Le rapport d’activité 2013 du CODEEM

2011 a été l’année où tout a changé pour l’industrie pharmaceutique.

C’est l’année de création du Codeem, le comité de déontovigilance du LEEM, le syndicat français des entreprises du médicament.

Rien ne fut plus pareil après.

Oubliées les années noires durant lesquelles l’industrie pharmaceutique fut peut-être un tout petit peu négligente avec la déontologie (et encore, on peut discuter).

Fort de sa doctrine L’indépendance dans l’interdépendance, le Codeem s’est rapidement imposé à l’échelon national, voire international comme le gardien rigoureux de la moralité des pratiques commerciales de l’industrie pharmaceutique.

Le 17 avril dernier, le Codeem a publié son rapport d’activité pour 2013. Je m’étonne qu’on en ai pas parlé à la TV.

Morceaux choisis d’une réussite française:

2013 aura été une année importante pour un Codeem désormais mieux assuré dans ses pratiques et ses méthodes de travail. C’est ainsi qu’en réponse aux premières saisines par le Président du Leem, il a été en mesure de donner son avis déontologique sur des questions aussi importantes que la visite médicale, le lobbying ou le mésusage des médicaments.

[…]

En 2013, le Codeem a:

– tenu dix réunions de la Commission de déontologie,

– traité des questions suivantes : déontologie de l’information médicale figurant dans la presse médicale professionnelle; information sur le hors AMM; transposition du Disclosure code de l’EFPIA; caractéristiques déontologiques souhaitables de la visite médicale et du lobbying; charte déontologique du secteur pharmaceutique,

– répondu à deux demandes d’avis individuels présentées par des laboratoires,

– été saisi d’une demande de médiation

– a préparé son colloque annuel,

– lancé dans le cadre de sa réflexion sur la dimension déontologique des relations entre les associations de patients et les laboratoires une vaste enquête auprès de plusieurs centaines d ’associations et de l’ensemble des adhérents du Leem.

Très grosse année 2013, donc : 10 réunions, deux demandes d’avis, une médiation, du travail de fond et la préparation de son colloque annuel.

Je suis un peu étonné par le faible nombre de dossiers soumis au Codeem, trois, traités sur une année sur l’ensemble du territoire, alors qu’une de ses missions principales est d’effectuer une veille déontologique.

On peut se demander, qui, en dehors des lanceurs d’alertes (patients ou professionnels de santé individuels, ou une entité comme La Revue Prescrire) peut solliciter un dossier au Codeem:

codeemAh, on me dit dans l’oreillette que les individus, lanceurs d’alerte ou non ne peuvent pas saisir le Codeem, ni d’ailleurs une entité comme La Revue Prescrire.

L’industrie pharmaceutique, les associations de patients et les organisations professionnelles (qui sont toutes deux, comme tout le monde le sait, financièrement totalement indépendantes de l’industrie) peuvent par exemple initier une saisine. Le Codeem peut aussi s’auto-saisir.

Ceci explique probablement que l’on ne se bat pas au portillon pour aller déposer des dossiers.

Le Codeem fait quand même mine de s’en étonner:

COMME EN 2012, A CE JOUR CET APPEL A ÉTÉ PEU ENTENDU

Cet encouragement n’a pourtant abouti qu’à une seule demande de médiation de la part d’un laboratoire (en cours de réalisation). Pour le reste, les entreprises ont, semble-t-il préféré faire remonter des alertes auprès du Secrétariat permanent du Codeem plutôt que de saisir formellement la Section des litiges et des sanctions. De même, les parties prenantes et en particulier les Associations de Patients, qui sont représentées au Codeem, n’ont pas été, cette année encore, demanderesses de médiations.

Le Codeem n’a pas de chance non plus, quand il s’intéresse à un dossier, on lui demande poliment d’aller voir ailleurs:

Le Codeem a également rendu un autre avis, en date du 19 juillet 2013, portant sur la révision de la Charte de la visite médicale, en exprimant le souhait de sa prise en compte dans le cadre des négociations conduites par le Leem avec le CEPS. Il n’a pas été associé à cette négociation – il n’ avait pas juridiquement à l’être – ni informé de son avancement. Cette question, on le conçoit aisément, est, elle aussi, particulièrement importante du fait de son impact direct sur les obligations déontologiques des délégués médicaux. A cette date, le Codeem ne peut qu’exprimer le souhait que ses propositions aient pu être reprises dans le texte soumis actuellement à la signature.

