Lost in Translation

Lost in translation est un film de Sofia Coppola sorti en 2003. C’est mon film culte à moi.

À vrai dire, je ne suis pas du tout cinéphile, je vais exceptionnellement voir des films au ciné (le plus souvent avec et pour les enfants) et je ne regarde presque pas la TV. J’ignore probablement des centaines de films qui me correspondraient aussi peut-être parfaitement. La première fois que j’ai vu ce film, peut-être attiré par la présence de Bill Murray, c’était un lendemain de garde, et j’étais totalement déphasé, donc en parfaite osmose avec ce film. Depuis, nous avons toujours vécus côte à côte. Nous partageons des hauts et des bas. Nous partageons aussi une certaine incompréhension du monde. Comme dirait mon aîné, il ne se passe strictement rien dans ce film. De fait, il n’y a aucune action, un peu comme dans la vie, mais il ne se passe pas rien. Tout est minimaliste. La profonde rupture entre Bob (Bill Murray) et son épouse n’est jamais évoquée que par petites touches, quelques phrases sur un fax ou quelques minutes de conversations très banales. Idem pour Charlotte (Scarlett Johansson) et son époux qui n’ont strictement rien en commun hormis quelques selfies jaunis. Comme dans la vie, le film alterne la mélancolie et les situations absurdes, cocasses. Bob, l’acteur déchu et Charlotte, en plein questionnement vont se retrouver et se comprendre dans une bulle créé par le jet-lag et leur profonde incompréhension du monde nippon (Lost in Translation). Pourtant, rien n’est plus japonais que leur relation minimaliste caractérisée par une grande retenue, un regard, un mi-sourire, une caresse sur un pied. Hokusai arrivait à représenter une crevette avec quelques traits, Sofia Coppola représente en quelques plans la vie que nous traversons sans comprendre, et au cours de laquelle, parfois, nous nous croisons.

Suntory Time.

Ils le sont tous, tous des hommes honorables.

PREMIER CITOYEN

Holà, restez ; écoutons Marc-Antoine.

TROISIÈME CITOYEN

Qu’il monte dans la tribune, nous l’écouterons. Noble Antoine, montez.

ANTOINE

Je suis reconnaissant de ce que vous m’accordez pour l’amour de Brutus.

QUATRIÈME CITOYEN
Que dit-il de Brutus ?

TROISIÈME CITOYEN

Il dit qu’il est reconnaissant envers nous tous de ce que nous lui accordons pour l’amour de Brutus.

QUATRIÈME CITOYEN

Il ferait bien de ne pas parler mal de Brutus.

PREMIER CITOYEN

Ce César était un tyran.

TROISIÈME CITOYEN

Oui, cela est certain : nous sommes bien heureux que Rome en soit délivrée.

SECOND CITOYEN

Paix : écoutons ce qu’Antoine pourra dire.

ANTOINE

Généreux Romains…

LES CITOYENS

Silence ! holà ! écoutons-le.

ANTOINE

Amis, Romains, compatriotes, prêtez-moi l’oreille. —

Je viens pour inhumer César, non pour le louer. Le mal que font les hommes vit après eux ; le bien est souvent enterré avec leurs os. Qu’il en soit ainsi de César. — Le noble Brutus vous a dit que César était ambitieux : s’il l’était, ce fut une faute grave, et César en a été gravement puni. — Ici par la permission de Brutus et des autres (car Brutus est un homme honorable : ils le sont tous, tous des hommes honorables), je viens pour parler aux funérailles de César. Il était mon ami, il fut fidèle et juste envers moi ; mais Brutus dit qu’il était ambitieux, et Brutus est un homme honorable. — Il a ramené dans Rome une foule de captifs dont les rançons ont rempli les coffres publics : César en ceci parut-il ambitieux ? Lorsque les pauvres ont gémi, César a pleuré : l’ambition devrait être formée d’une matière plus dure. — Cependant Brutus dit qu’il était ambitieux, et Brutus est un homme honorable. — Vous avez tous vu qu’aux Lupercales, trois fois je lui présentai une couronne de roi, et que trois fois il la refusa. Était-ce là de l’ambition ? — Cependant Brutus dit qu’il était ambitieux, et sûrement Brutus est un homme honorable. Je ne parle point pour contredire ce que Brutus a dit, mais je suis ici pour dire ce que je sais. — Vous l’aimiez tous autrefois, et ce ne fut pas sans cause : quelle cause vous empêche donc de pleurer sur lui ? Ô discernement, tu as fui chez les brutes grossières, et les hommes ont perdu leur raison ! — Soyez indulgents pour moi ; mon coeur est dans ce cercueil avec César : il faut que je m’arrête jusqu’à ce qu’il me soit revenu.

