Hier, ma consultation était très connotée « cardiologie non chimique », pour le meilleur et le pire.
Qu’est-ce que la cardiologie (et la médecine par extension) « chimique » et « non chimique »?
La notion de « non chimique » bien qu’étant une aberration, puisque tout ce qui nous entoure est « chimique« , même les règles hygiéno-diététiques, fait référence dans l’esprit des patients, et de ceux qui en vivent, à une médecine « douce », « naturelle », faite par des individus « plus à l’écoute ».
La médecine « chimique » fait référence à une certaine forme de brutalité (de la part des médecins), de mensonge organisé (on nous cache des choses), et de lucre (les labos gagnent des milliards, mais pas Boiron qui ne vit que de sucres dilués dans de d’eau fraîche).
J’avais parlé de ce phénomène dans plusieurs notes. La première qui se voulait très second degré me vaut néanmoins chaque année des demandes de consultation de « cardiologie douce ». La seconde illustrait le constat amer que les thérapeutes alternatifs ne prolifèrent que parce que à tort ou à raison (dans ce cas particulier, la naturopathe a été largement plus efficace que le confrère cardio…), les patients ne sont pas satisfaits par la médecine traditionnelle ou la façon dont nous l’exerçons.
Le NYT a publié récemment un excellent texte sur la confrontation entre une médecine traditionnelle empêtrée dans les conditions de son exercice qui se dégradent et par les nécessaires doutes générés par l’argumentation scientifique sur laquelle elle se base, contre une médecine « parallèle », cool, dans l’air du temps, attentive, et qui ne s’embarrasse d’aucun doute.
Le diagnostic et le traitement du patient qui est en face d’un médecin vont suivre une distribution normale, avec une grande chance de succès (ou d’échec) et une plus ou moins petite chance de succès (ou d’échecs). Le diagnostic et le traitement d’un patient en face d’un « thérapeute », eux, suivront une distribution paranormale dont les règles sont fixées par le thérapeute, et non plus par les statistiques. Et là, évidemment, tout est bien plus facile. Souvent, d’ailleurs, le thérapeute démiurge est un fin connaisseur de la psychologie humaine et un maître dans le maniement de la Force l’effet placebo.
Bref, une fois tout cela posé, voici 3 récits de consultations.
Un homme dans la cinquantaine vient pour des malaises fugaces quand il passe de la position assise ou couchée à debout. Cela évoque une hypotension orthostatique. Justement, en lui demandant ses antécédents, j’apprends qu’il est hypertendu traité depuis quelques années. Les malaises datent de septembre dernier. Je lui demande ce qu’il a fait depuis cette période: Il s’est remis au sport, mange plus équilibré, a levé le pied sur un travail envahissant et a perdu 9 kg. Hypothèse diagnostique: son traitement anti-HTA est devenu trop dosé pour lui, il fait des hypotensions dans certaines circonstances (incidemment, il me dit aussi en fin de consultation qu’il sort d’une gastro de 1 mois). Ironie, c’est l’amélioration de son hygiène de vie qui l’a rendu malade. Je lui ai conseillé de boire de l’alcool, de se mettre à fumer, de manger gras et salé, d’arrêter de faire du sport, de se remettre à bosser comme un damné et tous ses symptômes disparaitront. Ça, c’est de la vraie médecine « non chimique ». (En vrai, j’ai diminué la posologie de son anti-hypertenseur, et je lui ai di que peut-être on pourrait l’arrêter). Morale de l’histoire? Une meilleure hygiène de vie peut très bien marcher dans le traitement de l’HTA. Ce n’est pas facile à suivre, mais ça vaut toujours le coup d’en parler avant de dégainer un traitement, et hormis ce cas particulier, il n’y a aucun effet secondaire.
