Encore une histoire d’agoniste des récepteurs GLP-1.

J’ai déjà parlé de ces merveilleuses molécules neutres dans les notes suivantes:

Puis j’ai un peu laissé tombé jusqu’à ce tweet de Medscape France qui m’a excité au plus haut point:

Le texte de l’article m’a laissé un peu perplexe, notamment ce paragraphe:

Capture d'écran 2016-05-04 17.11.11J’ai mis un peu de temps à comprendre (je ne suis que cardio), mais en fait, je présume que le semaglutide (la molécule étudiée dans SUSTAIN-6) doit significativement diminuer l’HbA1c, par rapport au placebo, ce qui est plutôt bien (et attendu) pour un traitement anti-diabétique.

D’accord. Donc si on diminue le « risque cardio-vasculaire », on doit diminuer le nombre d’évènements cardio-vasculaires? Et bien non, car pour ce critère, le semaglutide n’est « que » non-inférieur au placebo. Nous sommes donc encore dans le cas d’un médicament anti-diabétique qui n’améliore qu’un critère intermédiaire, sans améliorer la morbi-mortalité cardio-vasculaire, ce qui est fort dommage pour les patients, vous en conviendrez. Le suivi est de 2 ans, quand même.

Au bout de 2 ans de traitement, aucune amélioration de la morbi-mortalité n’est discernable entre placebo et semaglutide.

Notez bien le subtil mais notable changement de sémantique. On ne dit plus « amélioration du HbA1c », mais « réduction du risque cardio-vasculaire ». Car ce dernier concept est très proche à l’oreille de « réduction des événements cardio-vasculaires », déclencheur logique d’une prescription. Vous verrez en fin de note que ce glissement sémantique a totalement mystifié une journaliste.

Mais revenons à l’article de Medscape France, qui est en partie traduit de l’article de Medscape US (l’auteure US est créditée):

Capture d'écran 2016-05-04 18.08.39qui lui même reprend une partie du communiqué de presse de Novo-Nordisk:

Capture d'écran 2016-05-04 17.11.46Pas de quoi fouetter un chat, me direz-vous, il s’agit d’un énième article de presse qui se contente de reprendre un communiqué de presse sans ajouter beaucoup de plus-value. Mais cela met un peu à mal les ambitions affichées de Medscape:

Capture d'écran 2016-05-04 17.10.27Oui, me direz-vous, mais l’article français comporte aussi une fine analyse d’un éminent endocrinologue français.

Rigueur et équilibre, donc.

L’analyse de l’endocrinologue est néanmoins un peu curieuse:

  • premier paragraphe: pas de changement de stratégie actuelle, car pas de bénéfice clinique observé.(\0/)
  • second paragraphe: rappel des recos HAS (\0/),
  • puis troisième paragraphe: l’auteur précise que les médecins ne suivent pas les recos HAS tout en donnant une CAT qui conseille la prescription de molécules n’ayant pas forcement démontré de bénéfice clinique… (???)

Capture d'écran 2016-05-04 19.58.55Rigueur et équilibre?

La mise en exergue d’une de ses phrases, pleine de bon sens en elle-même, dans cet article qui attribue des bienfaits cardiovasculaires au semaglutide me paraît assez orientée:

Capture d'écran 2016-05-04 18.24.58L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêts, ce qui est bien:

Capture d'écran 2016-05-04 18.17.56Rigueur et équilibre, donc.

Néanmoins, assez curieusement, dans cet article de Medscape US du 04/06/2015, il déclarait quand même un lien d’intérêt avec Novo-Nordisk:

Capture d'écran 2016-05-04 17.48.44Cet article est la traduction d’une vidéo postée sur Medscape France le 22/05/2015, où la déclaration publique d’intérêts n’est pas la même:

Capture d'écran 2016-05-04 18.22.37Pourtant dans un article publié dans l’European heart Journal en août 2015 (doi: 10.1093/eurheartj/ehv347), il décrit en effet un lien avec Novo Nordisk:

Capture d'écran 2016-05-04 20.02.41Rigueur et équilibre?

