J’ai de la chance, je fais un métier que j’aime, qui me permet de vivre, et qui n’est pour l’instant pas menacé par la crise liée au Covid-19.
Il me permet aussi de mieux accepter le confinement. Deux à trois fois par semaine, je vais au travail en vélo, 11 km aller et retour. Je n’ai pas envie de faire plus pour que la routine ne tue pas le plaisir, et aussi car physiquement, je sens mes limites à partir de 3 jours de rang de #velotaf.

Les rues de Marseille sont vides ou presque, quoique, jour après jour, le trafic reprend. Tout semble s’être arrêté, comme dans un film ou un jeu post-apocalyptique.
Des affiches qui vantent des spectacles ou des expos depuis longtemps passées, voire même qui n’ont jamais eu lieu blanchissent au soleil, et commencent à se décoller. Certains commerçants sont restés bloqués à la St Valentin.
On trouve même dans ce nouveau monde des gourous qui ne manquent pas de s’épanouir sur le terreau de la terreur des gens, et qui peuplent habituellement les dystopies.

Traverser la ville en vélo permet de voir tout cela, de ressentir cette atmosphère si particulière. Tout n’est pas triste ou mélancolique. Au lieu de l’habituelle odeur de gaz d’échappement rue aviateur Lebrix, flotte la douce odeur d’une haie de Pittosporum tobira. Faire du vélo est bien moins dangereux qu’avant, si l’on excepte les excités du levier de vitesses qui se croient dans GTA5 dans les rues vides.

J’aime explorer mon trajet, j’aime optimiser les trajectoires pour éviter les tranchées et les nids de poule, j’aime glisser sur l’asphalte silencieusement. J’aime particulièrement pouvoir éprouver le paradoxe de filer comme le vent alors que mes jambes moulinent lentement sur le plus petit pignon. Un peu comme le mouvement lent des pattes des girafes alors que leur vitesse est stupéfiante. J’aime aussi la préparation minutieuse qui précède mon trajet. Je lève le nez, debout sur mon balcon pour interroger le ciel, estimer le vent. Je ne me sens pas de braver la bourrasque ou la pluie. Puis j’estime la température, combien de couches de vêtements « en haut » aujourd’hui? Mon record était quatre en plein hiver, là j’en suis à deux, et j’envisage une quand je rentre dans l’après-midi.
Tous ces petits plaisirs ou ces points de focalisation ne me font pas oublier la vie d’avant. Les expos, les restaurants, les librairies, la possibilité folle de pouvoir aller n’importe où sans avoir à remplir de dérogation.
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