Juste avant mon train de retour, je suis allé faire un tour au Relay de la Gare de Lyon pour jauger le dernier Goncourt, L’ordre du jour de Éric Vuillard.
Il faut savoir que j’ai toujours eu un peu de mal avec les Goncourt, j’en ai commencé beaucoup, et fini bien peu. J’ai un peu de mal avec les phrases sophistiquées qui ne disent rien, hormis leur propre gloire. La masturbation linguistique, spécialité bien française, très peu pour moi.
Il y avait un monde fou dans ce Relay. J’ai navigué entre les gens agglutinés devant les magazines d’auto/moto, photo, porno gay, style masculin, magazines féminins, people, enfants, pour chercher de mes yeux myopes contractés un bandeau rouge dans la petite section ouvrages sans images. Il y avait bien le Renaudot 2017, de trompeur bandeaux rouges annonçant le dernier bouquin d’un auteur qui n’a aucune chance de gagner le moindre prix, et même curieusement, le Goncourt 2016, mais pas L’ordre du jour. Au cours de ma recherche, toujours slalomant entre les gens, ma vision périphérique remarque un homme un peu plus âgé que moi; ça devient de plus en plus rare au fil des années, je me retrouve de plus en plus souvent devant des patients plus jeunes que moi, ne vous inquiétez pas, je vais retrouver le fil du récit dans ma prochaine phrase qui sera plus courte que celle-ci. Cet homme cherche aussi quelque chose, et j’ai le sentiment instantané et inébranlable que c’est le même bandeau rouge que moi. Il s’approche d’une vendeuse à la couleur de cheveux improbable, qui déballe un carton, juste avant moi et demande… le Goncourt 2017. La vendeuse lui dit qu’il a de la chance car il ne lui en reste que 2 en réserve. Je lève un doigt timide et lui demande le second exemplaire. Petit échange de sourires avec l’homme.
Et là, je suis bien ennuyé, car ce Goncourt, je voulais seulement le feuilleter, pas forcément l’acheter. Mais primo je ne pouvais décemment pas le reposer sous l’oeil de la vendeuse qui a marché 640 cm de plus pour aller me le chercher et secundo, la façon dont s’est déroulé mon achat m’a paru être un signe sur le mur qu’il fallait que je le lise.
Je n’ai donc pas pu faire Mene, Mene, Tekel u-Pharsin (lire de droite à gauche, précise Wikipedia).
Bref, je l’ai acheté, et je l’ai lu en 3h05, la durée du trajet du 16h15.
Pour le coût (c’est fait exprès), c’était un Gon-court.
J’ai bien aimé, mais c’était tellement court (160 pages, format Actes-Sud) que je suis resté sur ma faim.
L’auteur raconte 3 histoires qui n’ont pas vraiment de rapport les unes avec les autres, hormis évidemment leur contexte historique: la réunion des industriels venus déposer leurs offrandes aux pieds d’Hitler en 1934, l’Anschluss et le dernier repas de von Ribbentrop en tant qu’ambassadeur d’Allemagne en Grande-Bretagne.
Les récits sont enlevés, pointilleux et caustiques. L’auteur s’est évertué à glisser dans chaque chapitre un mot rare qu’il fallut à chaque fois vérifier sur Google (imposte, apophtegme…). Comme quoi, il devait quand même un peu penser au Goncourt en l’écrivant… Autre indice qu’il devait penser à un prix littéraire, il a choisi comme thème le nazisme, ici son ascension.
Hormis cette collection de mots rares, souvent utilisés sans réelle utilité, j’ai trouvé la langue plutôt fluide. Sauf, que, quand j’en ai fait la lecture à voix haute, je l’ai trouvée beaucoup plus sophistiquée qu’au premier abord. Lire un texte à voix haute permet de déconnecter le mode « aide à la lecture » du cerveau qui est activé par défaut quand on lit pour soi.
Voici 4 pages (2,5% du bouquin), qui j’espère, vous donneront envie de le lire.