Mais ces arguties ne sont rien par rapport au magnifique texte de science-fiction de European Pharmaceutical Review:

Capture d'écran 2016-05-04 17.10.50Le texte est un copié-collé du communiqué du labo mais le titre est grandiose car bien sûr totalement trompeur.

Capture d'écran 2016-05-04 18.43.55L’auteure est tombée dans le piège sémantique que le communiqué de presse du labo lui a tendu.

Risque cardio-vasculaire≠événement cardio-vasculaire.

Morale de cette note: soyez rigoureux et équilibrés quand vous lisez un texte, d’autant plus qu’il ne l’est pas.

Les agonistes du récepteur GLP-1 : un pilier de la prise en charge neutre du diabète

Je commence à me prendre de passion pour ces agonistes du récepteur GLP-1.

En musardant un peu, je suis tombé sur cette présentation tout à fait neutre sur cette merveilleuse classe thérapeutique.

pilier du traitement

Les présentations sont courtes et intéressantes. On y parle beaucoup de physiologie, c’est à dire des immenses avantages théoriques qu’il y a à prendre ce traitement pour un diabétique. On y parle aussi beaucoup de réduction de glycémie. Cela ne se voit pas vraiment sur l’HbA1c (au mieux 1,9% en association avec une sulfonylurée), mais est-ce que cela est finalement bien pertinent? Je vous conseille vivement de lire l’intervention du Dr Bernard Zinman, que son hôtesse appelle familièrement Bernie. On y trouve quelques pépites.

Je voudrais juste remettre les choses en perspective ; il ne fait aucun doute qu’un traitement contre le diabète qui a un avantage sur les perspectives cardiovasculaires sera pris en considération en priorité. Il s’agirait du meilleur traitement contre le diabète, étant donné que nos patients souffrant du diabète succombent évidemment aux maladies cardiovasculaires.

[…]

Les AR GLP-1 sont passionnants, car ils semblent jouir de propriétés qui pourraient se traduire en avantages cardiovasculaires. Certaines de ces propriétés sont indirectes.

[…]

Je crois que cela pourrait être extraordinaire si nous étions en mesure de documenter un avantage cardiovasculaire des AR GLP-1.

[…]

La FDA veut de l’innocuité. C’est sa principale préoccupation. Bien évidemment, les firmes qui fabriquent ces produits veulent plus que de l’innocuité ; elles voudraient en fait démontrer la supériorité. Les études sont généralement conçues tout d’abord dans un souci d’innocuité, mais elles sont ensuite capables de continuer pour démontrer la supériorité. Comme je l’ai dit au début, démontrer la supériorité des AR GLP-1 serait un facteur très puissant pour changer les lignes directrices et changer le paradigme de gestion des DT2.

[…]

Je viens d’apprendre que nos patients atteints de DT2 souffrent toujours, même si nous nous évertuons à abaisser le glucose ou à utiliser des médicaments hypoglycémiants. Ils souffrent toujours de maladies cardiovasculaires.

[…]

Je vous remercie de votre présence Bernie, c’était un plaisir.

Dr Zinman : Tout le plaisir était pour moi.

La remarque de Bernie sur les études (dont ELIXA) qui ont été construites pour démontrer une supériorité de ces molécules sur le placebo est intéressante. Contrairement à ce qui a été dit après le constat de neutralité du lixisenatide, c’est bien une supériorité clinique qui était visée, et pas uniquement une rassurante neutralité pour faire plaisir à la FDA.

Une seule diapo montre un intérêt autre que physiologique ou sur un critère intermédiaire, pas de chance, c’est chez le rat.

Rat et GLP-1C’est ballot que nous ne soyons pas vétos, ce traitement aurait vraiment représenté un « changement de paradigme » pour la prise  en charge du diabète.

Heureusement pour nos diabétiques, les agonistes du récepteur GLP-1 ne sont pas les seuls médicaments neutres dont nous disposons dans notre « trousse à outils ».  La diapo suivante montre l’effet neutre presque parfait des inhibiteurs de la DPP-4.

