La lutte des classes

Cela fait un peu plus de 11 ans que je n’ai pas parlé de Martin Winckler/Marc Zaffran, c’était en 2005.

A l’époque j’avais été impressionné par son roman Les trois Médecins et sa description « sociale » d’une Fac de Médecine, avec ses Perses et ses Mèdes et le peu de cas que certains médecins font de leurs patients. Je l’ai toujours un peu gardé en marge de mon champ visuel: son émigration au Canada, ses coups de gueules qui froissent souvent les confrères.

Et puis ce matin, 5h39, je suis tombé sur cela:

classesmedLien vers l’article.

Et comme j’étais un peu incrédule, j’ai retrouvé dans ma mémoire le lien vers cet article de L’Huma.

Marc (tu me permets de t’appeler Marc?), penses-tu vraiment ce que tu écris?

La sélection des étudiants en médecine, en France, porte surtout sur des jeunes gens issus de milieux favorisés. Et ces étudiants s’apprêtent à soigner des patients de leur milieu social, pas du milieu ouvrier, ni des sous-prolétaires.

Nous ne pourrions correctement soigner, c’est à dire bien et sans maltraitance, que des patients de notre classe sociale? Et comme nous sommes majoritairement issus de familles socio-économiquement favorisées…

Toi-même, comme nous, tu en es issu:

La structure des grandes écoles françaises est une structure aristocratique. Mon père était médecin, donc, techniquement, nous étions des bourgeois. Mais sa mère faisait le ménage. Nous n’avons jamais oublié d’où nous venions. Et je n’avais pas une idéologie de gosse de riche quand j’ai commencé à faire médecine, mais une philosophie qui était : « Tu soignes tout le monde, un point c’est tout. »

Assume au moins d’être Clodius! Ne te cherche pas d’excuse « de classe ». Arrête de nous flageller et de t’auto-flageller en public, au milieu du parvis, parce que tu es médecin et fils de médecin. Cela ne sert à rien hormis flatter ton formidable ego.

Je suis issu d’une famille plutôt aisée, père chirurgien… Mais il y avait de la paille sur le sol de la cuisine familiale il y a 2-3 générations. J’ai tout bon? Ma filiation est assez prolétaire? Je mérite autre chose que ton dédain?

Je suis fier de ce que je suis, comme la plupart des confrères. Pas fier par rapport aux autres, car nous serions meilleurs qu’eux, mais fiers de ce que nous pourrions (je reste modeste) apporter à ceux que nous soignions. Pour te donner une idée de ce que je ressens quand j’essaye de faire mon métier, j’aime beaucoup la devise du Lycée Lacordaire:  Réussir pour servir.

Arrête de lire en boucle Germinal, formidable roman soit dit en passant, et passe à autre chose de plus actuel.

Voila comment je vois les choses, mais certainement ai-je tort.

Les médecins sont des humains, comme leurs patients. Ils ont leurs forces et leurs failles. Il y a des crapules, comme des êtres extraordinaires, et au milieu des milliers de médecins « banals ».

Nous sommes majoritairement issus de milieux aisés, souvent de familles de médecins, je l’observe depuis la fac, c’est loin d’être la trouvaille du siècle.

As-tu aussi remarqué que beaucoup de notaires sont filles/fils de notaire, pharmaciens filles/fils de pharmaciens, garagistes/garagistes, boulangers/boulangers, dockers/dockers, fleuristes/fleuristes, employés de pompes-funèbres/employés de pompes funèbres, maçons/maçons…

Mais je crois n’avoir jamais observé de défaut de soin du fait d’une pseudo supériorité de classe. Dans la vie privée, des médecins méprisants, voire odieux, certes, mais dans leur activité professionnelle, jamais. Je ne dis pas que cela n’existe pas, mais alors que je suis assez sensibilisé aux soins que l’on peut apporter aux patients (j’essaye de faire de mon mieux, même si je n’enseigne pas l’éthique), je n’ai jamais considéré ce point particulier comme étant un problème. L’avidité de certains, le mépris envers les patients (sans rapport avec une quelconque histoire de « classes »), les relations avec l’industrie pharmaceutique, les luttes de pouvoir, oui, mais ça, jamais.

Nous faisons majoritairement ce métier pour aider les autres, indépendamment de qui ils sont. J’essaye, comme la plupart, de soigner de mon mieux le riche, le pauvre, le noir le blanc, le jaune à pois verts, l’athée, le croyant, l’hétéro, l’homo, le trans, le francophone, l’allophone, indépendamment de ce qu’il est, et surtout indépendamment de ce que je suis.