PREMIER CITOYEN

Il y a, ce me semble, beaucoup de raison dans ce qu’il dit.

SECOND CITOYEN

Si tu examines sensément cette affaire, César a essuyé une grande injustice.

TROISIÈME CITOYEN
Serait-il vrai, compagnons ? Je crains qu’il n’en vienne à sa place un plus mauvais que lui.

QUATRIÈME CITOYEN

Avez-vous remarqué ces mots : « Il ne voulut pas prendre la couronne ? » Donc il est certain qu’il n’était pas ambitieux.

PREMIER CITOYEN

Si cela est prouvé, il en coûtera cher à quelques-uns.

SECOND CITOYEN

Pauvre homme ! ses yeux sont rouges comme le feu à force de pleurer.

TROISIÈME CITOYEN

Il n’est pas dans Rome un homme d’un plus grand coeur qu’Antoine.

QUATRIÈME CITOYEN

Attention maintenant, il recommence à parler.

ANTOINE

Hier encore la parole de César aurait pu résister à l’Univers : aujourd’hui le voilà étendu, et parmi les plus misérables, il n’en est pas un qui croie avoir à lui rendre quelque respect ! Ô citoyens, si j’avais envie d’exciter vos coeurs et vos esprits à la révolte et à la fureur, je pourrais faire tort à Brutus, faire tort à Cassius, qui, vous le savez tous, sont des hommes honorables.  Je ne veux pas leur faire tort : j’aime mieux faire tort au mort, à moi-même, et à vous aussi, que de faire tort à des hommes si honorables. — Mais voici un parchemin scellé du sceau de César ; je l’ai trouvé dans son cabinet. Si le peuple entendait seulement ce testament, que, pardonnez-le moi, je n’ai pas dessein de vous lire, tous courraient baiser les blessures du corps de César, et tremper leurs mouchoirs dans son sang sacré ; oui, je vous le dis, tous solliciteraient en souvenir de lui un de ses cheveux qu’à leur mort ils mentionneraient dans leurs testaments, le léguant à leur postérité comme un précieux héritage.

QUATRIÈME CITOYEN

Nous voulons entendre le testament : lisez-le, Marc-Antoine.

LES CITOYENS

Le testament ! le testament ! nous voulons entendre le testament de César.

ANTOINE

Modérez-vous, mes bons amis ; je ne dois pas le lire.  Il n’est pas à propos que vous sachiez combien César vous aimait. Vous n’êtes pas de bois, vous n’êtes pas de pierre, vous êtes des hommes ; et puisque vous êtes des hommes, si vous entendiez le testament de César, il vous rendrait frénétiques. Il est bon que vous ne sachiez pas que vous êtes ses héritiers ; car si vous le saviez, oh ! qu’en arriverait-il ?

QUATRIÈME CITOYEN

Lisez le testament ; nous voulons l’entendre, Antoine. Vous nous lirez le testament, le testament de César.

ANTOINE

Voulez-vous avoir de la patience ? voulez-vous différer quelque temps ? — Je me suis laissé entraîner trop loin en parlant du testament. Je crains de faire tort à ces hommes honorables dont les poignards ont massacré César ; je le crains.

QUATRIÈME CITOYEN

Ce furent des traîtres. Eux, des hommes honorables !

LES CITOYENS

Le testament ! les dispositions de César !

SECOND CITOYEN

Ce sont des scélérats, des assassins. — Le testament ! le testament !

ANTOINE

Vous voulez donc me contraindre à lire le testament ? Puisqu’il en est ainsi, formez un cercle autour du corps de César, et laissez-moi vous montrer celui qui fit le testament. — Descendrai-je? y consentez-vous ?

LES CITOYENS

Venez, venez.

SECOND CITOYEN

Descendez.

TROISIÈME CITOYEN

Nous y consentons.

(Antoine descend de la tribune.)

QUATRIÈME CITOYEN

Formons un cercle, mettons-nous autour de lui.

