Courir

Depuis un an, je cours, et ça a changé ma vie. Faire du vélo régulièrement, en semaine pour aller travailler et le reste du temps en loisir m’avait déjà bien changé physiquement et mentalement, mais la course, c’est encore au-delà.

Je me suis mis à la course grâce à @sophrunrun et j’ai arrêté le vélo car à la suite du premier confinement, les voitures ont de nouveau pris le pouvoir dans Marseille et j’ai eu peur à 2-3 reprises. Avant, j’avoue, je regardais un peu les coureur du haut de mon vélo, un peu comme les chevaliers regardaient la piétaille. Pourquoi se trainer à pied alors qu’on peut glisser sur l’asphalte?

La course, c’est en effet plus difficile, plus rigoureux, plus long pour y arriver, enfin, y arriver, c’est un grand mot… Mais les bénéfices sont immenses.

Plus difficile, car on peut se faire mal quand on commence. Alors, qu’en vélo, à mon petit niveau, j’entends, le danger ne vient que de l’extérieur, en course, il vient de soi. On a tendance à commencer trop vite, trop souvent, pour essayer de progresser plus vite. Mais on risque de ne récolter que frustration et surtout blessures. J’ai eu la chance d’avoir un excellent professeur et aussi un mentor, @edouriez. J’ai aussi beaucoup apprécié la lecture de Running Addict. Il faut partir doucement et avoir du bon matériel, surtout les chaussures, mais aussi le reste, car le diable est dans les détails, et rien de plus terrible que de courir avec un truc qui va pas. Le détail qui m’a le plus pourri la vie? Les douleurs dues au frottement du maillot sur les tétons. Au bout de 15 km, elles deviennent intolérables.

Plus rigoureux, car il faut calibrer sa course en fonction de sa réponse cardiaque, pour ne pas aller trop vite. Deux solutions. La première, s’acheter un cardiofréquencemètre ou un capteur de puissance (je conseille l’excellent site Nakan pour les coureurs technophiles), déterminer sa fréquence maximale, sa Vitesse Maximale Aérobie ou sa Puissance Critique (je ne rentre pas dans les détails, d’autres le font bien mieux que moi), et calibrer l’intensité de sa course dessus, ni trop lentement, ni trop vite. Le but est de courir en endurance fondamentale 80% du temps. Le reste, on peut s’amuser à faire du fractionné pour améliorer sa résistance à l’anaérobie et augmenter sa vitesse. Là aussi, je ne rentre pas dans les détails, il existe des centaines de protocoles d’entraînements fractionnés. La seconde solution pour ceux qui ne veulent/ne peuvent pas acheter un cardiofréquencemètre, est simplement de courir assez rapidement, tout en tenant une conversation. Évidemment, quand on est seul, c’est plus compliqué.

Plus long, c’est certain. Les progrès sont longs, incertains, fragiles. Pas au début. Au début, on progresse vite, puis c’est une longue traversée du désert de la stagnation, puis, ça reprend, pas vite, mais ça reprend. Je voulais courir les 10 km en moins de 1h. C’était mon objectif. J’ai fait du fractionné pour y arriver, je me suis focalisé dessus, j’ai diminué mon poids, et j’ai échoué 3-4 fois. Je me suis découragé, je n’ai plus couru que pour mon plaisir, et un jour, comme ça, je ne sais même pas comment, j’y suis arrivé, sans trop forcer, finalement. Je ne sais pas si je pourrais le refaire, mais j’y suis arrivé. Mon prochain objectif, le Marseille-Cassis, si il a lieu. Je me prépare un peu pour l’instant, mais avec le temps, je serai de plus en plus méthodique.

Les bénéfices? Hormis que j’ai parfois un peu mal de partout, comme un petit vieux, que du positif. Physiquement, je suis devenu endurant, j’ai perdu mon surpoids, et à 48 ans, je n’ai jamais été aussi bien physiquement. Mentalement, la course me permet de relativiser beaucoup de choses, de prendre du recul, de gagner en endurance mentale en somme. La course entraîne une souffrance au moins minime pendant, mais à la fin, surtout quand on a atteint un objectif, quelle délivrance, quel plaisir de prendre un bain chaud aux endorphines! Mes relations avec les patients ont totalement changé. Depuis des années, je conseillais aux patients de manger plus sainement, de faire de l’exercice, finalement sans savoir vraiment de quoi je parlais. Des connaissances théoriques, certes, mais aucune pratique. J’essaye maintenant de conseiller ceux qui veulent débuter, et j’arrive à comprendre parfaitement et à échanger avec ceux qui courent parfois depuis des années. J’ai l’impression d’être un bien meilleur médecin depuis que je cours.

