Dr Bouchardon est tracé en deux lignes, c’est un paysan rougeaud agnostique qui demande à l’assemblée si la patiente est décédée, avant même de constater le décès. On retrouve encore l’absence de répugnance des médecins devant l’intimité. Alors que les prêtres…

— Puisque vous êtes de la police, vous avez déjà dû comprendre la situation… D’ailleurs cet animal de Bouchardon n’a pas manqué de parler… Ma mère était une pauvre vieille… Mon père est mort… Je suis parti… Restée toute seule, je crois bien qu’elle a eu la cervelle un peu dérangée… Elle a d’abord passé son temps à l’église… Puis…

— Les jeunes secrétaires !

Il semble aussi ignorer le secret professionnel…

— Je ne puis que vous confirmer ce que je vous ai dit tout à l’heure. La mort est due à un arrêt brusque du cœur.

— Provoqué par ?…
Geste vague du médecin, qui jeta une couverture sur le cadavre et rejoignit Maigret à la fenêtre, alluma sa pipe.

— Peut-être par une émotion… Peut-être par le froid… Est-ce qu’il faisait froid dans l’église ?

— Au contraire ! Bien entendu, vous n’avez trouvé aucune trace de blessure ?

— Aucune !

— Pas même la trace à peine perceptible d’une piqûre ?

— J’y ai pensé… Rien !… Et la comtesse n’a absorbé aucun poison… Vous voyez qu’il serait difficile de prétendre…

C’est certain que son diagnostic n’est pas fin-fin. C’est probablement à son attention que les papiers bleus comportent les précisions suivantes: la mort doit être réelle et constante, et il ne faut pas marquer « arrêt du cœur » dans les causes. Par contre il a pensé à rechercher la trace d’une injection…

Ou bien il était idiot, ou bien il le faisait. Maigret était nerveux. Il aperçut Maurice de Saint-Fiacre qui se tenait dans le fond de la nef.

— Qui s’est approché de ce banc ?

— La femme du docteur occupait cette place à la messe de sept heures…

— Je croyais que le docteur n’était pas croyant.

— Lui, peut-être ! Mais sa femme…

Le pauvre, quelle mésalliance, d’autant plus que Bouchardon est un mécréant militant. Les débuts de repas devaient être tendus à la maison.

Et le docteur dut dire la même chose au secrétaire qu’il entraîna jusqu’au moment où il put lancer :

— Bonjour, monsieur le curé ! Vous savez ! Je suis en mesure de vous rassurer… Tout mécréant que je sois, je devine votre angoisse à l’idée qu’un crime a pu être commis dans votre église… Eh bien ! non… La science est formelle… Notre comtesse est morte d’un arrêt du cœur…

[…]

Le prêtre et le docteur marchaient devant et Maigret entendit la voix du médecin qui disait :

— Mais non, monsieur le curé ! C’est humain ! Archi-humain ! Si seulement vous aviez fait un peu de physiologie au lieu d’éplucher les textes de saint Augustin

Je vous disais, un vrai mécréant…

Le docteur, aidé de la femme de chambre, avait fait la toilette du cadavre.

Curieux que le médecin aide à la toilette.

Il pressa un bouton électrique. Le maître d’hôtel se fit attendre longtemps, arriva la bouche pleine, sa serviette à la main.

Saint-Fiacre lui arracha celle-ci d’un geste sec.

— Vous ferez venir le régisseur… Ensuite vous me demanderez au téléphone le presbytère, puis la maison du docteur.

Le médecin a un des rares téléphones privés du village, avec le châtelain, et le prêtre. Il compose avec eux le corps des notables (Simenon fait aussi allusion à un notaire, malheureusement décédé).

— Le plus triste, ici, ce sont les longues soirées d’hiver, n’est-ce pas ?… De mon temps, je me souviens que mon père avait l’habitude d’inviter, lui aussi, le docteur et le curé… Ce n’étaient pas les mêmes qu’à présent… Mais déjà le docteur était un mécréant et les discussions finissaient toujours par rouler sur des sujets philosophiques… Voici justement le…

C’était le curé, les yeux cernés, l’attitude compassée, qui ne savait que dire et qui restait hésitant sur le seuil..

C’est assez drôle et intéressant de lire dans des romans « de l’époque » la vision qu’avaient les gens des médecins.

Simenon a écrit une série de 13 nouvelles publiée en 1943, dont le héros est un médecin de Marsilly (en Charente-Maritime). Le Petit Docteur est un recueil agréable à lire, mais le héros aurait pu être garagiste ou notaire, tellement Simenon lui donne peu de relief et de caractéristiques « médicales ». Le médecin est là encore un notable avec une voiture, une ligne téléphonique et une cuisinière à son service. Il aime aussi les femmes et boire.

Finalement, peu de choses ont changé, hormis l’utilisation des portables…

Je palpe moi (surtout quand beau mec mais bon ;-)) ( @DocArnica )

Minerva vient de publier une analyse intéressante sur une étude s’intéressant à un score d’analyse des douleurs thoraciques, appelé MHS pour Marburg Heart Score.

Ce score clinique est simple:

  • Âge/sexe (femmes ≥ 65 ans, hommes ≥ 55 ans) ;
  • Pathologie vasculaire connue ;
  • Le patient pense que la douleur provient du cœur ;
  • La douleur augmente à l’effort ;
  • La douleur n’est pas reproductible à la palpation ;

Faible risque : 0 – 2 points ;

Risque intermédiaire : 3 points ;

Risque élevé : 4 – 5 points

L’étude clinique est plutôt positive sur les performances de ce score:

avec une valeur seuil de 3, l’AUC pour le score MHS était de 0,84 (IC à 95 % de 0,80 à 0,88), la sensibilité était de 89,1 % (IC à 95 % de 81,1 à 94,0), la spécificité était de 63,5 % (IC à 95 % de 60,0 à 66,9), la valeur prédictive positive était de 23,3 % (IC à 95 % de 19,2 à 28,0), la valeur prédictive négative était de 97,9 % (IC à 95 % de 96,2 à 98,9), le rapport de vraisemblance positif était de 2,44 (IC à 95 % de 2,17 à 2,75), et le rapport de vraisemblance négatif était de 0,17 (IC à 95 % de 0,10 à 0,31).

Et Minerva n’y voit rien à redire:

Cette étude diagnostique transversale, correctement menée sur le plan méthodologique, nous permet de conclure que le score MHS (Marburg Heart Score) est un instrument valide pour exclure en médecine générale une coronaropathie chez les patients adultes présentant des douleurs thoraciques aspécifiques.

Je ne suis pas un fan des scores qui deviennent envahissants (trop de score tue le score), mais celui-ci pointe un signe clinique qui me paraît important: la reproductibilité de la douleur à la palpation.

Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de douleurs thoraciques qui me sont adressées, parfois en urgence, et qui sont de simples douleurs pariétales, reproduites quand on met l’index au bon endroit (sur une articulation costo-sternale, en général).

AnatomicalBasis_p131(Si vous ne connaissez pas l’histoire de ce bouquin d’anatomie, c’est ici)

C’est bon pour l’ego, car les patients sont souvent impressionnés que le chaman qui sommeille (profondément) en moi puisse reproduite avec la pointe de l’index droit une douleur disparue, mais qui les a oppressés pendant tout le samedi-dimanche.

Si vous ne le faites pas, palpez vos patients, sinon un cardio narquois le fera derrière vous!

Pour en savoir plus:

%d blogueurs aiment cette page :