Le Grand Secret.

La note de l’excellent Jean-Daniel Flaysakier sur le deuxième avis m’a donné à réfléchir.

Jean-Daniel l’a écrit, je l’ai aussi écrit, mais ça va mieux en le re-disant, il important que tout patient puisse avoir accès à un deuxième avis, de lui même, ou par le biais de son médecin traitant, généraliste ou spécialiste.

Je propose assez spontanément à mes patients, dans les cas difficiles d’aller demander un deuxième avis ailleurs. Je propose des noms, et je ne m’offusque pas si le patient veut aller voir quelqu’un d’autre.

La seule vraie question est de savoir qui aller voir.

Première réponse pertinente, les copains qui font du bon boulot, dans le privé ou le public. Je dis toujours aux patients que la qualité d’un médecin est certes intrinsèque, mais aussi largement dépendante de ses contacts sur son iPhone. Posons l’hypothèse que je sois un bon cardio (uhmm). Je diagnostique une sténose iliaque, parfait. Mais si je l’adresse à un boucher, le patient sera mal pris en charge et in fine je n’aurai pas fait mieux que le pire des cardios de la ville qui n’aura peut-être pas fait le diagnostic: certes, le patient claudiquera toujours, mais il aura toujours ses deux jambes. En vrai, j’ai de la chance, je connais un chirurgien vasculaire fabuleux.

 Deuxième réponse, plus généralisable, et c’est là qu’est mon secret.

(suspens)

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(hihihi)

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(point trop n’en faut…)

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Allez voir, ou adressez votre patient à un Assistant des Hôpitaux au CHU.

Voilà, c’est tout.

Cet assistant est en général un jeune qui en veut, choisi par son patron, qui deviendra un praticien du privé, ou en CHG/CHU ou un agrégé (voyez comme je ménage bien la chèvre et le choux). Il ne pratique pas de dépassement d’honoraires, et le délai d’attente n’est en général pas professoral. Certains vont me dire qu’il est « encore » en formation, et que seul un grand professeur peut gérer tel ou tel cas. Certes, mais devinez vers qui va se tourner votre Assistant si le cas le nécessite (et si il n’est pas trop con, car il y en a quand même, parmi les assistants…)? Vers le Professeur et le reste de l’équipe!

Autre chose très importante à comprendre, mais ça, les start-ups qui veulent tondre les patients ne le disent pas: un patient grave/délicat doit être pris en charge par une équipe, non pas par un expert isolé. La Médecine de maintenant est pour une immense part un travail d’équipe multidisciplinaire. Fini le temps du médecin démiurge qui par sa seule compétence soignait le patient grave monothéiste.

Vive le polythéisme! 

Les conférences gesticulées

Merci à Dominique Dupagne de m’avoir découvrir les conférences gesticulées:

http://www.youtube.com/watch?v=96-8F7CZ_AU

L’überisation de la santé

J’ai écouté avec intérêt l’intervention de Dominique sur l’überisation de la médecine ».

Dommage que la journaliste n’ait à mon avis pas compris tous les enjeux de cette (r)évolution, et puis, c’était un peu trop court…

J’ai beaucoup aimé ce qu’a dit Dominique. La révolution Über repose en effet bien plus sur l’autorégulation  du système par les évaluations réciproques classantes  du fournisseur de services et du consommateur, que la plateforme qui est pourtant ce qui impressionne le plus au premier abord.

Par contre, je ne suis pas certain que l’überisation de la médecine soit si éloignée que cela. Certes, le savoir à acquérir pour soigner ne met pas la pratique de la Médecine à la portée du premier venu, comme de conduire un passager dans Paris, et la sécu rend la  consultation relativement peu onéreuse en France, mais je sens que ces freins ne sont pas loin de lâcher.

