Sale temps pour les NAC(O)s en cette saison…
Les nouveaux anticoagulants n’ont pas la cote.
En peu de temps, ils ont essuyé plusieurs bourrasques:
Hop, attendez, le SJBM, c’est une nouvelle agence de surveillance du médicament!?
En fait, non, il s’agit du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux qui s’inquiète de l’explosion de la prescription des NACs (57% des nouvelles prescriptions d’anticoagulants oraux sur le dernier trimestre 2012: source ici, pages 118-122).
Le SJBM s’alarme dans sa lettre ouverte du nombre croissant d’accidents liés à l’utilisation des NACs et n’hésite pas à parler d’une nouvelle affaire Médiator®.
Et en effet, quand on regarde le graphique ci-dessous (page 119 du document source mis en lien), on constate sans aucune équivoque que le nombre d’incidents liés à l’utilisation des NACs suit la courbe de leur prescription.
Encore plus probant, avant la mise sur le marché du premier NAC (18/03/2008 pour le Pradaxa®-dabigatran-), les autorités sanitaires n’ont apparemment recensé aucun incident lié à leur utilisation.
Stupéfiant!
C’est donc bien une nouvelle affaire Médiator® Penitenziagite!
Penitenziagite!
Mais que font les autorités sanitaires!
Et bien, les autorités sanitaires ont pris de leur temps pour répondre au SJBM et ont publié un rapport de surveillance des NACs le 20/09/13. Avant l’affaire du Mediator® Penitenziagite!, drapées dans leur munificence, elles auraient superbement méprisé ce communiqué. On ne peut pas enlever cela aux Laboratoires Servier, ils ont beaucoup œuvré à l’accessibilité des autorités sanitaires.
On craint que des patients, inquiets, arrêtent leur traitement…
Magnifique.
Les NACs ne sont certainement pas les merveilleuses molécules que l’on nous a tant vantées. Les AVK restent encore pour moi la référence (ça tombe bien, je suis en phase avec les autorités sanitaires, mais je n’ai jamais été un rebelle dans l’âme).
Elles sont très chères, pour un rapport risque/bénéfice médiocre et contrasté.
Néanmoins, aucune des études pivots n’a mis en évidence de sur-risque de saignement.
Et dans la vraie vie, me direz-vous?
Le 4 avril 2013, une courte communication de la FDA, parue dans le NEJM a fait le point sur les incidents liés à la prescription du Pradaxa® (dabigatran) en post-AMM (dans la vraie vie, donc). Malgré la tendance à reporter plus fréquemment un saignement lié à l’utilisation d’une nouvelle molécule comme le dabigatran qu’à un bon vieux AVK, la FDA n’a pas mis en évidence de sur-risque de saignement.
Mais peut-être qu’ils n’ont pas entendu parler de l’affaire du Médiator® Penitenziagite! à la FDA?
Donc à mon avis beaucoup de bruit nuisible pour rien.
Mais qu’est-ce qui a bien pu tant affoler les jeunes biologistes?
Le QDM évoque perfidement une première explication, vite balayée par le SJBM:
Interrogé par « le Quotidien », les biologistes se défendent vivement de toute intention mercantile : il ne s’agit pas de rattraper un « marché » des INR qui pourrait leur échapper pour des molécules qui ne demandent aucun suivi biologique. « Nous étions réjouis de l’arrivée de ces nouvelles molécules qui sont vraiment novatrices et qui peuvent rendre service aux patients, affirme le Dr Nenninger, c’est à notre avis un véritable progrès pour les patients. D’ailleurs nous aurions pu y trouver des avantages, car un suivi biologique spécifique fera appel à de nouvelles technologies qui, si elles voient le jour, seront très certainement mieux prises en charge que les INR. »
Si c’est la perte des INR qui inquiète sourdement les jeunes biologistes, il n’y a en effet pas de quoi s’affoler, puisque, comme l’a très bien dit l’ami néphro, les NACs, anticoagulants qu’on ne surveille pas, vont probablement générer in fine des tests qui seront vraisemblablement très onéreux.
Il n’y a donc plus qu’à attendre et à faire le dos rond en attendant l’Eldorado post-INR. Enfin, pas trop quand même, car le Bic bleu que se partagent apparemment les membres du SJBM commence à être bien vide (le Président est de toute évidence le seul qui ne soit pas concerné par les restrictions sur les cartouches d’encre bleu/nuit, quelle magnifique signature, en passant).