Imagine la mortalité effroyable qui serait observée, ici à Marseille, si comme tu l’écris, nous ne soignerions bien que les patients « comme nous », alors que j’ai du mal à concevoir une cité plus diverse?

Tout interne de cardio que j’étais, mais néanmoins non sujet au mépris de classe du fait de l’origine paysanne de mes ascendants, mes meilleures années, je les ai passées à l’Hôpital Nord, qui comme son nom l’indique est au milieu des quartiers Nord de Marseille. Et je t’assure que je n’y suis pas allé pour « réconforter mes pauvres », comme le ferai une dame patronnesse de la rue Paradis, soucieuse de se réserver une place… au Paradis.

Tout humain est une merveille, et pas seulement le paysan dauphinois enrichi, tel est mon credo, et je te le dis, c’est aussi le credo de l’immense majorité des médecins qui m’entourent.

Pour (presque) terminer, une remarque sur le texte de l’excellent « Carnets de santé » que tu as cité. Je ne parlerais pas de l’explication « sociale » des déserts médicaux, car je n’ai pas de données bien nettes. Cela me semble néanmoins assez caricatural, et je vois mille autres raisons pour expliquer ce phénomène.

Je veux simplement revenir sur ce point:

Il cite également quelques uns des mécanismes non financiers de la sélection sociale, bien connus des sociologues de l’éducation, en particulier l’aptitude à connaître les « tuyaux » pour être bien orientés dès le lycée.

Wa-hoo…

Je vais faire un truc énorme qui va faire asseoir sur leurs fesses replètes les sociologues de l’éducation.

Je vais révéler publiquement les « tuyaux »,  les mots et les poignées de mains que nous nous transmettons dans le secret le plus sacré, de générations en générations de médecins, afin de favoriser, dès le lycée, notre descendance à la fac de Médecine:

  • Bosse comme un fou
  • Favorise les matières scientifiques
  • Aime les autres

 Permets-moi enfin de risquer une analyse sur les tiennes.

Tout ce que tu décris a été effroyablement vrai, ça l’est de moins en moins, ton analyse « de classe » l’a aussi été, ça l’est de moins en moins. Quand j’étais interne, c’était déjà largement du passé.

Les choses changent, sors du passé, Marc.

Utilise ta formidable capacité à nous faire réfléchir et à te révolter pour nous aider à nous battre contre autre chose que des fantômes du passé. Notre présent de médecin, sans même parler de l’avenir, recèle des milliers de luttes qui méritent que tu t’y intéresses.

23 Replies to “La lutte des classes”

  1. Merci pour ce billet. Je suis médecin généraliste et issue du milieu ouvrier. Je ne suis ni meilleure ni moins bonne que mes collègues issus de milieux plus favorisés. Chacun est le médecin qu’il veut être. J’ai passé l’ internat il y a 9 ans. Pleines de connaissance et de certitudes je pensais être un bon médecin. Mais en fait je réalise que plus je perds mes certitudes plus je deviens un bon médecin. Mon milieu social a été un frein j’ai été bannie par certains car m’élever socialement a été interprété comme une trahison. Je suis devenue une bourgeoise, une nantie. Merci à ma mère qui m’a poussé a réussir. PS j’adore mon métier.😊

    1. J’aime bien votre commentaire, loin des vanités et des certitudes de Martin Winckler. Ma promotion (P1 1978) dans une petite fac de province était composée de jeunes issus de tous milieux, et ont réussis ceux qui ont beaucoup travaillés, ou qui avaient des prédispositions à réussir ce genre de concours, dans la limite des places disponibles au numérus clausus.
      Si réellement le milieu social détermine actuellement la réussite, l’acuité de l’analyse de Mr Winckler devrait porter en amont de ce concours, et se demander pourquoi on en arrive à ce que au bac et aux concours qui suivent ce sont les jeunes des classes favorisées qui réussissent. (Entre parenthèse, les enfants d’enseignants sont assez majoritaires je crois dans cette population, il ne s’agit donc pas d’une question de revenus quand on parle de classe favorisée …)
      Je rejoins ensuite l’analyse de grange blanche sur les extrapolations de Mr Winckler concernant la qualité des soins que ces jeunes seraient à même de délivrer à des gens qui ne seraient pas de leur classe … c’est une pensée méprisante peut être liée au milieu dans lequel il vit, qui donne à penser que l’image d’humanisme qu’il affiche est bien terne.

