J’ai lu une nouvelle il y a bien longtemps.
Un homme douloureusement seul s’achetait des cadeaux somptueux qu’il emballait et remisait durant des années dans une pièce de son immense maison. Une fois qu’il avait oublié ce que les paquets renfermaient, c’est à dire des années plus tard, ils en ouvrait un pour son Noël, ou pour son anniversaire. Et à chaque fois, il poussait des cris de ravissement, puisque chaque paquet renfermait ce qu’il avait désiré un jour, ainsi qu’une parcelle de ce jour. J’ai vécu un peu la même sensation en exhumant de ses cartons ma petite bibliothèque.
Ces livres m’ont touché jusqu’à ce que je les ramène chez moi, puis je les ai lus, parfois aimés, puis je les ai oubliés durant des années, 11 ans pour certains.
J’ai même retrouvé un livre dont je ne me souvenais pas le moins du monde. Pourtant, en le relisant, je me suis rendu compte que j’arrivais à deviner ce qui allait se passer… La précognition n’étant pas mon fort, j’en ai déduit que je l’avais lu. C’était un bouquin pas très bon, une espèce de Da Vinci Code écrit par un auteur grec. Dans 3 mois, si cela se trouve je l’aurais de nouveau oublié et je regarderai de nouveau sa couverture avec perplexité.
J’ai aussi redécouvert et relu Les Bienveillantes de Jonathan Littell.
J’en avais parlé sur mon ancien blog ici, ici et ici, et ce que j’en avais écrit confirme un souvenir assez mitigé.
En caressant puis en ouvrant sa vénérable couverture nrf, je ne comptais que lire le premier chapitre Toccata, qui m’avait tant impressionné.
Je suis tombé nez à nez avec un marque-page bien singulier, une relève de garde de réanimation de chirurgie cardiaque. J’avais oublié que j’essayais de lire le plus souvent possible durant ces nuits toujours si particulières.
Je me suis demandé ce que ces patients étaient devenus, 8 ans après, notamment celui de la plastie mitrale+PAC avec mauvais VG qui était encore en réa à j9. J’espère qu’il s’en est sorti et que ma remémoration n’a pas dérangé ses mânes. J’ai souri à la remarque famille médecins que j’avais inscrite en face du nom du second patient. C’est tellement ça.
Je me souviens aussi de la longue conversation que j’avais eue avec un infirmier de réa sur ce livre.
Car, si je me suis demandé ce que j’avais trouvé de si fabuleux dans Toccata, je dévore depuis bientôt 13 jours ses 894 pages avec une frénésie que je n’avais pas connue depuis des années.
C’est un roman terrible, et éprouvant, mais captivant. Je n’ai pas ressenti la sécheresse de la nomenclature bureaucratique qui m’avait tant rebutée à l’époque. Parfois, l’auteur abuse un peu, mais rien d’insurmontable. La relecture m’a ouvert des portes que j’avais négligées à l’époque, rien de transcendant mais quelques échappées intéressantes. Je suis totalement incapable de faire une exégèse de ce roman immense. Vous trouverez plein de critiques sur la toile, et je vous conseille l’excellente page de Wikipedia qui lui est consacrée.
Pour lire un livre, il faut être deux, le livre et soi-même. Et comme pour une relation entre deux êtres humains, rien n’est jamais fixé ou absolu.
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