Une femme d’une cinquantaine. Elle a vu une cinquantaine de médecins/thérapeutes pour une maladie inflammatoire mystérieuse qui la fait souffrir (peut-être une PPR ou… un Lyme). Rien ne marche, ni la médecine académique, ni la médecine alternative. Par contre, elle a rencontré des cons dans les deux cas. Elle s’est fait mettre plus bas que terre par un rhumatologue et plus bas qu’une étendue d’eau par un homéopathe. Les AINS ne marchent pas, tout comme le Selenium (j’ai posé la question au hasard, et bingo, on lui en a prescrit. Elle m’a demandé de quelle galénique je parlais…). Je pense développer une médecine alternative² pour les patients déçus par la médecine alternative. Malgré ses douleurs, on a ri du début à la fin. Je lui ai même proposé d’écrire un billet sur sa découverte des médecines alternatives, mais elle n’aime pas trop écrire, c’est bien dommage.
La consultation la plus dramatique: une femme de 70 ans qui vient pour des palpitations. Elle est hypertendue sévère et elle me tend son ordonnance:
Première réaction: c’est n’importe quoi.
Je n’ai évidemment rien dit et j’ai attendu la suite. Sa tension était à 180/100 aux deux bras, et ses palpitations sont des extra-systoles supra-ventriculaires Rien d’autre à l’ECG ou à l’ETT. Hypothèse diagnostique: HTA sévère avec un début de retentissement cardiaque, peut-être le prélude à un passage en fibrillation. Et le pire de tout, absolument non traitée. La patiente refuse tout traitement allopathique. Le confrère a donc fait ce qu’il a pu dans ces circonstances. Vous verrez, à la fin, je n’ai pas fait mieux. En discutant un peu avec la patiente, j’ai retrouvé l’association habituelle on nous ment/les labos se gavent/les médicaments et les vaccins rendent malades. J’ai essayé de discuter du traitement, mais sa réponse est restée négative. Fait intéressant, un de ses arguments était que les médecins traitent une maladie sans se soucier de la cause, sous-entendu, on traite « mal ». Mais elle a refusé tout aussi catégoriquement une prise en charge dans un service d’hypertensiologie pour rechercher une étiologie et faire le bilan du retentissement de son HTA. Son époux, venu avec elle, était désespéré. In fine, c’est lui qui supportera les conséquences des choix de son épouse, c’est lui qui changera sa couche ou fleurira sa tombe. « Je vais attendre que la préparation magistrale fasse son effet ». Je pense qu’elle peut attendre longtemps. Echec complet, je n’ai même pas retrouvé d’amélioration hygiène-diététique majeure qui aurait pu améliorer la situation. Hormis un manque d’activité physique, ce couple vit très sainement. J’ai respecté à la lettre la procédure en leur précisant bien les risques encourus et j’ai consigné le refus de soins dans le courrier destiné à son médecin traitant. Mais le respect des procédures n’a aucunement atténué mon sentiment d’échec que je n’ai même pas pu diluer dans de l’homéopathie.
Excellent, la chute.
Et dans la rubrique « on nous empoisonne » :
http://culturesciences.chimie.ens.fr/node/1402
La difficulté est dans le troisième cas de ne pas avoir l air de participer à la future catastrophe par abstention coupable tout en gardant la position empathique d une PÊC ultérieure
Quelle bonne surprise ce matin, une nouvelle note sur grange blanche !
Merci
Concernant la dernière patiente je pense qu’il s’agit d’une TS. La patiente est intelligente elle sait ce qui va arriver, elle refuse de se soigner, et finalement ce qu’il faut comprendre c’est pourquoi elle refuse. Un bon hypnotherapeute pourrait peut être démêler les fils, lever le blocage. Quand elle parle de rechercher la cause, finalement ce n’est pas la cause de son hta, mais bien la cause de son refus de soin.
Voilà c’était mon avis de dentiste, avis aussi autorisé que celui du facteur !
A bientôt sur la toile.
PS j’ai parlé d’hypnose car cela me semble plus acceptable que de parler de psy. ;o)
Je suis d’accord avec le dragon. En hypnose Ericksonienne, il y a des stratégies pour gérer la résistance : aller dans le sens du patient, lui prescrire des choses absurdes à faire, bref augmenter encore la résistance jusqu’a ce qu’il perçoive tout seul que son comportement l’enfonce dans sa pathologie.