GLP-1Ou comment l’industrie et ses experts sont enthousiastes de nous montrer que leurs traitements  anti-diabétiques, c’est à dire dont un des buts principaux est de diminuer la mortalité cardio-vasculaire, ne la majore pas.

Vive les médicaments à effet neutre!

neutre

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Capture d'écran 2015-06-10 13.02.10Celle-la, c’est pour rire, mais moi je crois dans le pouvoir du neutre.

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Placebo de luxe

J’ai vu passer dans theheart. org le compte-rendu des résultats d’un essai clinique, présenté à l’ADA 2015 concernant un nouvel anti-diabetique de Sanofi, le lixisenatide. Ce médicament est un agoniste injectable du GLP-1. Dans cette famille, on trouve aussi pour l’instant l’exenatide (Byetta®), et le liraglutide (Victoza®).

Cette étude, ELIXA est intéressante puisqu’elle compare le lixisenatide au placebo, dans un essai de supériorité au sein d’une population à très haut risque, puisque ayant présenté un SCA récent. Les auteurs ont ainsi voulu se donner une puissance maximale pour détecter une différence d’effet. Le critère principal est la réduction de la morbi-mortalité cardio-vasculaire, ce qui est un très bon choix clinique.

La durée de suivi a été en moyenne de 2 ans, et c’est là que le bât blesse, on le voit tout de suite, car cette durée de suivi est bien trop courte pour pouvoir espérer évaluer le bénéfice cardio-vasculaire d’un traitement anti diabétique. Cet essai a été demandé par la FDA à Sanofi en 2008 afin de lever le doute sur un éventuel sur-risque cardio-vasculaire des agonistes du GLP-1. On peut donc imaginer que ce n’est pas tant le bénéfice à prendre ce traitement que ce sur-risque que les concepteurs de cet essai ont voulu analyser.

Et bien, 6068 patients et 2 ans  plus tard le lixisenatide n’apporte ni sur-risque, ni bénéfice cardio-vasculaire, et une amélioration très marginale de l’HbA1c (de… 0.27%) par rapport au placebo.

Encore une fois, personne ne sait si ce produit diminue le risque cardio-vasculaire à long terme, c’est à dire sur 5, 10 ou 20 ans, ce qui est (entre autres, mais je reste très cardio-centré) le but d’un traitement anti-diabétique. A vrai dire, on n’en sait pas plus sur son éventuel bénéfice sur le rein, les yeux…

Par ailleurs, ce produit est totalement hors de prix:

GLP-1 agonists are « extremely expensive, » he conceded. « You can purchase 10 years of a generic sulfonylurea with 1 month of a top-dose GLP-1 agonist.

Pour résumer:

  • prendre deux ans (c’est à dire le coût de 240 années de traitement par sulfonylurées aux Etats-Unis) de ce produit ne modifie pas le pronostic cardiovasculaire de patients à très haut risque par rapport au placebo.
  • Le lixisenatide n’a aucun effet « cliniquement » significatif sur le HbA1c sur la même période.
  • Personne ne connaît son utilité sur le long terme, à 5, 10 ou 20 ans.

Pourtant, les commentaires des gens qui ont intérêt à ce que ce magnifique produit marche sont particulièrement positifs. Et c’est surtout cela que je voulais vous faire voir, comment « vendre » quelque chose d’invendable (en l’état) en utilisant les bons éléments de langage.

A la fin de cette note, je suis certain que vous voudrez prescrire/prendre du lixisenatide.

Petit florilège:

« The effect of lixisenatide was neutral in ELIXA, and this should provide physicians and patients with some reassurance, »

[…]

« There’s no reason from the results not to use lixisenatide, and these trial results have shown that — even in high-risk patients like this — it’s another tool in the box, »

[…]

« Most of us in diabetes feel that any way we can lower glucose will, over a 5- or 10-year period, have a substantive impact on patients’ lives, in terms of reduction in retinopathy, neuropathy, and nephropathy, » he told Medscape Medical News.

