Réchauffement climatique et course à pied.

Depuis 3 jours, les températures ont bien grimpé. Hormis le risque de fin du monde, cela pose aussi un sérieux problème aux coureurs.

Tout le monde sait intuitivement qu’il faut faire attention quand on court lorsqu’il fait chaud. Mais on sait moins que l’humidité relative joue un rôle très important en gênant la transpiration. En limitant cette dernière, elle augmente sensiblement le risque d’hyperthermie.

Certaines abaques, en combinant température ambiante et humidité relative donnent la notion connue depuis quelques années de température ressentie.
L’indice de chaleur permet d’estimer la température ressentie en fonction de la température ambiante et de l’humidité relative.

Des auteurs se sont intéressés au cas de la course à pied.

Fellrnr a publié sur son site une abaque permettant de calculer la température ressentie en course. Plus exactement, la température ambiante théorique au cours d’une marche avec une humidité ambiante fixée à 30%.

C’est aussi le même Fellrnr qui dit que « All model are wrong ». Donc prudence, mais le concept est intéressant.

Petit exemple pratique…

Ce matin, j’ai fait une course en endurance fondamentale dans le parc Borély à une allure moy. de 6’36. Il faisait 20°C, probablement plus au soleil, mais le parc est assez ombragé.
Donc a priori des conditions satisfaisantes.
Mais, mais, mais, il y avait de la brume et l’humidité était à 83%!

Avant de démarrer, j’ai eu cette sensation de moiteur un peu étouffante, alors qu’il ne faisait pas si chaud que ça.
Au bout de 30 minutes j’étais dégoulinant et limite pas bien. Ma FC est passée de 125-130 à 135-140. Je me suis arrêté et j’ai bu.

Je viens de regarder sur le formulaire du site de Fellrnr ce que ça donnait.


Les conditions de course de ce matin équivalaient donc à marcher dans un air à 44°C avec 30% d’humidité…

Moralité:

  • Soyez prudents lors de vos sorties durant les prochains mois+++
  • Regardez les prévisions de température ET d’humidité
  • Levez le nez et humez l’air avant de démarrer.
    Si il fait « lourd », réduisez votre distance, votre vitesse, voire ne sortez pas, et hydratez-vous bien.

Remarque importante: la transpiration qui dégouline « à la Zidane » ne rafraîchit pas+++.

Dernier point, la pollution atmosphérique (ozone, SO2, NO2, PM10) est un facteur de risque important d’accidents cardiovasculaires majeurs chez les coureurs de semi-marathons/marathons!


Gerardin B, Guedeney P, Bellemain-Appaix A, Levasseur T, Mustafic H, Benamer H, Monsegu J, Lamhaut L, Montalescot G, Aubry P, Collet JP; Groupe de Réflexions sur la Cardiologie Interventionnelle. Life-threatening and major cardiac events during long-distance races: updates from the prospective RACE PARIS registry with a systematic review and meta-analysis. Eur J Prev Cardiol. 2021 May 22;28(6):679-686. doi: 10.1177/2047487320943001. Epub 2020 Jul 27. PMID: 34021577.

Tokyo

Vendredi matin, j’ai reçu un mail m’annonçant que j’étais tiré au sort pour participer au marathon de Tokyo en mars 2025.

Pour être exact, j’avais gagné le droit d’acheter un dossard et bien sûr de financer l’ensemble du voyage.

Mais cette nouvelle m’a fait plus d’effet que si j’avais gagné au Loto.
Certains marathons sont tellement courus (dans tous les sens du terme) que les organisateurs ont instauré des systèmes pour en limiter l’accès (pour les coureurs amateurs, pas les pros).

6 marathons se sont attribués le titre de « World Marathon Majors », en gros, les 6 (bientôt 7) plus grands marathons du monde. Trois remarques: non, Paris n’en fait pas partie, non, ce ne sont pas forcément les plus beaux/intéressants/les mieux organisés et non, ce ne sont pas les marathons les plus longs du monde (ils font tous la même distance😁).

Malgré tout, le marketing a opéré sa magie, et ces 6 marathons dominent les autres par leur notoriété et leur attractivité. Mécaniquement, comme ce n’est pas simple d’obtenir un dossard, en avoir un provoque inévitablement un frisson dans le dos.

Je consulte au minimum 4 fois par jour cette page qui pourtant ne changera pas d’ici février 2025.

5 ont instauré un système de tirage au sort plus ou moins complexe. Le sixième, Boston filtre sur les performances (il faut vraiment être bon).

