Le 25 avril, le NEJM a publié un article s’intéressant au mode de stimulation cardiaque des défibrillateurs ventriculaires implantables (ICD) ou des stimulateurs cardiaques (PM) implantés chez des patients insuffisants cardiaques.
Je n’avais pas trop porté cas à cet article jusqu’à ce tweet:
Tiens,medtronic s’invite dans le NEJM! C’est le printemps. Poke @grangeblanchenejm.org/doi/full/10.10…
— Fish Nip (@Echocardioblog) April 25, 2013
L’étude montre un intérêt de la stimulation biventriculaire (biV) en comparaison avec la stimulation monoventriculaire droite (RV) classique. L’étude est financée par le fabricant Medtronic.
Rien de bien extraordinaire pour l’instant.
Les auteurs observent une diminution de 26% du critère primaire dans le groupe biV.
Medtronic et de nombreux analystes s’en réjouissent:
Biventricular (BiV) pacing with Medtronic, Inc. (NYSE: MDT) cardiac resynchronization therapy (CRT) devices may offer a significant clinical advantage and improved patient outcomes over conventional right ventricular (RV) pacing among patients with left ventricular (LV) systolic dysfunction and atrioventricular (AV) block who are indicated for a pacemaker.
Évidemment, cette étude devrait augmenter les ventes des appareils permettant une double stimulation, pas étonnant, étant donné cet impressionnant 26% d’amélioration:
Potentially, « this will increase the demand for CRT-P devices, » she said, referring to biventricular pacemakers that do not offer defibrillation—now far less commonly used than defibrillating CRT devices (CRT-D).
Cette étude a été qualifiée de game changer, ce qui est un tout petit peu moins cliché que landmark study.
D’accord.
Maintenant, regardons d’un peu plus près ce fameux critère principal qui comporte trois composantes (« critère composite »):
- mortalité totale
- poussée d’insuffisance cardiaque nécessitant l’administration d’un traitement intra-veineux.
- augmentation du volume télé-diastolique ventriculaire gauche de 15% ou plus
La mortalité totale, c’est un critère dur, le meilleur.
La nécessité d’un traitement IV est un critère clinique, c’est donc bien.
Le troisième est un critère échographique, qu’on pourrait qualifier d’intermédiaire. C’est clairement le moins pertinent des trois. Pourquoi 15% et pas 17, ou 13, ou 20…
Chacune des composantes de ce critère composite sont « égales ».
Donc mort=traitement IV= 15% de volume ventriculaire gauche en plus.
Bien entendu, cela n’est pas du tout la même chose, surtout pour le patient.
Michel Cucherat aborde ce problème dans le DU d’interprétation des essais cliniques:
Les trois composantes du critère principal de cette étude n’ont clairement pas la même pertinence clinique. Maintenant, regardons en détail comment la stimulation biV agit sur chacune d’entre elles:
(cliquez l’image pour agrandir)
On remarque que l’essentiel du bénéfice de la stimulation biV est lié à l’amélioration du critère le moins pertinent, l’échographique, l’intermédiaire.
Il y a plus de décès dans le groupe biV pour les groupes PM (12/10) et ICD (5/4). Il y a plus de recours à un traitement IV dans le groupe biV dans le groupe PM (40/38). ll y en a moins dans le groupe ICD (16/23).
En diagramme, cela donne:
Tout cela n’est pas statistiquement significatif, mais doit faire relativiser les chatoyants 26% clamés Urbi et Orbi.
J’ai hâte de voir ce que vont en dire theheart.org en version française, et la presse de corbeille à papiers.
Enfin, je vous propose cette excellente analyse du Dr Ves.
°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°
Curtis AB, Worley SJ, Adamson PB, Chung ES, Niazi I, Sherfesee L, Shinn T, Sutton MS; Biventricular versus Right Ventricular Pacing in Heart Failure Patients with Atrioventricular Block (BLOCK HF) Trial Investigators. Biventricular pacing for atrioventricular block and systolic dysfunction. N Engl J Med. 2013 Apr 25;368(17):1585-93. doi: 10.1056/NEJMoa1210356.