  2. Bonjour,
    Ce qui est paradoxal : ton texte ne me convient pas et les présupposés de MW/MZ encore moins.
    Ta défense unilatérale des médecins me choque car tu confonds leurs bonnes intentions et leurs pratiques. Et leurs pratiques, qui, accessoirement, peuvent être des pratiques de classe (soit, et c’est un détail fort important, de classe d’appartenance ou de classe de référence), sont trop souvent techniciennes, arrogantes, peu informées des valeurs et des préférences des patients, trop monsieur (ou madame) je sais tout, et cetera.
    je suis le premier à défendre les médecins à l’extérieur et le premier à les critiquer de l’intérieur.
    Quant à MW/MZ, qui m’a ouvert les yeux à une époque où j’étais très ignorant et porteur de la doxa institutionnelle des gynéco, qui a ouvert les yeux à un gamin déjà favorable instinctivement à ce qui serait « la cause des femmes », il me rend mal à l’aise. Sa posture autoproclammée d’ami des femmes, d’ami des patients, d’ami des opprimés, cache une imposture qui serait un amour honteux de lui-même. Je l’écoutais l’autre jour sur TSF, dans l’émission Portrait in Jazz, et j’étais effaré : il aime le jazz pour des raisons qui me sont inconnues et quand il aime des musiciens que j’aime il le fait avec des arguments qui me sont étrangers.
    Ainsi MW/MZ feint-il de découvrir que les études de médecine sont comme les autres études supérieures le fait des classes dominantes et en conclut-il que c’est pour cela que les patients sont maltraités et, j’ajoute, parfois mal traités mais pour d’autres raisons que de classe (et j’aime ta façon anti moderne de parler de la compétence, du travail nécessaire, de la lecture scientifique pour devenir et rester un « bon » médecin). Seul MW/MZ a raison.
    Et encore n’ai-je pas parlé de l’écrivain mais je ne suis pas critique littéraire.
    Bonne journée.

    1. Ta défense unilatérale des médecins me choque car tu confonds leurs bonnes intentions et leurs pratiques.
      OK, mais il ne concède même pas la bonne intention.
      Quant à MW/MZ, qui m’a ouvert les yeux…
      Il m’a beaucoup apporté, comme à beaucoup d’entre nous, pour avoir conduit des combats difficiles qui allaient contre le mouvement général: maltraitance/relation avec les labos…
      Je suis d’autant plus triste de le voir tenir une telle posture.

  3. Il y aurait beaucoup à dire sur l’article de Martin Winckler et je ne suis pas sur que ce commentaire permette de le faire exhaustivement
    Tout d’abord sur le constat réel d’une université bien peu accessible aux milieux moins favorisés.
    Cette situation ne peut comme le souligne justement le billet expliquer, seule, certaines dérives des soignants. Elle n’en est pas moins dérangeante.Dans une société qui se gargarise de démocratie et d’avancées sociales, le constat que l’ascenseur social est pour certains un mur de parcours du combattant n’est pas satisfaisant. Bien sur il y a des exemples de réussite mais ils sont trop rares, et si l’origine sociale ne conditionne pas les soins octroyés, la concentration des savoirs et des pouvoirs dans les mains d’un groupe restreint tient plus de l’oligarchie que de la démocratie. Il est sûrement utopiste de vouloir un changement d’un état de fait présent dans toutes les sociétés mais il tout aussi complice de ne rien dire.
    La bienveillance du soignant ne peut être résumée à une théorie marxiste de lutte des classes.
    Dans son interview Martin Winckler pointe néanmoins d’autres carences, en particulier dans la formation à la relation du soignant avec le soigné. On ne peut pas dire que les soignants sont formés au mépris du soigné, ce serait faux et insultant. Par contre alors que les futurs soignants ont une formation approfondie aux causes et possibilités de soulager les maladies, ils n’en n’ont pas, ou trop peu à la relation indispensable aux soins. Tout est involontairement fait pour laisser les convictions personnelles des futurs soignant guider leur relation de soins. Elle peut devenir celle d’un Martin Winckler, d’un Grange Blanche, d’un Docdu16, d’une Jaddo et bien d’autres mais elle peut aussi devenir celles de médecins que je n’ai pas besoin de citer mais dont l’attitude est au mieux paternaliste au pire condescendante. Certes la volonté de faire le bien ( la bienveillance) est présente mais son expression reste le reflet d’une classe non d’origine mais de formation.
    Un petit aparté je cite les auteurs de blog sous leur nom de blogueur blogueuse, ne les connaissant que sous cette identité et n’ayant jamais eu aucune relation professionnelle de soins avec eux.
    Quelque soit l’origine des étudiants la formation qu’ils reçoivent laisse donc leurs convictions établir le type de relation qu’ils croient être la meilleure. Pourtant des formations adaptées à une relation de qualité avec le patient existent mais ne sont pas ou trop rarement dispensées.
    On peut ajouter aussi que la formation des futurs soignants ne favorise pas l’esprit critique ce qui peut en partie expliquer l’influence de l’industrie sur les prescripteurs.
    Alors oui je partage l’avis de Grange Blanche sur la volonté d’aide de l’immense majorité des soignants. Je déplore qu’une université « républicaine » conduise à favoriser les plus favorisés et handicaper ceux qui le sont moins, mais je partage aussi l’idée que l’origine sociale ne peut expliquer seule la posture des soignants. Par contre leur formation conduit malheureusement à un esprit sinon de classe ou de caste du moins trop souvent corporatiste. Ce n’est donc pas l’origine sociale inégalitaire des soignants qui est en cause, mais bien une formation favorisant le savoir aux dépends du savoir être délaissé et nécessairement autodidacte.