Enfin pour terminer, je vous suggère un livre qui m’a beaucoup inspiré, « Autoportrait de l’auteur en coureur de fond » de l’immense Murakami, qui raconte sa découverte de la course, ce que ça a changé dans sa vie et les entrelacs tissés avec sa carrière de romancier.

J’adore ce cliché de lui pris juste après son Marathon, à… Marathon:

La constance du jardinier

Je ne viens presque plus jamais ici, et WordPress a pas mal changé de choses, je ne m’y retrouve pas trop.

J’avais écrit un mot sur ma découverte du vélo en janvier dernier…

Je me suis dit ce matin dans la voiture que j’allais écrire une note, plus longue qu’un Tweet sur la découverte de la course. Je cours depuis juillet, et j’ai presque arrêté de faire du vélo. En fait, c’est difficile de faire les deux, par manque de temps, et la période bénie du confinement (pour les cyclistes) étant finie, les voitures ont de nouveau envahi l’espace urbain avec encore plus de rage qu’avant, ce que je pensais ne pas être possible.

La course demande moins de logistique, un budget moindre, et une durée moindre pour se dépenser. Pour l’instant, je n’ai pas à me plaindre de blessure. Le début à été difficile, comme pour tout le monde, mais maintenant je cours à l’aise jusqu’à 10 km par séance. Je me suis même inscrit à une gentille compétition début octobre, qui a toute les chances d’être annulée du fait de la crise sanitaire, mais c’est le geste qui a compté pour moi.

Je fais un aparté, mais c’est quand même très sympa de taper ce qui me passe par la tête sans avoir à me demander combien de caractères il me reste…

Je cours donc régulièrement, sans blessure. Je prends beaucoup de plaisir à constater mes progrès, et me voir faire des choses dont je ne me croyais pas capable. À 48 ans, je ne me suis jamais aussi senti bien physiquement.

Par contre, je ne ferai jamais de la performance un but en soi car je n’aime pas souffrir, et on touche rapidement la souffrance en course (comme en vélo d’ailleurs), et si j’aime bien les endorphines, je n’en fait pas des trips.

Je cours en suivant un plan d’entraînement, en visant le 5 km, puis après le 10 km. Un de mes buts est de faire cette dernière distance en moins de 1h.

Le plus difficile, au début est de vouloir aller trop vite. Une montre qui mesure l’allure et la fréquence cardiaque me paraît indispensable. J’ai fait le geek en m’achetant une ceinture capteur de fréquence cardiaque et un capteur de puissance/foulée qui se porte au pied. Je me suis calibré, puis bien amusé avec des tas de courbes et d’algorithmes, mais maintenant, j’aurais presque envie de courir « tout nu », à la sensation.

Je n’aime pas souffrir, mais j’aime bien le caractère méthodique, minutieux, et patient d’un plan d’entraînement, la fameuse Constance du Jardiner, une référence à un bouquin de John le Carré.

J’aime bien le soulagement que la course apporte au stress, en courant, on se recentre sur soi, on oublie le reste et surtout les autres.

J’aime bien les petits rituels de préparation, trois boucles de lacets par chaussure, la mise en place des capteurs (avant de pouvoir m’en passer définitivement), la casquette qui va bien… Ces petits rituels permettent de construire, si ils restent en dessous du TOC, qui lui détruit.

Je ne me regarde jamais, mais je suis agréablement surpris de voir le gras disparaître au profit de muscles bien dessinés. J’ai l’impression de remonter le temps.

J’aime bien enfin la dictature du bip signant le début d’une phase de 30 secondes de course rapide à la fin d’une longue série de répétitions. Cela endurci le corps et l’esprit, par petites touches.

Quarantaine

J’ai de la chance, je fais un métier que j’aime, qui me permet de vivre, et qui n’est pour l’instant pas menacé par la crise liée au Covid-19.

Il me permet aussi de mieux accepter le confinement. Deux à trois fois par semaine, je vais au travail en vélo, 11 km aller et retour. Je n’ai pas envie de faire plus pour que la routine ne tue pas le plaisir, et aussi car physiquement, je sens mes limites à partir de 3 jours de rang de #velotaf.

Les rues de Marseille sont vides ou presque, quoique, jour après jour, le trafic reprend. Tout semble s’être arrêté, comme dans un film ou un jeu post-apocalyptique.

Des affiches qui vantent des spectacles ou des expos depuis longtemps passées, voire même qui n’ont jamais eu lieu blanchissent au soleil, et commencent à se décoller. Certains commerçants sont restés bloqués à la St Valentin.

On trouve même dans ce nouveau monde des gourous qui ne manquent pas de s’épanouir sur le terreau de la terreur des gens, et qui peuplent habituellement les dystopies.

