CYP2C19*2

Dans le JAMA du jour se trouve une étude passionnante de pharmacogénétique sur la résistance au clopidogrel.

Des auteurs du Maryland ont étudié le génome et différents paramètres cliniques ou biologiques d’Amishs en bonne santé. L’intérêt de de cette population est qu’elle est très homogène, avec une consanguinité relativement importante, (ça c’est moyen pour eux) et que les unions et naissances sont consciencieusement notées sur les registres de l’Église depuis des centaines d’années. On sait donc parfaitement qui est issu de qui et qui est lié avec qui.

Ils ont fait prendre à 429 pauvres Amishs qui ne demandaient rien du clopidogrel et de l’aspirine puis ont étudié leur agrégabilité plaquettaire ex vivo.

Enfin, ils ont recoupé toutes ces informations, génotype/paramètres cliniques et biologiques/résultat des tests d’agrégabilité.

Un variant du gène codant pour le cytochrome P450 CYP2C19, le CYP2C19*2 a ainsi été identifié comme étant fortement lié avec une résistance au clopidogrel.

Cette résistance est par ailleurs fortement dépendante de ce gène, un individu homozygote sera fortement résistant, et un individu hétérozygote le sera moyennement par apport à un individu n’ayant pas ce variant.

Il ne restait plus aux auteurs qu’à tester la relation entre ce variant, l’agrégabilité plaquettaire et les évènements cliniques dans une population indépendante, plus large, en tout cas moins homogène que celle des Amishs.

Ceci a été fait chez 227 patients du Sinai Hospital de Baltimore devant bénéficier d’une coronarographie, traités par clopidogrel et aspirine et qui ont été suivis durant 1 an.

Les résultats sont frappants.

20.9% des patients porteurs du CYP2C19*2 et traités par clopidogrel font un évènement cardiovasculaire ou meurent sur une durée de 1 an contre 10.0% pour ceux qui n’ont pas ce variant (rapport de hasards à 2.42; intervalle de confiance à 95%  1.18-4.99;P=.02)

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L’association de l’aspirine ne change rien à cette sur-morbidité.

Chez les patients non traités par clopidogrel, le CYP2C19*2 ne s’accompagne d’aucune hyperagrégabilité, ni d’une majoration du nombre d’évènements cardiovasculaires. La perte de chance ne se fait que par le biais d’une résistance à un traitement, ce qui est en soit même assez fascinant.

Les auteurs ont fait deux remarques ancillaires intéressantes

La première est que les IPP, notamment l’omeprazole, l’esomeprazole, mais aussi la fluoxétine et la cimétidine sont justement de puissants inhibiteurs du cytochrome P450 CYP2C19. Souvenez vous du problème toujours pas résolu concernant IPP et clopidogrel.

Seconde remarque, si l’on ajoute l’effet de divers paramètres cliniques et biologiques dont je n’ai pas parlé et de ce fameux CYP2C19*2, les auteurs estiment que l’ont ne peut expliquer que 22% de toutes les résistances au clopidogrel. Il reste donc encore du pain sur la planche…

Pour l’instant, le clinicien ne peut pas exploiter cette étude, autrement que sur un plan intellectuel, mais c’est un argument de plus qui montre que la pharmacogénétique n’en est qu’à ses balbutiements, et que l’adaptation d’un traitement en fonction du génome du patient est amenée à se développer.

 

« It’s a magical world, Hobbes, ol’ buddy… Let’s go exploring! »


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En texte gratuit:

Shuldiner AR, et al. Association of Cytochrome P450 2C19 Genotype With the Antiplatelet Effect and Clinical Efficacy of Clopidogrel Therapy. JAMA. 2009;302(8):849-857.

L’éditorial, malheureusement pas gratuit:

Bhatt. Tailoring Antiplatelet Therapy Based on Pharmacogenomics: How Well Do the Data Fit? JAMA.2009; 302: 896-897.