    1. L’égalité parfaite est totalement utopique, ce qui me chiffonne vraiment est comme tu le dis très bien l’explication de la qualité d’un soin résumée à une théorie marxiste (jamais j’aurais cru un jour écrire ces mots, hors collège ou lycée 😉 )

  4. En lisant ton article, mon sentiment c’est que tu perds ton temps, tu sais comme dans l’histoire du mésusage d’un violon.

  5. Si tu as écrit en 2005, comme nous sommes en 2016, ceci fait 11 ans que tu as parlé de M. Zaffran et non 15 ans. Je suis pointilleux sur les chiffres, pure déformation professionnelle.

  6. Jm, je t’aime, tu as écrit exactement ce que je pense.
    C’est d’abord une histoire une histoire d’humanité et de respect de l’autre, au-delà du « bon » médecin.

  7. Ce texte est une vaste blague. Je suis patiente (occasionnellement), pas médecin. Comme si on n’était pas immédiatement pas catalogué par les « soignants » en fonction de notre catégorie socio-professionnelle et traité en fonction de cette dernière… Je suis enseignante et je sais parfaitement que je suis a priori considérée comme une emmerdeuse aux yeux de celui/celle qui va être amené(e) à m’accompagner dans mon parcours de soin: on a tôt fait de me coller l’étiquette « MGEN » sur le front. Et oui, une emmerdeuse, j’en suis probablement une à vos yeux: je traîne beaucoup sur internet, j’ai un avis sur pas mal de choses et j’ai toujours tout un tas de questions à poser. Et je n’oublie pas qu’en dernier recours, c’est MOI qui décide. Même chose pour les personnes issues de milieux dits modestes. La plupart des médecins considèreront a priori qu’il n’est pas nécessaire d’apporter une information complète (voire complexe) et éclairée à des individus qui, à leurs yeux, n’ont pas les diplômes et la culture nécessaire pour comprendre les tenants et les aboutissants de tel traitement ou de telle prise en charge. Même chose pour une jeune femme enceinte et au chômage de 20 ans qui va être infantilisée par les gynécos au cours de son suivi et de son accouchement, là où une femme de 35 ans, surdiplômée et cadre ne sera certainement pas traitée de la même manière. C’est du passé? Restez bien confits dans vos certitudes… et vos illusions… Mais RIEN n’a changé (et pitié, évitez-nous le discours « on n’est pas tous comme ça »…).

    1. La généralisation est toujours réductrice. Votre expérience avec DES médecins ne peut être généralisée à TOUS les médecins pas plus que je ne fais de déduction sur LES enseignants sur la base de mon vécu d’enfant ou de parent

      1. Merci à vous d’illustrer aussi justement mon propos. On dénonce les comportements de certains médecins – qui, non, n’ont rien d’exceptionnels – et on se voit aussitôt renvoyé dans ses filets par les membres de la corporation parce qu’on est accusé de « généraliser ». Alors quoi? On ferme sa gueule et on évite de pointer les maltraitances médicales dont se rendent coupables certains de vos collègues sous prétexte que ça jetterait le discrédit sur l’ensemble de la profession? Je n’en ferai rien et je continuerai inlassablement à dénoncer les brebis galeuses que vous vous évertuez à protéger.