Traverser la ville en vélo permet de voir tout cela, de ressentir cette atmosphère si particulière. Tout n’est pas triste ou mélancolique. Au lieu de l’habituelle odeur de gaz d’échappement rue aviateur Lebrix, flotte la douce odeur d’une haie de Pittosporum tobira. Faire du vélo est bien moins dangereux qu’avant, si l’on excepte les excités du levier de vitesses qui se croient dans GTA5 dans les rues vides.

J’aime explorer mon trajet, j’aime optimiser les trajectoires pour éviter les tranchées et les nids de poule, j’aime glisser sur l’asphalte silencieusement. J’aime particulièrement pouvoir éprouver le paradoxe de filer comme le vent alors que mes jambes moulinent lentement sur le plus petit pignon. Un peu comme le mouvement lent des pattes des girafes alors que leur vitesse est stupéfiante. J’aime aussi la préparation minutieuse qui précède mon trajet. Je lève le nez, debout sur mon balcon pour interroger le ciel, estimer le vent. Je ne me sens pas de braver la bourrasque ou la pluie. Puis j’estime la température, combien de couches de vêtements « en haut » aujourd’hui? Mon record était quatre en plein hiver, là j’en suis à deux, et j’envisage une quand je rentre dans l’après-midi.

Tous ces petits plaisirs ou ces points de focalisation ne me font pas oublier la vie d’avant. Les expos, les restaurants, les librairies, la possibilité folle de pouvoir aller n’importe où sans avoir à remplir de dérogation.

Précision et chronométrie

Quand on s’intéresse aux montres, on s’intéresse un jour ou l’autre à leur précision.

Plus précisément ( 😉 )à leur fidélité (Precision)  et leur exactitude (Accuracy), j’ai commencé à en parler ici.

Mon objectif initial était d’obtenir un graphique similaire à celui-ci, trouvé sur cette page de Wikipédia:

 

 

J’ai commencé par télécharger une application, WatchTracker pour iOS qui mesure la fidélité et l’exactitude d’une montre entre 2 intervalles de temps, avec une horloge atomique comme référentiel. L’avantage est de mesurer ces paramètres dans la vie réelle, et non dans des positions fixes, si on utilise un chronocomparateur. L’inconvénient est que l’exactitude de la mesure est dépendante du délai entre 2 mesures et de la précision avec laquelle on tapote sur l’écran pour déclencher la mesure quand l’aiguille des secondes atteint exactement un index donné (par exemple 8h45min00s, 9h15min15s…).

La mesure la plus utilisée de l’exactitude d’une montre mécanique est le nombre observé de secondes par 24h en plus ou en moins par rapport à une heure de référence.

Mettons que je tapote avec 0.1s de retard par rapport à l’horloge atomique, l’erreur liée à la mesure (et non à la montre) sera de 0.3s par jour pour un intervalle de 8h (3*8h=24, 3*0.1=0.3), de 0.2s par jour pour un intervalle de 12h (2*12h=24, 2*0.1=0.2) et donc de 0.1s par jour pour un intervalle de 24h.

Je suis néanmoins parti du principe de mesurer ma montre toutes les 12 heures, ce qui m’a permis de comparer la nuit et le jour et les jours de sortie en vélo/jours non sportifs (mais j’y reviendrai). La rapidité d’appui, et surtout le moment exact est difficile à standardiser et à optimiser. Le créateur de WatchTracker estime l’erreur systématique de mesure à 0.25 s. Après quelques tests successifs, mes mesures varient au maximum entre 0.3-0.4 s par rapport à un temps de référence pour un intervalle entre deux mesures de 12h.

J’ai utilisé ma SLA033 achetée en juillet dernier dans l’excellente boutique Seiko de Aix-en-Provence dont l’équipe et le responsable sont passionnés et sympas (je n’ai pas d’actions chez eux). Son mouvement est un 8L35, mécanique, automatique, qui est le haut de gamme actuel de la gamme Seiko.

Je voulais prendre 100 mesures, mais j’ai craqué à 76. Un des grands intérêts de WatchTracker est de pouvoir exporter les données sous format CSV, et donc de pouvoir les retravailler sur Excel et faire un peu de représentation de données statistiques.

Seiko, qui reste toujours très modeste dans ses spécifications annonce une exactitude de -10 s/24h à +15 s/24h. C’est très loin des helvètes avec des tolérances de -2 à +2s/24h pour leurs meilleurs mouvements mécaniques (Rolex pour ne pas les citer). Le responsable de la boutique Seiko à Aix m’a plutôt annoncé de 0 à +3s/24h observés chez ses clients.