Le second moyen, le plus altruiste, est de lever des fonds pour un organisme caritatif. Chaque marathon alloue des dossards à ces organismes accrédités. Ces derniers sont responsables ensuite de la somme d’argent demandée au candidat pour décrocher le précieux sésame. Il me semble avoir vu US$ 10000 pour Boston, pour donner un ordre de grandeur.

Le dernier moyen est de passer par une agence de voyage. Le nombre de dossards est limité, les prix sont élevés, mais par contre, en étant rapide, la participation est acquise. Les dossards sont autour de 550-600€ et leur achat est indissociable d’une offre hôtelière+/-le trajet. J’ai utilisé une agence de voyage pour courir le marathon de Londres, et le rapport qualité/prix n’est pas bon. On paye (très) cher le privilège de courir 42,195 km.

Vous l’avez compris, obtenir un des 6 dossards se mérite. Il faut être très bon ou avoir les moyens ou avoir beaucoup de chance.

Parlons probabilités.

Il est quasi impossible de déterminer la chance de gagner au tirage au sort pour obtenir un dossard. On ne peut faire que des estimations. Londres est semble-t-il le plus difficile à décrocher. Il y a en général 50000 coureurs et l’an dernier 840318 personnes ont tenté leur chance. Ça fait une probabilité maximale de 6%. Mais certains commentateurs estiment le nombre de dossards mis en jeu à 17000, soit une probabilité de 2%. Il faut en effet enlever aux quelques 50000 les dossards des agences de voyage, des organismes caritatifs…

Pour Tokyo, le tirage au sort est un peu byzantin:

Screenshot

Je ne vais pas détailler, et ça échappe à ma compréhension pour une large part.

J’avais la vague notion que la chance de décrocher un dossard était de 2% pour le coureur lambda non tokyoïte (il y a un tirage à part pour eux). Au total, il y a 38000 dossards et 13000 et quelques sont déjà alloués avant les agences de voyage et ceux tirés au sort.

Et je l’ai décroché 🥳.

J’ai du relire le mail plusieurs fois, et ce n’est que quand j’ai vu le lien pour payer le dossard que je me suis vraiment rendu compte (le dossard est à US$ 160, pas 550-600€). Pourtant, il était assez clair (avec le recul):

Screenshot

Depuis, j’ai un peu de mal à me concentrer. Je pense déjà à la préparation et l’organisation du voyage (surtout la nuit 🦉). Je m’étais inscrit pour un troisième marathon de Paris, qui se court 1 gros mois plus tard (13 avril contre 2 mars). Et évidemment, je dois décaler mon plan d’entraînement. Pas de chance, avant la fin d’année, je me suis inscrit à plein de courses plus courtes car je ne pensais pas avoir un si gros morceau à préparer si tôt.
Je pense aussi m’inscrire à un DIU (DIU de cardiologie du sport). Ça ne va pas changer grand-chose par rapport à Paris, mais l’organisation d’un séjour lointain va probablement pas mal m’occuper l’esprit.

Screenshot

J’ai commencé à regarder le parcours, lire des récits et regarder des vidéos. Bon, il ne faut pas se le cacher, le parcours se fait essentiellement entre des grattes-ciels sur des avenues interminables où, en plus, on fait des allers-retours. Mais l’ambiance est sympa, c’est tout plat et c’est Tokyo. J’adore depuis toujours le Japon, et je m’étais dit que j’irais un jour. Et là, en plus, c’est pour courir le marathon…

Courir un marathon et visiter est en général soit déconseillé (avant) soit pénible (après), mais là, je vais essayer d’en profiter à fond.

Ce fleuve qui nous charrie

Quand j’ai cherché des informations sur la course Morat-Fribourg, j’ai découvert l’existence d’un téléfilm de la RTS de 1980, Ce fleuve qui nous charrie avec dans le rôle principal Jean-Luc Bidault. Je n’ai pris le temps de le regarder qu’aujourd’hui, et j’y ai trouvé des choses intéressantes.

La fiction, je n’en parlerai que peu. C’est l’histoire de la rédemption par la course d’un quadragénaire à la dérive, Simon. Il est aidé par son indéfectible ami d’enfance, Julien, et un ami de ce dernier, César, qui va jouer le rôle de vieux sage courant, de mentor. L’interprétation de Jean-Luc Bidault est remarquable, d’autant plus qu’une grande partie des scènes interprétées se font en courant.

Le film a vieilli, les couleurs sont passées, la façon de filmer est datée mais ce film a encore beaucoup de charme. La scène de l’enterrement est une merveille de surréalisme.