Ce qu’en dit le toujours excellent Theheart.org:

Lisa Nainggolan. First genomewide data on gene variant affecting clopidogrel response. theheart.org. [Clinical Conditions > Acute Coronary Syndromes > Acute coronary syndromes]; Aug 25, 2009. Accessed at http://www.theheart.org/article/994457.do on Aug 26, 2009


IPP et clopidogrel (3)

Le site theheart.org propose encore une excellente synthèse sur la possible interaction entre les IPP et le clopidogrel dont j’avais déjà parlé ici.

L’article part d’un communiqué de l’EMEA daté du 29 mai 2009, et donne la parole à plusieurs experts sur la question.

Bon, les experts, sont globalement peu favorables à ce communiqué, il n’y a donc pas réellement de débat, mais l’article est intéressant sur plusieurs points:

  • il souligne les points forts et les points faibles des études rétrospectives.
  • il montre qu’une étude est bâtie autour d’une question précise, car malgré la multitudes de travaux sur le clopidogrel, aucune ne permet de répondre à cette question, pourtant apparemment simple.
  • il montre comment « tourner » autour d’un sujet en s’appuyant sur des études (quitte à leur faire dire tout et son contraire!).
  • il propose un panorama assez complet du problème actuel, notamment grâce aux liens qu’il propose

Par contre, je ne pas beaucoup plus avancé après la lecture de cet article qu’avant…

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Sue Hughes. EMEA issues warning on possible clopidogrel-PPI interaction, but is there really a problem? . theheart.org. [Clinical Conditions > Acute Coronary Syndromes > Acute coronary syndromes]; Jun 19, 2009. Accessed at http://www.theheart.org/article/980779.do on Jun 22, 2009


IPP et clopidogrel (2)

Bien embêtant, cette histoire…

Je me répète, mais je ne vois pas d’autre commentaire synthétique à rajouter après la révélation des résultats de l’étude Clopidogrel Medco Outcomes au congrès de la SCAI à Las-Vegas.

Les auteurs ont extrait des bases de données de l’assureur Medco 16690 patients ayant pris durant 12 mois du clopidogrel après l’implantation d’un stent. Parmi cette population, 6828 patients (41%) ont pris des IPP durant cette période (pour une durée moyenne de traitement de 9 mois).

Les résultats montrent que le groupe traité par IPP a présenté sur cette période  25.1% d’événements cardio-vasculaires majeurs, contre 17.9% dans le groupe n’en prenant pas (hazard ratio 1.51 [95% CI 1.39-1.64]; p<0.0001).

Soit un sur-risque relatif moyen de 51%.

Cela fait donc une grande étude rétrospective de plus qui vient souligner l’éventuelle interaction entre les IPP et le clopidogrel.

Mais cette fois, contrairement à l’étude ontarienne, l’ensemble des IPP sont des facteurs de risque, le pantoprazole compris.

On parle maintenant d’un « effet-classe » de l’ensemble des IPP. Et on se met à espèrer que le pourtant pas extraordinaire prasugrel puisse nous sortir de ce mauvais pas.

La SCAI s’est donc fendue d’un communiqué que je vous livre en VO:

« SCAI believes more research is needed on this topic. However, given the thousands of patients who receive stents each year, coupled with the significant risks demonstrated in this study, SCAI recommends the use of alternative medications for GI symptoms in patients with stents when appropriate.  Other effective treatments for heartburn and ulcers include histaminergic (H2) blockers (Zantac [ranitidine, Boehringer Ingelheim], Tagamet [cimetidine, GlaxoSmithKline]) or antacids.  In some patients the use of PPIs may still be warranted, based on the patient’s medical problems, and should be taken at the direction of the patient’s cardiologist, gastroenterologist, or primary physician. »

Le CHU fait  actuellement sortir ses patients sous clopidogrel et pantoprazole, mais peut-être qu’il va falloir se remettre à prescrire de la ranitidine en attendant d’avoir plus de données pour juger. On attend notamment tous une étude randomisée qui effacerait tous les facteurs confondants inhérents à ces études rétrospectives, mais dont les résultats ne seront de toute façon pas disponibles avant 12-18 mois au mieux.

Donc pour l’instant, on navigue à vue…

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Comme très souvent, deux excellents articles de synthèse dans theheart.org:

 

Shelley Wood. Possible « class effect » for proton-pump inhibitors on top of clopidogrel therapy. theheart.org. [Clinical Conditions > Interventional/Surgery > Interventional/Surgery]; May 6, 2009. Accessed at http://www.theheart.org/article/967075.do on May 15, 2009.

