J’ai acheté hier le dernier tome des aventures de Black et Mortimer, « Le testament de William S. » pour passer le temps dans le train.
Je ne suis pas un fan de BD, mais j’ai lu toutes les aventures de B&M quand j’étais ado. Depuis la mort de Edgar P Jacobs, je n’ai plus rien lu, plus par manque de temps que par idolâtrie de l’auteur.
Pour résumer, j’ai plutôt passé un agréable moment. Mais il faut impérativement déconnecter son analyseur et sa mémoire, sinon rapidement, tout un tas d’erreurs ou de défauts scénaristiques sautent aux yeux, comme si les auteurs avaient voulu sortir cet album dans la précipitation, sans le relire.
Je ne sais pas grand-chose d’EP Jacobs, hormis qu’il était d’un réalisme méticuleux, il a donc du se retourner plusieurs fois dans sa tombe en parcourant le travail de ses héritiers.
D’abord les anachronismes. L’action se passe fin août 1958, la date qui est importante dans l’histoire est bien précisée.
Un personnage fait des photocopies à la maison. Je me suis demandé si on pouvait déjà faire des photocopies à la maison en 1958. En fait non, le premier photocopieur « commercial » est sorti en 1959. il s’agissait du Xerox 914, et il pesait près de 300 kg. Nous sommes donc très loin de la mignonne petite photocopieuse du Marquis.
Au début de l’histoire apparaît le personnage de Peggy Newgold, milliardaire amatrice d’art contemporain vivant dans un palais à Venise. Cette femme est directement inspirée de Peggy Guggenheim dont on peut toujours admirer la fabuleuse collection à Venise.
Au début de l’album, elle porte une robe très caractéristique de Yves Saint Laurent, qui dénote par rapport aux robes de soirées bien fadasses des autres invitées. Cette création est directement liée au monde le l’art que les deux Peggy affectionnent tant, puisque inspirée par les œuvres de Piet Mondrian.
Le choix de cette robe est donc particulièrement bien vu. Le problème est qu’elle date de la collection 1965, 7 ans après cette fameuse soirée chez le Marquis.
Ce matin, en lisant un peu sur ce qui se disait sur cet album, je suis tombé sur un autre anachronisme:
Le problème est que Tower Bridge a été construit entre 1886 et 1894…
Après les anachronismes, l’entorse à bascule:
Le scénario présente des défauts et des incohérences.
Je suis un peu du même avis que d’autres commentateurs sur l’inutilité totale d’Olrik qui passe tout l’album à téléguider d’une cellule de prison un Sharkey toujours aussi stupide.
Ce qui m’a quand même le plus marqué est difficile à raconter sans vous dévoiler l’histoire.
Donc, si vous ne voulez pas en savoir plus, arrêtez-vous là!
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Durant tout l’album, le professeur et la pétillante Elizabeth cherchent avec frénésie (il y a un gros enjeu et un compte à rebours serré) une preuve de l’existence réelle de Shakespeare. Pour cela, ils doivent résoudre 3 énigmes. Finalement, ils échouent à obtenir cette preuve, non pas par faute de temps, mais car jugée non recevable. Le problème est qu’ils mettent la main sur cette fameuse preuve dès le début de la chasse au trésor, avec la première énigme:
Elizabeth le dit elle-même, la réponse est là.
Dommage donc que toutes ces erreurs et approximations gâchent la lecture d’un album qui est assez agréable par ailleurs. Le trait paraît maladroit parfois, mais quelques vignettes sont bien construites et surtout le rythme général de l’histoire est bien enlevé.
Pour finir, un petit easter egg.
Avez-vous trouvé le capitaine Haddock dans l’album?
(moi, je ne l’avais pas vu)
J’ai redécouvert la bédé depuis une petite année avec Etienne Davodeau, je te conseille cet auteur.
Emmanuel Guilbert aussi. J’ai bien aimé Gibrat aussi (un peu moins mais c’est très beau). Et Taniguchi et la montagne, forcément ça me plait. J’ai la chance d’avoir un érudit de bédés à ma bibliothèque municipale qui est à deux minutes en vélo, ça aide 🙂
Et le train pour aller de Londres à Venise,plus d’un siècle avant le tunnel sous la Manche, qu’en dites vous?
La traversée est une ellipse 😉