J’ai pris du plaisir à le regarder en tant que coureur et aussi car j’ai participé à cette épreuve. J’ai reconnu Morat, sa gare, la montée de la Sonnaz, l’arrivée sur Fribourg. Simon habite à Martigny, il a donc fait le trajet en train entre Martigny et Morat, en passant par Lausanne. J’ai fait le même parcours, car à la suite d’une erreur de train, je suis allé me perdre, moi aussi, au fin fond du Valais.

J’ai fait de l’archéologie en regardant ce film. J’ai découvert comment on courait en 1979. Le textile était en coton, les chaussures n’avaient aucun amorti, les coureurs se massaient à l’huile avant l’épreuve, et mettaient du talc dans leurs chaussures. Le chronométrage se faisait à l’aide de cartes perforées en plastic que les participants inséraient dans des lecteurs à l’arrivée. J’ai vu passer quelques t-shirts Spiridon qui était à l’époque une revue connue et reconnue dans le milieu (le nom a été repris à partir de 2020 pour vendre des vêtements de course branchouilles) . Simon fait allusion à Zátopek à un moment.

Le film parle assez justement de la course, des débuts, de ce qu’on peut y trouver, de la communauté des coureurs. J’ai retrouvé des tas de petits détails vrais: le stress avant la course (pipi!), le fait de se retourner pour regarder le ruban multicolore des coureurs, le fait de se parler, de corriger son attitude, quand ça devient dur…

Simon, et d’autres posent à plusieurs reprises la question « pourquoi tu cours? » Le film propose plusieurs réponses. Chacun trouvera la sienne.

Morat-Fribourg 2023

Je n’ai rien écrit sur cette classique, mais le marathon d’hier m’a donné envie de le faire. C’est surtout le contraste qui m’a donné envie, en fait.

La Morat-Fribourg est la classique des classiques en Suisse, puisqu’elle a fêté sa 89ième édition cette année. Cette course commémore la victoire des confédérés sur Charles le Téméraire en 1476, à Morat. La légende se mélange alors à l’histoire et fait apparaître un récit qui ressemble beaucoup à celui du coureur de Marathon. La RTS a particulièrement couvert cette course au fil des années. Mention spéciale pour ce documentaire, appelé « La reine des courses« . Je viens même de découvrir l’existence d’une fiction de 1980, « Ce fleuve qui nous charrie » avec l’acteur Jean-Luc Bidaut.

Bref, la Morat-Fribourg n’est pas qu’une simple course.

Et cela se ressent. il y a beaucoup de monde le long du parcours et j’ai rarement ressenti une ambiance aussi bon enfant et joyeuse. Attention, ce n’est pas le Tour de France tout le long des 17.17 km. La traversée de la superbe campagne suisse entre les villages qui émaillent le parcours se fait souvent dans un silence apaisant, seulement troublé par les cloches des vaches. Puis 50 m plus loin, un spectateur agite frénétiquement une grosse cloche, voire souffle dans un cor des Alpes. Puis à la Sonnaz (« La » difficulté du parcours), c’est quasiment le Tour de France en haut d’un col. Une petite particularité, a priori chaque année, en début de parcours, des gens dans un jacuzzi au bord de la route proposent du Champagne aux coureurs. Au début j’ai pensé à DSK et à un club libertin (ça faisait un peu ça, quand même), mais c’est une entreprise qui installe des spas et des jacuzzis qui fait sa publicité.

Le parcours est ascendant (D+ 388m) mais surtout très vallonné. les changements de rythme sont incessants et font l’intérêt de la course. La très fameuse Sonnaz est une montée un peu raide entre 12K et 13.35K qui coupe un peu le souffle. L’arrivée sur Fribourg est un peu rude aussi: petite descente sèche puis belle montée vers l’arrivée.

J’ai mémorisé le parcours quasiment par cœur, j’ai pu donc anticiper ces changements de rythme. J’étais en forme, et j’y ai pris un plaisir monumental. Par rapport au marathon, zéro souffrance, que du plaisir. C’est totalement autre chose.

Fribourg est une ville plutôt vivante et sympa. Malheureusement je n’ai pas eu le temps de visiter Morat qui est absolument splendide.

Dernière particularité sympa, comme le parcours flirte avec le Röstigraben, les spectateurs vous encouragent en allemand, en français, ou les deux alternés.

Un seul bémol: le dossard est cher, environ 60€, mais pour le prix, vous pourrez voyager gratuitement en train en seconde pour aller et venir vers le lieu de la course (Swiss Runners Ticket), et étant donné le prix des billets de train en Suisse, c’est particulièrement rentable.