Primo, il y a quand même  beaucoup de médecins pouvant en théorie exercer la MaDaM (Médecine à Distance avec Médecins) sur des patients présentés complaisamment comme avides de services médicaux. L’argument des connaissances  comme barrière protectrice de la Médecine « classique » me semble donc dépassé. Le futur combat de l’überisation de la médecine ne va pas opposer professionnels et particuliers, comme pour les taxis, mais les professionnels entre eux. En plus de mon travail salarié et mes consultations, j’aimerais bien faire de la démarche expertale (j’adore absolument cette expression magnifique du Pr Druais) à 100, 120 ou 150 euros le dossier le dimanche en écoutant du Bach devant mon Mac. J’ai tous les diplômes qu’il faut, là où il faut. Certes, je ne suis pas agrégé, mais je pense que d’ici peu, cela n’aura plus beaucoup d’importance.

Secundo, le prix du « service », nécessairement plus élevé qu’une consultation médicale, par la grâce de notre sécu+/- mutuelles ne me paraît pas non plus être un frein. La santé n’a pas de prix pour les patients en quête de réponses, surtout si on les manipule un peu avant de présenter l’addition. Tout le monde sait que rien ne délie mieux la bourse d’un patient que la peur, surtout si elle est habilement distillée.

J’étais assez dubitatif, comme Dominique, sur l’überisation rapide de la  Médecine, peut-être car, comme lui, j’ai une haute opinion de mon métier (pas de moi, je le précise bien).

Puis j’ai découvert deuxiemeavis.fr dont j’ai déjà pas mal parlé, et depuis ce midi activdoctor.fr.

D’un point de vue purement mercantile, le seul qui compte finalement dans cette histoire, activdoctor écrase deuxiemeavis par la diversité des services proposés, leur coût (bien que le coût d’un deuxième avis ne soit pas annoncé), son antériorité, son implantation mondiale, son nombre d’abonnés et de médecins experts, et sa solide expérience en médecine vétérinaire.

Mais ce que j’aime le plus, dans activdoctor, c’est que les choses sont claires et que son créateur n’habille pas le but commercial de son entreprise avec des buts nobles et généreux. C’est un entrepreneur, et une horloge franc-comtoise en or au poignet, il l’assume pleinement. J’aime assez, tant je déteste l’hypocrisie.

Certes, le site utilise aussi pour ses témoignages enchantés d’usagers des photos fantaisistes, mais bon, a priori, dans ce milieu, le témoignage d’un patient n’a pas lieu d’être forcément réel. Comme pour deuxiemeavis, le comité scientifique de activdoctor comporte des agrégés français apportant leur caution, maintenant que la correction informatique du e-ECN doit leur laisser pas mal de temps libre. Néanmoins, malgré la défection de 3 de ses membres, deuxiemeavis tient encore la corde en terme de « quantité de caution » (ma caution est plus grosse que la tienne…).

J’entrevois d’ailleurs aussi une autre révolution. Si on imagine que les patients notent la prestation des médecins de ces plateformes, on peut imaginer que l’agrégation, et peut-être même à terme les diplômes ne perdent leur aura puis leur valeur. Irez-vous plus volontiers télé-consulter un agrégé de cardio noté 3,34/5 ou un simple cardio noté 4,46/5? Et imaginons un généraliste féru de cardio à 4,80/5? Soyons fous, imaginons enfin un quidam, admirateur forcené de l’organe noble par excellence, noté 4,95/5 en moyenne par 3476 patients?

Ce genre de sites va se multiplier, sous l’effet de l’avidité sans borne des gens, en France et surtout à l’étranger avec une cible française, et/ou avec d’intelligentes circonvolutions sémantiques (démarche expertale au lieu d’avis médical…) afin d’échapper au jugement du Conseil de l’ordre. Celui-ci, bien que parfaitement conscient du danger, me paraît bien frêle pour résister longtemps à la déferlante (courage Jacques!)

Comme Dominique, je ne pense pas être corporatiste, je ne me sens pas en danger (à tort?), mais je suis assez inquiet pour l’avenir de la Médecine, et in fine des patients.