Innovation et progrès thérapeutique

Je viens de tomber sur cette page du LEEM qui fait le bilan des progrès thérapeutiques 2012.

Le LEEM se félicite car « l’innovation thérapeutique ne faiblit pas« , et de l’avènement de nouvelles stratégies de recherche (la médecine stratifiée). La conférence de presse a notamment  pointé le nombre en hausse de nouvelles molécules (43 en 2012 en Europe) et la qualité des innovations thérapeutiques dont la technologie croit avec les années (thérapies ciblées et médicaments biologiques).

L’exemple de la mucoviscidose est notamment mis en exergue avec la mise sur le marché du premier médicament ciblé contre cette pathologie.

Hervé Gisserot, le président du LEEM appelle de ses vœux la constitution « d’un écosystème fertile de l’innovation« , condition « du maintien en France d’une filière santé performante et d’un accès rapide des patients au progrès thérapeutique« .

Le dossier de presse comporte la liste de ces 43 médicaments innovants.

Je me suis donc amusé à regarder les évaluations de la HAS, les fameuses SMR (Service Médical Rendu) et ASMR (Amélioration du Service Médical Rendu) de ces fabuleuses innovations thérapeutiques, afin de voir si elles représentent un progrès pour nos patients.

J’ai donc colligé les données de 45 innovations thérapeutiques dans ce fichier Excel. Quarante-cinq, car j’ai séparé en deux indications distinctes deux produits, le zinforo® et le Nimenrix®.

Deux produits sont en fait des procédures diagnostiques qui ne sont pas à proprement parler des innovations thérapeutiques évaluées par la HAS (Cuprimina® et Amyvid®). Je les ai exclues de l’analyse.

Restent donc 43 innovations thérapeutiques.

Parmi elles, deux n’ont pas obtenu un SMR suffisant pour être remboursées par la collectivité, elles n’ont donc pas eu d’ASMR. Il s’agit du Zinforo® (indication: pneumonies) et de Bretaris Genuair®.

Je n’ai pas retrouvé d’évaluation de la HAS pour 19 produits.

22 innovations thérapeutiques ont donc bénéficié d’une évaluation de leur SMR et ASMR par la HAS:

innovation 2012 ASMRComme vous pouvez le constater, 20 innovations sur 22 ont été jugées modérées (ASMR III) à inexistantes (ASMR V).

Si je rajoute les deux traitements qui n’ont même pas eu un SMR suffisant pour être remboursés, le bilan paraît bien médiocre, voire faible en terme de progrès thérapeutique pour le patient.

Je note néanmoins deux (réels) motifs de satisfaction: les deux produits ayant une ASMR I (amélioration majeure) ou II amélioration importante), respectivement le Nimenrix® (entre 12 et 24 mois) et le Kalydeco®.

La moyenne de l’ASMR des innovations thérapeutiques dont l’évaluation est disponible est de 3.95, c’est à dire bien proche de IV (ASMR mineure).

Si on regarde le SMR, on obtient cette répartition:

innovation 2012 SMRCe paramètre prend en compte la gravité de la maladie et les données propres du médicament. Il rend donc moins compte (à mon avis) du progrès thérapeutique apporté par un produit que l’ASMR.

innovationplotAinsi, le Zaltrap®, indiqué dans le cancer colo-rectal métastatique résistant a un SMR « important » mais une ASMR V (« inexistante »). Si un SMR modéré ou faible est prédictif d’une ASMR V, un SMR majeur ou important ne paraît pas permettre de prévoir une ASMR (cf. graphique supra). 

La dernière idée à la mode, celle de vouloir faire figurer le SMR sur les boites de médicaments me paraît donc bien peu pertinente. Ce n’est pas la sévérité de sa maladie que le patient pourrait vouloir lire sur son traitement, mais son efficacité.

Cette année encore, l’industrie pharmaceutique confond innovation et progrès thérapeutique pour le patient. Par ailleurs, un mécanisme d’action chatoyant ne rend pas forcément un traitement bénéfique.

Quelqu’un peut leur ré-expliquer la différence?