En fait, ce qui a inquiété le SJBM est qu’ils ont eu aucune information et qu’il leur faut faire de la biblio:
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la profession n’a reçu aucune information spécifique au moment de l’arrivée de cette nouvelle classe, ni de la part des autorités de tutelles, ni de celle des industriels qui commercialisent ces molécules. « Nous n’avons pas d’équivalent de la visite médicale, ni de cessions de formation » regrette le Dr Nenninger. « Il m’arrive d’ailleurs à l’occasion de faire de la bibliographie pour certains de mes confrères, précise le Dr Nenninger. Sur Twitter, vous pouvez lire les échanges entre confrères face à cette désinformation. »
Non, mais vous vous rendez compte! Se former! Aller à la recherche d’infos alors qu’on sort tout juste de la fac où l’on nous apprend tout une fois pour toutes!
Pas de visite médicale qui puisse les informer de façon impartiale et équilibrée au cours d’un resto convivial! Comme ils doivent nous envier!
Les informer sur quoi, à propos, puisqu’il n’y a encore aucun test de surveillance commercialisé?
On a bien fait des dosages d’anti Xa, pour voir, mais apparemment, ça n’apporte rien:
Pourtant les situations concrètes existent. Lorsqu’un patient par erreur prend une posologie inadéquate et que le contexte clinique fait évoquer un surdosage, il n’y aucune moyen biologique de le prouver, en ville : « Comme ce sont des inhibiteurs Xa ou IIa, nous pensions qu’en mesurant l’activité anti Xa ou anti IIa nous pourrions apporter une réponse biologique au risque de surdosage. Même pas, ce n’est pas fiable. Ca ne marche pas, le dosage ne veut rien dire » insiste le Dr Nenninger.
Et doser la B12, ça marcherait pas?
Quelle solution pragmatique propose le SJBM pour éviter un nouveau scandale Mediator®, Penitenziagite! ?
Le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux (SJBM) souhaite donc alerter le ministère de la Santé et l’interroger sur les mesures de santé publique et de sécurité sanitaire à prendre d’urgence afin d’éviter tout prochain scandale du médicament, et notamment sur l’intérêt d’inscrire les NACOs sur la liste des médicaments à prescription d’exception (ces nouveaux anticoagulants présentent néanmoins un intérêt comme alternative au traitement par AVK en cas de contre-indication ou lorsque le contrôle de l’anticoagulation est impossible) afin que toute instauration de traitement soit médicalement justifiée et qu’un recul suffisant sur ces nouveaux traitements anticoagulants et les accidents liés soit permis.
Inscrire les NACs sur la liste des médicaments à prescription d’exception?
Qui pourrait les prescrire?
Nous, les cardiologues, éventuellement hospitaliers, je présume?
C’est ballot car la CNAMTS souligne que les prescriptions des NACs émanent beaucoup des hôpitaux et énormément des cardiologues libéraux, ceux sur qui la pression de l’industrie pharmaceutique s’exerce le plus:
Or, les résultats préliminaires d’un travail réalisé par la CNAMTS montre pourtant que, sur le dernier trimestre 2012, parmi les 100 000 patients débutant un traitement anticoagulant, 57% se sont vus prescrire un NACO en première intention. Ce pourcentage est de 51% dans les prescriptions émanant des praticiens hospitaliers et s’élève à 78% dans les prescriptions des cardiologues libéraux.
(page 119 du document source)
Bon, sans rire, si on laissait travailler tranquillement la pharmacovigilance qui ne peut être que vigilante sur ce dossier chaud*, et si on cessait d’invoquer à tout moment les fantômes du Médiator® afin de faire saliver les journalistes et faire peur aux patients?
Penitenziagite!
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*Vous avez remarqué, vous aussi, comme les autorités sanitaires (ANSM et HAS) cadrent et encadrent les NACs depuis leur mise sur le marché ? J’ai rarement vu une telle surveillance… J’ai aussi été étonné par l’ASMR V de l’Eliquis® (j’aurais parié pour III, plutôt IV). Le fait que leur coût préoccupe aussi beaucoup la CNAM ne doit pas être étranger à tout cela.
(Ce n’est qu’une remarque d’observateur externe, mes fonctions à l’ANSM ne me donnent aucune connaissance sur la façon dont le dossier NAC est géré par les autorités sanitaires.)
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