    2. « Restez bien confits dans vos certitudes… et vos illusions… Mais RIEN n’a changé (et pitié, évitez-nous le discours « on n’est pas tous comme ça »…). »

      MDR, LOL, ROFL !
      En effet, du côté des enseignants rien n’a changé dirait-on même s’ils ou elles disent qu’ils ne sont pas tous comme ça !
      Que de hargne.
      J’ai un avis sur pas mal de choses et je connais mon corps etc ….
      Ben les médecins aussi et c’est votre corps qu’ils connaissent, au fait , pas mal, sans pour autant devoir dédaigner votre avis.

      Bon je galège mais votre ton donne envie de vous houspiller , taquiner, titiller, même si vous avez raisons pour pas un nombre indeterminé de médecins.

    3. Madame la Professeur

      Il est évident qu’en tant que médecin, il faut s’adapter au contexte culturel et social de chaque patient.

      La tendance des prof d’écoles, c’est de s’informer beaucoup avant d’aller voir le médecin, et ensuite, poser 1000 questions qui ont souvent rien à voir avec la choucroute.

      On s’adapte.

      La tendance des gens qui ont une faible éducation, c’est de venir pour des choses très banales, parce que personne ne leur a montré ou expliqué avant. Et c’est un peu à nous de le faire.

      On s’adapte.

      Vous voulez qu’on soigne tout le monde de la même façon ? Mais les gens sont tous différents.

      L’égalitarisme n’est pas possible en ce monde, car les hommes et les femmes ne sortent pas du même moule, et n’ont pas eu la même cuisson scolaire.

      Mais le plus important, c’est de s’adapter à leur condition de compréhension, et à leur demande.

  8. Bonjour. Merci de votre texte. Certains soulignent à juste titre le fait que les bonnes intentions largement partagées des médecins comme des soignants en général, n’empêche pas des pratiques et une organisation des soins critiquables en bien des points. Parlons de tout cela oui. Pas de déni. Oui les inégalités existent et la formation médicale comme les autres formations universitaires longues est marquée par la reproduction sociale. D’accord.
    Mais j’ai cependant la même réaction que vous, je prends comme une espèce d’attaque personnelle pénible la charge de Winckler. Je ne vois pas pourquoi je devrais me sentir individuellement coupable de tout cela.
    En fait il m’emmerde depuis des années. Dans le bon sens du terme depuis les études (externat fin des années 1990) avec La Maladie de Sachs, le livre et le film notamment : il a poussé une génération d’étudiants à l’introspection et au questionnement général sur les raisons qui nous ont amené dans ces études, vers ce métier, à ce qui fonde notre rapport à l’autre en tant que soignant etc…Egalement à la fin de l’hypocrisie sur les relations avec les laboratoires. Il n’a cependant pas le monopole de la réflexion sur ces sujets qui ont été abordés pour ma part dans l’enseignement en faculté (oui tout n’est pas pourri, le plus gros coefficient au concours de première année à l’époque c’était sciences humaines sous la houlette d’une sociologue, qui s’est fait sévèrement chahuter dans les amphis mais qui a tenu bon) ou au gré des rencontres avec des médecins hospitaliers et autres, avec des conseils de lecture etc.
    Dans l’autre sens majoritairement depuis, avec sa posture du chevalier blanc qui a dû traverser l’Atlantique pour fuir la crapulerie généralisée. Cela avait mal commencé avec la lecture de la plupart de ses autres livres, ennuyeux avec leur moralisme pesant incarné une fois de plus dans la figure du personnage moralement pur, seul ou presque, qui doit faire face à la décadence institutionnelle. Ca continue avec ce genre de déclaration.
    Bref.
    Bonne journée.