PREMIER CITOYEN

Écartez-vous du cercueil, écartez-vous du corps.

SECOND CITOYEN

Place pour Antoine, le noble Antoine.

ANTOINE

Ne vous jetez pas ainsi sur moi, tenez-vous éloignés.

LES CITOYENS

En arrière, place, reculons en arrière.

ANTOINE

Si vous avez des larmes, préparez-vous à les répandre maintenant. — Vous connaissez tous ce manteau. — Je me souviens de la première fois où César le porta : c’était un soir d’été dans sa tente, le jour même qu’il vainquit les Nerviens. — Regardez ; à cet endroit il a été traversé par le poignard de Cassius. Voyez quelle large déchirure y a faite le haineux Casca ! C’est à travers celleci que le bien-aimé Brutus a poignardé César ; et lorsqu’il retira son détestable fer, voyez jusqu’où le sang de César l’a suivi, se précipitant au-dehors comme pour s’assurer si c’était bien Brutus qui frappait si cruellement ; car Brutus, vous le savez, était un ange pour César. Jugez, ô vous, grands dieux, avec quelle tendresse César l’aimait : cette blessure fut pour lui la plus cruelle de toutes ; car lorsque le noble César vit Brutus le poignarder, l’ingratitude, plus forte que les bras des traîtres, acheva de le vaincre : alors son coeur puissant se brisa, et de son manteau enveloppant son visage, au pied même de la statue de Pompée qui ruisselait de son sang, le grand César tomba. — Oh ! quelle a été cette chute, mes concitoyens ! Alors vous et moi, et chacun de nous, tombâmes avec lui, tandis que la trahison sanguinaire brandissait triomphante son glaive sur nos têtes. — Oh ! maintenant vous pleurez ; je le vois, vous sentez le pouvoir de la pitié. Ce sont de généreuses larmes. Bons coeurs, quoi, vous pleurez, en ne voyant encore que les plaies du manteau de notre César ! Regardez-ici : le voici lui-même déchiré, comme vous le voyez, par des traîtres !

PREMIER CITOYEN

Ô lamentable spectacle !

SECOND CITOYEN

Ô noble César !

TROISIÈME CITOYEN

Ô jour de malheur !

QUATRIÈME CITOYEN

Ô traîtres ! scélérats !

PREMIER CITOYEN

Ô sanglant, sanglant spectacle !

SECOND CITOYEN

Nous voulons être vengés. Vengeance ! — Courons, cherchons. — Brûlons. — Du feu ! — Tuons, massacrons. — Ne laissons pas vivre un des traîtres.

ANTOINE

Arrêtez, concitoyens.

PREMIER CITOYEN

Paix ; écoutez le noble Antoine.

SECOND CITOYEN

Nous l’écouterons, nous le suivrons ; nous mourrons avec lui.

ANTOINE

Bons amis, chers amis, que ce ne soit point moi qui vous précipite dans ce soudain débordement de révolte. — Ceux qui ont fait cette action sont des hommes honorables. Quels griefs personnels ils ont eu pour la faire, hélas ! je ne le sais pas : ils sont sages et honorables, et sans doute ils auront des raisons à vous donner. — Je ne viens point, amis, surprendre insidieusement vos coeurs ; je ne suis point, comme Brutus un orateur ; je suis tel que vous me connaissez tous, un homme simple et sans art qui aime son ami, et ceux qui m’ont donné la permission de parler de lui en public le savent bien ; car je n’ai ni esprit, ni talent de parole, ni autorité, ni grâce d’action, ni organe, ni aucun de ces pouvoirs d’éloquence qui émeuvent le sang des hommes. Je ne sais qu’exprimer la vérité ; je ne vous dis que ce que vous savez vous-mêmes : je vous montre les blessures du bon César (pauvres, pauvres bouches muettes !), et je les charge de parler pour moi. Mais si j’étais Brutus, et que Brutus fût Antoine, il y aurait alors un Antoine qui porterait le trouble dans vos esprits, et donnerait à chaque blessure de César une langue qui remuerait les pierres de Rome et les soulèverait à la révolte.

LES CITOYENS

Nous nous soulèverons.

PREMIER CITOYEN

Nous brûlerons la maison de Brutus.

TROISIÈME CITOYEN

Courons à l’instant, venez, cherchons les conspirateurs.

ANTOINE

Écoutez-moi encore, compatriotes ; écoutez encore ce que j’ai à vous dire.