Dr Catherine Desmoulins. Tous les IPP pourraient réduire l’efficacité du clopidogrel. theheart.org. [International Editions > Édition française > Sections > Actualités > Maladie coronaire/Interventionnel];14 mai 2009. Consulté à http://www.theheart.org/article/970035.do le 15 mai 2009.

 

IPP et clopidogrel

Bien embêtant, cette histoire…

Les IPP (Inhibiteurs de la Pompe à Protons) en association avec le clopidogrel semblent augmenter les risques de décès et de récidive de syndrome coronarien chez les patients ayant présenté un syndrome coronarien aigu, par inhibition partielle de l’effet du clopidogrel.

Stéphane avait déjà parlé des résultats troublants d’une étude ontarienne publiée dans le CMAJ et évoqué le possible mécanisme sous-jacent, l’inhibition du CYP450 2C19 par certains IPP.

Hier, une étude publiée dans le JAMA, rétrospective vient, elle aussi, enfoncer un peu plus le clou.

Le « sur-risque » du critère combiné décès+réhospitalisation pour syndrome coronarien aigu n’est pas négligeable, puisqu’il est de 25% (OR à 1.25, avec un intervalle de confiance compris entre 1.11 et 1.41). Les IPP prescrits étaient les suivants: omeprazole dans 59.7%, rabeprazole 2.9%, lanzoprazole 0.4%, pantoprazole 0.2% et plus de 1 IPP dans 36.7%.

C’est très embêtant, car tous les patients sous clopidogrel que je croise (les miens et ceux des autres) sont sous IPP. Et ça en fait du monde…

D’autant plus que les dernières recommandations ACCF/ACG/AHA d’octobre 2008 précisent qu’une double anti-agrégation est un facteur de risque qui doit encourager la prescription d’IPP.

Pour l’instant, la SCAI (Society for Cardiovascular Angiography and Interventions ) a dit qu’il ne fallait pas bouger.

Cette situation est donc un exemple typique de « perfect storm » en médecine: un problème qui touche une très large population, un doute qui repose sur des arguments scientifiques pas encore bien fermes, mais quand même un peu (2 études rétrospectives+1 mécanisme physiopathologique), et un risque connu et reconnu en cas d’arrêt du traitement qui pose problème.

Le temps que l’on obtienne des résultats avec un niveau de preuve suffisant pour nous éclairer risque de sembler bien long à tout le monde…

Que faire en pratique, donc?

Aucune idée.

Peut-être une piste: le pantoprazole n’inhibe pas le CYP450 2C19 et ne semble pas associé à un sur-risque dans l’étude canadienne. Mais c’est quand même ténu comme argument pour mettre tout le monde sous pantoprazole.

Bien embêtant, cette histoire…

 


 

 

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P. Michael Ho; Thomas M. Maddox; Li Wang; Stephan D. Fihn; Robert L. Jesse; Eric D. Peterson; John S. Rumsfeld. Risk of Adverse Outcomes Associated With Concomitant Use of Clopidogrel and Proton Pump Inhibitors Following Acute Coronary Syndrome. JAMA 2009;301(9):937-944.

 

 


 

Michael O’Riordan. More data support adverse clopidogrel and proton-pump inhibitor interaction. theheart.org. [Clinical Conditions > Acute Coronary Syndrome > Acute coronary syndromes]; Mar 3, 2009. Accessed at http://www.theheart.org/article/945569.do on Mar 5, 2009


 

 

Bhatt DL, Scheiman J, Abraham NS, Antman EM, Chan FK, Furberg CD, Johnson DA, Mahaffey KW, Quigley EM; American College of Cardiology Foundation Task Force on Clinical Expert Consensus Documents. ACCF/ACG/AHA 2008 expert consensus document on reducing the gastrointestinal risks of antiplatelet therapy and NSAID use: a report of the American College of Cardiology Foundation Task Force on Clinical Expert Consensus Documents. Circulation. 2008 Oct 28;118(18):1894-909.

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