Mais pourquoi est elle venue si elle refuse les médicaments ? C’est du tourisme médical ?
Je comprends votre désarroi. Pourtant dans la description des patients qui n’écoutent que les conneries des charlatans homéopathes et qui vont mourir parce qu’ils ne font pas confiance à leur médecin (le vrai celui là), il me reste un arrière goût astringent (peut être un pic d’adrénaline), mais ma TA reste à 120/70, je touche du bois.
Il semble, à vous écouter, que de plus en plus de patients deviennent des non-croyants. Il y a quelques possibilités :
– Une sorte de virus (forcément qui a muté)
– Des gens de plus en plus idiots à cause de l’éducation
– Des charlatant de plus en plus doués
– Des médecins de moins en moins doués (corrélation non causale avec la précédente)
– Un abêtissement général de la population à cause de l’environnement(avec tout ce qu’on nous envoient dans l’espace…)
– Une cause génétique qui se propagerait (sans rapport avec le métissage, soyons clair)
Je n’ai pas accès à des statistiques précises pour choisir l’un ou l’autre, mais j’ai du mal à croire que ce peut être l’un ou l’autre des cas. Il reste une autre hypothèse qui me vient à l’esprit, mécréant que je suis…
Une perte totale de confiance dans les autorités sanitaires, due aux scandales sanitaires à répétition sans aucune réaction salutaire : le pole santé ayant un logiciel à une seule solution : non lieu. Le ministère naviguant entre déni et culpabilisation des patients, les autorités de contrôles encore plus nulles que le chaman néandertalien, les sociétés savantes réduites à faire de la propagande en dehors des chemins de la science, le suivi de pharmacovigilance ne servant qu’à cacher le plus possible les scandales en maquillant les statistiques, les médecins prescrivant en dehors des AMM, les notices vidal pas toujours à jour en terme de connaissances scientifiques, la iatrogénie à 40% et au moins 20 000 morts par an. Lorsque l’on sait que dans les déterminants de santé la médecine représente 9% (y compris la traumato et la chirurgie), il ne reste que peu de cas ou le médecin est réellement nécessaire. Les gens pensant que c’est toujours aux autres que cela arrive.
Bien entendu certains vont mourir de ce choix/refus et c’est triste. Au moins 2 000 personnes sont mortes du médiator. Pensez-vous qu’il y a plus de 2 0O0 personnes mortes d’avoir refusé (pas ne pas être en moyen de suivre) un traitement ?
plutôt que de pester contre les patients, ne serait-il pas plus bénéfique de pester et pousser pour résoudre les problématiques énoncés ci-dessus ?
Tout a fait d’accord avec vos propos.
Mais il est plus facile de rester à se regarder le nombril et dire que c’est la faute des autres que de se remettre en question…
oui il est possible que la confiance envers la medecine soit diminuée pour avoir eu 750 en gamma gt en juin dernier, ie vais voir mon medecin et tombe sur son remplacant qui me fait comprendre qu il faut que j arrette l alcool, probleme, docteur!! je ne bois pas ;ne fume pas:jamais touché aux drogues,par contre il y as un médicament (janumet) ou il est précisé qu il faut surveillé le foie il est meme interdit dans certains pays. CANADA;;jen prend depuis 5 ANS ET PAS UNE PRISE DE SANG POUR LE FOIE ,un medecin de lyon sud m a donné un autre medicament et le foie est redevenu normal je comprend que votre métier est très complexe, mais
on se sent pas toujours en confiance
pour avoir eu un accident de la route non responsable, j ai pu me rendre compte que les experts sont payé par les assurrances et entre ce qu il vous dis et ce qu il marque sur on rapport on comprent qu il va dans le sens de l assurance, c est sont gagne pain,l accidnté lui est lésé
Sur la progression du complotisme en général, Gérald Bronner a écrit d’excellentes choses.