L’industrie pharmaceutique était au bord d’un gouffre déontologique, grâce au  Codeem, elle a fait un grand pas.

Autopsie du retour d’un mort-vivant, la dénervation rénale.

J’espère que le grand Larry Husten me pardonnera, mais je lui ai encore piqué l’idée d’une note, et cette fois en plus, son pitch. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Larry Husten est un journaliste médical que j’admire depuis des années.

Il écrit des analyses décapantes sur le monde de l’industrie pharmaceutique pour forbes.com.

Dans cette note, il s’intéresse au programme du congrès Euro PCR 2014 qui vient juste de se terminer à Paris. Euro PCR est le grand rassemblement européen de la cardiologie interventionnelle. Cette année, on y a beaucoup parlé de… dénervation rénale.

Cette technique invasive a comme indication le traitement de l’hypertension artérielle résistante, selon des critères bien spécifiques.

Après des premiers essais sans bras placebo plutôt encourageants, les espoirs de tout le monde ont été douchés le 10 avril dernier par SYMPLICITY HTN-3, étude qui compare la dénervation avec une procédure placebo. La conclusion de ce travail est sans ambiguïté:

This blinded trial did not show a significant reduction of systolic blood pressure in patients with resistant hypertension 6 months after renal-artery denervation as compared with a sham control.

J’avais parlé de toute cette histoire ici (et plus largement ici).

Larry Husten a été très surpris qu’Euro PCR 2014 et ses partenaires commerciaux mettent lourdement en avant une technique qui apparemment n’est pas efficace dans un vaste essai d’excellente qualité méthodologique.

En fait, j’ai quand même trouvé une session qui parlait de SYMPLICITY HTN-3:

Euro PCR dénervationCe symposium est fascinant avant même d’en lire le contenu puisqu’il est financé par Medtronic, qui commercialise le dispositif de dénervation qui a échoué dans SYMPLICITY HTN-3.

Comment promouvoir son produit en se basant sur une étude qui montre qu’il ne marche pas?

Vous allez voir, c’est presque aussi grand que du Servier.

L’ensemble des diapos de la session est visible ici.

On va regarder certaines un peu plus en détails, car ce sont des diapos de conclusion:

slide016La dénervation rénale est sûre, c’est démontré. Ah oui, au fait, mais c’est pas la peine de le retenir, elle est inefficace.

SYMPLICITY HTN-3 démontre qu’avoir un bras placebo dans une étude, c’est bien. Retenez bien ça, c’est le message essentiel!

Enfin, on va faire des études supplémentaires pour confirmer les résultats positifs montrés par les études précédentes.

[J’exagère à peine, vous ne trouvez pas?]

slide012Nous touchons du doigt un grand axiome des statistiques appliquées au marketing: il existe toujours un sous-groupe où un traitement marche, si il ne marche pas dans la population générale.

Ici, il n’y en a pas, mais certains entrevoient la possibilité d’une éventualité que ça marche chez les patients sous anti-aldostérone. Ah oui, et puis l’étude a capoté à cause des vasodilatateurs, pas à cause de la technique.

slide016bisDans le registre, ça marche, on peut donc oublier SYMPLICITY HTN-3.

Autre grand classique des statistiques appliquées au marketing, le scotome (ou l’anosognosie).

Les deux dernières diapos sont tirées de la présentation take-home message, la quintessence de ce qu’il faut retenir de la session:

slide008

slide009La première rappelle que la dénervation rénale a sa place dans les dernières recommandations ESC. Donc il faut continuer à en faire.

[La diapo ne le précise pas, mais ça doit être un oubli: ces recos ont été publiées avant l’essai qui n’a jamais existé, SYMPLICITY HTN-3]

La dernière diapo est juste grandiose et se passe de commentaire narquois, je ne peux pas faire plus caricatural que ce qui est écrit.

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