  9. Merci Grange Blanche de ce texte, qui retranscrit si bien ( même si je me rapproche plus de l’angle de Docteur du 16 en fait) notre ambivalence vis à vis de MW/MZ…Admiration initiale devant le côté si  » bien vu » du métier de généraliste ( j’étais remplaçante à la campagne à l’époque), àvec déjà un peu d’agacement devant le côté un peu tranché des personnages – des médecins, soit vertueux , loin des labos, près des patients, soit gros pleins de sous nourris aux labos et dédaigneux avec les patients.
    Et plus MZ/MW s’est éloigné de la médecine dite libérale , et de la médecine de soins tout court, plus ses avis « autorisés » (par qui?)sur un sujet qu’il ne voyais qu’à travers son prisme particulier, me sont devenus horripilants car réducteurs et bourrés de généralités …. Je suis installée en secteur 1, toujours débordée, rarement fière de mes compétences, mais j’essaie vraiment de faire le mieux pour mes patients, malgré le manque de temps…
    Pour Petroleuse, tous les enseignants ne se ressemblent pas, mais certains restent  » donneurs de leçons » en dehors des heures de cours… Et d’autres ( parfois les mêmes ) persuadeés que la médecine est une science exacte qu’ils connaissent au moins aussi bien que nous, sans jamais se demander pourquoi nos études durent si longtemps . La plupart sont des patients comme les autres, bien evidemment!Je suis également fille et sœur d’enseignantes!
    En tout cas merci d’affiner autant la réflexion sur nos rapports Medecins/ patients et tout ce qui interagit au milieu…..

  10. Bonjour, à 91 ans je suis l’un des derniers de la génération de médecins ayant commencé leurs études en 1945. Je me considère comme un artisan ayant été formé dans une modeste école de médecine devenue faculté. Je ne suis pas un savant, mes maîtres étaient des médecins partageant leur temps entre leur cabinet, l’hôpital, l’enseignement…j’ai complété l’enseignement officiel en glanant des informations, des petits « trucs » auprès de confrères, d’infirmières (elles savent beaucoup de choses, car elles sont plus près des malades), de patients. Je suis issu d’une famille très modeste, ouvrier, employé…de gens de la terre ayant migré vers la ville, les usines… parmi mes compagnons d’études, d’internat, je n’ai pas connu de nantis (ceux qui avaient les moyens allaient dans les grandes facultés…Paris, Lyon) Passionné par ce merveilleux métier, attiré par le Sahara, avec mon épouse infirmière j’ai pris la direction d’une AMS (Assistance Médico Sociale) petite structure hospitalière de 90 à 100 lits…et diverses activités: hygiène scolaire…durant 7 ans puis je suis revenu en France avec nos 7 enfants…j’ai passé le concours de chef de clinique assistant des hôpitaux en pédiatrie à la Faculté de Clermont-Ferrand. Après 30 ans de pédiatrie ( médecine générale pour enfants) seul, puis en association avec un, puis trois confrères (je crois que l’avenir de la médecine réside dans l’association). Dès la fin de ma retraite nous sommes partis pour participer au fonctionnement de dispensaires ou des Centres de Santé de Soins Primaires, en Afrique, au Maroc, au Nicaragua, en Albanie, au Népal. Une mission en urgence au Rwanda au moment du génocide.
    42 missions que nous avons arrêtées au Népal il y a trois ans. Je suis passionné par les rencontres, le partage du savoir, (dans les deux sens : recevoir le savoir de l’Autre et partager ce que l’on sait) le malade possède un savoir qu’il faut respecter disait Balint…J’ai une immense tendresse pour cette humanité en grande souffrance…je n’ai jamais senti d’animosité, je n’ai jamais eu de problèmes avec mes confrères ou avec celles et ou avec ceux qui m’appelaient, je ne crois pas avoir méprisé quiconque…j’aime ces rencontres, ce dialogue interpersonnel, ce lieu sacré de la rencontre. Les humbles de cœur (pas obligatoirement pauvres) les pauvres m’ont beaucoup appris. Je crains que l’on forme, actuellement des savants…mais pas assez de praticiens, d’artisans…de vrais généralistes sachant faire face à toutes les situations comme le faisaient nos confrères dans les campagnes, les montagnes d’Auvergne…qui pratiquaient et qui pratiquent encore une véritable médecine humanitaire dans la discrétion, la disponibilité, le respect de celle ou de celui qui leur font l’honneur d’abandonner leur vie entre leurs mains.

  11. Merci Miaillier pour votre témoignage.
    La plupart des médecins que je connais sont des individus dont j’apprécie l’humanité et leur volonté d’améliorer le quotidien de leurs patients. Il y a des exceptions, elles me semblent rare mais j’ai possiblement trié.
    Winckler est devenu, au moins dans ses écrits, un c#nard prétentieux qui fait dans le buzz et la stigmatisation. Il est relayé en cela par une cour d’idolatres.
    Merci à l’auteur de ce blog pour ce texte et merci aux commentateurs. Les médecins, les soignants, acceptent les critiques argumentées, pas les délires paranoïaques.

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