LES CITOYENS

Holà, silence ; écoutons Antoine, le très noble Antoine.

ANTOINE

Quoi, mes amis, savez-vous ce que vous allez faire ? En quoi César a-t-il mérité de vous tant d’amour ? Hélas ! vous l’ignorez : il faut donc que je vous le dise. Vous avez oublié le testament dont je vous ai parlé.

LES CITOYENS

C’est vrai ! — Le testament ; restons et écoutons le testament.

ANTOINE

Le voici, le testament, et scellé du sceau de César. — À chaque citoyen romain, à chacun de vous tous, il donne soixante-quinze drachmes.

SECOND CITOYEN

Ô noble César ! — Nous vengerons sa mort.

TROISIÈME CITOYEN

Ô royal César !

ANTOINE

Écoutez-moi avec patience.

LES CITOYENS

Silence donc.

ANTOINE

En outre il vous a légué tous ses jardins, ses bocages fermés, et ses vergers récemment plantés de ce côté du Tibre. Il vous les a laissés, à vous et à vos héritiers à perpétuité, pour en faire des jardins publics destinés à vos promenades et à vos amusements. — C’était là un César : quand en naîtra-t’il un pareil ?

PREMIER CITOYEN

Jamais, jamais. — Venez, partons, partons ; allons brûler son corps sur la place sacrée, et avec les tisons incendier toutes les maisons des traîtres. — Enlevez le corps.

SECOND CITOYEN

Allez, apportez du feu.

TROISIÈME CITOYEN

Jetez bas les siéges.

QUATRIÈME CITOYEN

Enlevez les bancs, les fenêtres, tout.

(Le peuple sort emportant le corps.)

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Jules César. William Shakespeare. 1599

Bilan de 5 ans d’appels à projets de recherches de l’ANSM

L’ANSM vient de publier le bilan de 5 ans d’appels à projets de recherches concernant la sécurité d’emploi des produits de santé. Cette initiative est née en 2012 dans le climat très lourd qui a suivi le séisme Mediator®.

Depuis le début j’ai la chance d’être une toute petite pierre de l’édifice. Je ne sais pas si j’ai apporté grand chose, en tout cas j’ai beaucoup appris. J’ai aussi rencontré des gens passionnants et passionnés, qui se dévouent pour le service public.

L’idée était de promouvoir la recherche dans un domaine trop souvent laissé pour compte, celui de la sécurité des médicaments et des dispositifs médicaux.

Les ambitions initiales étaient à la hauteur de la honte due à l’affaire  Mediator®, 9.574.653€ pour être précis, puis, le temps passant, des dizaines de scandales sanitaires, vrais ou faux (chaque aspirant-lanceur d’alerte voulant le sien bien à soi), étant passés sous les ponts, la dotation a fondu comme l’effet d’un médicament Servier après une analyse critique d’article.

C’est dommage, car les sujets proposés par les promoteurs des projets sont dans leur grande majorité pertinents. Mais la faiblesse du financement proposé ne permet le plus souvent que de mettre sur pied une étude qui ne répondra qu’imparfaitement à la question posée. Difficile, en effet, de faire une étude randomisée même mono-centrique avec 110.000€, parfois 200.000 ou 300.000 en cas de co-financement avec un autre organisme. La méthodologie des projets proposés est assez régulièrement une étude cas-témoins sur la base SNIIRAM. Difficile dans ce cas d’avoir un contrôle parfait des biais, et donc d’apporter une réponse au problème posé autre que « une étude randomisé serait nécessaire afin de confirmer les résultats… ».

Malgré tout, les projets primés donnent lieu à de nombreuses communications (204 sur 5 ans) et de nombreuses publications dans des revues à comité de lecture (100 sur 5 ans). Je remarque notamment un article dans le très prestigieux Circulation (F. Perros, et al. , Mitomycin-Induced Pulmonary Veno-Occlusive Disease: Evidence From Human Disease and Animal Models. Circulation 132, 834-847 (2015); DOI 10.1161/circulationaha.115.014207).

J’espère que le budget de l’ANSM permettra de poursuivre ces appels à  projets. J’espère aussi que leur dotation va cesser de diminuer. Il est quand même préjudiciable pour la sécurité sanitaire que le budget recherche qui lui est consacré diminue avec la honte du scandale qui l’a engendré.