Pour ma part, j’observe +0.7 s/24h en moyenne sur 37 jours. C’est évidemment excellent, même en se souvenant que l’incertitude de mesure est à 0.3-0.4 s/24h. Le 8L35 rentre donc très largement dans les critères de tolérance helvètes les plus stricts. Pour prendre une mesure de la précision de ce mouvement qui est 100% mécanique, si on ramène une déviation de 0.7s par 24 h en pourcentage, on obtient une erreur de 8,1E-6 %…

Pour donner un autre ordre de grandeur, les mouvements à quartz hauts de gamme de Seiko (le 9F85 par exemple) sont à +/-5s par an, et le mouvement  0100 de Citizen est à +/-1s par an.

Pour revenir aux helvètes, notamment Rolex dont les marges de tolérances sont à -2/+2 s par 24h, la Daytona que l’excellent Jack Forster de Hodinkee a eu la chance de porter durant 1 semaine n’a pris qu’une seconde sur cette durée…

Maintenant, place à quelques graphiques.

D’abord les Rates, l’exactitude mesurée toutes les 12 heures (clic sur le graph pour l’agrandir):

 Les variations représentent ma vie quotidienne, notamment l’alternance jours/nuits et jours de vélo/jours sans vélo. J’ai commencé mes mesures en dormant avec ma montre, j’ai donc gardé cette habitude tout au long de ce mois et demi de mesures. Si on la pose sur la table de nuit, les mesures observées seront différentes (position fixe et température ambiante et non celle de la peau).

L’exactitude moyenne de ma montre est donc de 0.7s/jour. Mais quelle est sa fidélité? 

Sa fidélité est en fait ni plus ni moins que la dispersion des mesures que j’ai effectuées.

Sans surprise, mes mesures suivent une loi normale:

95% de mes 76 mesures sont comprises entre -0.5 et +1.9 s par jour, soit 2 écarts-types autour d’une moyenne de 0.7 s par jour. J’ai représenté en rouge la ligne désignant une fidélité parfaite de 0s par jour:

Encore une fois, on peut constater que le 8L35 fait le boulot avec une exactitude et une fidélité tout à fait satisfaisantes pour une montre mécanique. Comme je ne sais pas faire de density plot sur Excel et que je ne suis pas super à l’aise sur R, j’ai utilisé un histogramme. Mis à part cela, j’ai non sans plaisir recréé le graphique de Wikipédia.

On peut aussi représenter ces mesures selon un graphique joliment appelé boite à moustache (Box-plot en anglais). On retrouve notre moyenne à 0.662 (j’ai arrondi à 0.7), une médiane à 0.609… Je ne rentre pas plus dans les détails.

L’intérêt de la boite à moustache est de pouvoir comparer deux populations, ici deux types de mesures, par exemple de jour (Day) et de nuit (Night):

Je n’ai pas fait de test statistique (je ne suis pas fan de data dredging…). Mais on a l’impression que la montre est plus exacte le jour (+0.5s/24h contre +0.8) et que la fidélité (la dispersion) est un peu meilleure la nuit (plutôt logique car je bouge beaucoup moins).

Je fais des sorties en vélo intra muros à Marseille les samedis et les dimanches. Le vélo, notamment dans les rues défoncées est un cauchemar pour une montre mécanique (et pour les cardio-fréquencemètres de poignet, aussi). Je me suis amusé à comparer la marche de ma montre les jours de vélo (Bk) et les jours sans:

Ne vous laissez pas impressionner par l’apparente importance de la dispersion qui est faussée par le faible nombre de sorties en vélo effectuées sur la période (8 sur 76 mesures). En effet la dispersion l’écart type est inversement proportionnel au nombre de mesures. Curieusement, la moyenne observée est nettement plus faible les jours de vélo (0.1 s/24h vs 0.7s/24h). Mais là aussi, il faut garder en tête le faible échantillonnage.

J’ai enfin comparé, pour rigoler,  les mesures en fonction du jour de la semaine:

(Rien de fou, mais je fais donc 20-30km de vélo intra muros à Marseille le samedi et le dimanche, N, c’est nuit).

Enfin pour terminer, deux petites analyses graphiques. D’abord l’erreur cumulée en fonction du temps (Offset):

On voit clairement qu’à partir du vingtième jour, la montre devient moins exacte (la pente devient plus abrupte), pourquoi, aucune idée, je n’ai rien fait de particulier.

Dernier graphique qui représente la variation entre deux mesures successives, donc en pratique la variation nuit/jour:

Les points s’équilibrent autour  du 0 de l’axe des ordonnées, et en général, la montre rattrape la nuit la déviation plus importante constatée le jour.

J’espère que cela vous a plu.

Cette petite note m’a fait réviser quelques notions de statistiques et de leurs représentations graphiques, et cela m’a fait un bien fou.

°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°

Pour en savoir plus:

un thread hallucinant (un autre) sur la précision de la technologie Spring Drive, je vous conseille notamment les posts de l’utilisateur BrianBinFL.

Un sous-forum de FAM dédié à la précision et la chronométrie.

%d blogueurs aiment cette page :