J’ai toujours du mal avec le traitement préventif des accidents thrombo-emboliques chez le sujet âgé ou très âgé en fibrillation atriale.
Quand faut-il dire non, je ne débuterai pas d’anticoagulants?
Il existe bien des recommandations, mais elles sont basées sur des études qui excluent le plus souvent les sujets âgés/très âgés.
Il y a peu, j’ai été confronté à une question troublante: fibrillation auriculaire paroxystique chez un patient de 98 ans avec un cancer du pancréas traité de manière palliative.
En lisant le dossier, j’ai trouvé la question curieuse.
En allant voir le patient qui n’était pas en si mauvais état général que cela, j’ai été troublé.
Après réflexion, j’ai opté pour ne pas le traiter.
Pour argumenter et tracer ma décision, j’ai utilisé le score CHA2DS2-Vasc, qui bien entendu ne repose probablement sur aucune population de patients âgés de 98 ans avec un cancer du pancréas.
Je fais du chamanisme scientifique toute la journée. Et ça fait plaisir à la Qualité.
Son score est à 2, c’est à dire que son risque embolique, non anticoagulé est à 2,2% par an.
J’ai ensuite extrapolé ce score déjà totalement coupé de la réalité de mon patient:
- 2,2% par an
- c’est 1,1% pour 6 mois,
- 0,55% pour 3 mois,
- 0, 18% pour 1 mois,
- 0,0059% pour 1 jour (pour un mois de 31 jours)
J’estime donc sa « chance » de faire une embolie inférieure à 1%.
Pas de quoi débuter un AVK ou un AOD chez un vieux monsieur sourd qui n’a plus que quelques semaines à clopiner de son lit à sa salle de bain.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
On se pose tous ces questions à un moment j’imagine.
Moi, en tout cas , je n’ai pas la même réflexion devant un glaucome, ou une rétinopathie diabètique, selon que le patient a 62 ou 84 ans.
Et c’est pourquoi toutes les CAT protocolisées vers lesquelles on nous dirige de manière assez systématique me posent question. Je ne suis pas loin de penser qu’il y a une forme de menace sur les libertés, du médecin comme du patient…
PS: qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas. Je ne parle pas de ne pas traiter. Je dis que la réflexion sur le plan de soins n’est pas la même. Et aussi que le patient a son mot à dire, valeurs et préférences et tout ça, …
Pas besoin d’algorithmes pour ne pas traiter.
Je suis d’accord avec NP : simple bon sens.
Merci pour cette phrase :
« Je fais du chamanisme scientifique toute la journée. »
Combien de nos confrères croient eux détenir la vérité .
C’est oublier que tous les malades que nous avons pris en charge sont mort ou mourront de la même façon que les futurs malades.
Aucun homme n’est immortel , même aujourd’hui