« You can’t lose sight of that — losing your feet, going to dialysis three times a week, and needing a Seeing Eye dog are things we should try to avoid in our patients with diabetes. »

[…]

GLP-1 agonists are « extremely expensive, » he conceded. « You can purchase 10 years of a generic sulfonylurea with 1 month of a top-dose GLP-1 agonist. The real question is, ‘Is the extreme cost of these new compounds worth it?’ If you talk to the drug companies, they will say, ‘Yes, because you don’t induce hypoglycemia and just one hospitalization for hypoglycemia costs a lot,’ and that’s where you would want to do a really good cost-effectiveness study. »

[…]

The aim was to keep HbA1c between 7% to 8%, using whichever glucose-lowering agents were available locally; the point of the study was not to show a glycemic difference between the arms but rather to look at the cardiovascular safety of lixisenatide vs placebo, he stressed. Nevertheless, there was a « small but consistent difference » in HbA1c among the group of patients who received lixisenatide, which was 0.27% lower on average than in the placebo group, but there was no attendant increase in serious hypoglycemia, he noted.

[…]

« We were well within the safety range, but lixisenatide didn’t improve prognosis; we did not see a benefit from a cardiovascular point of view. It’s neutral but it’s not harming [anyone].

(Source)  

La non-baisse de l’HbA1c, on s’en fiche, c’est un critère secondaire. Le produit coûte cher? Oui, mais il n’entraîne pas d’hypoglycémies qui, elles, coûtent cher. Le diabète, c’est grave, donc il faut le traiter (avec du lixisenatide). L’essai n’est pas négatif, il est neutre et rassurant.

Ailleurs:

“The take-home message is that glucose levels were lowered without numerically increasing severe hypoglycemic episodes with a cardiovascular safety profile that would be considered safe as defined by the FDA guidance document.”

Eldrin Lewis, MD MPH, who is an associate professor of medicine at Harvard Medical School, said knowing this class of diabetes medications can be prescribed safely gives physicians another tool to further lower glucose without producing more hypoglycemia. He said these agents can provide a very important adjunct to therapy.

Les communiqués de presse sont pas mal non plus. J’en ai sélectionné un, celui de l’Express:

Cette étude a démontré la non-infériorité de lixisénatide par rapport au placebo en termes de tolérance cardiovasculaire, sans toutefois donner la preuve de sa supériorité ‘ indique le groupe. L’achèvement de l’étude ELIXA est une étape importante pour lixisénatide, premier agoniste du récepteur du GLP-1 pour lequel l’on dispose de données de tolérance cardiovasculaire à long terme chez des personnes atteintes de diabète à risque cardiovasculaire élevé ‘, a déclaré le Dr Elias Zerhouni, Président Monde de la R&D de Sanofi. ‘ Sanofi est impatient de soumettre les résultats de cette étude à diverses autorités de santé dans le monde. ‘

D’après theheart.org, l’étude était une étude de supériorité, curieux… Quand au concept d’étude de non infériorité par rapport à un placebo… Deux ans, c’est du long terme?

Les communiquants sont vraiment des gens trop forts…

Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change (alternatif)

L’ezetimibe a montré son intérêt clinique dans l’essai IMPROVE-IT, récemment présenté en vedette de l’AHA 2014.

L’ezetimibe inhibe spécifiquement la protéine NPC1L1 située au niveau de l’épithelium du tube digestif et diminue l’absorption du cholestérol.

Des études récentes ont mis en évidence un polymorphisme génétique de la NPC1L1 avec en corrélation clinique un taux plus faible de LDLc et une diminution des évènements cardio-vasculaires. Ajouté à une statine, l’ezetimibe diminue le taux de LDLc d’environ 20%.

IMPROVE-IT est une « méga étude » qui a suivi près de 18000 patients sur une durée médiane de 6 ans pour un total de 104135 patient-années.

Les patients inclus, cliniquement stables, ont présenté un SCA datant de moins de 10 jours, avec un LDLc compris entre 50 et 125 mg/dl.

Les deux bras étudiés étaient ezetimibe 10 mg+simvastatine 40 mg vs simvastatine 40 mg seule.

Le critère principal de l’étude comprenait les composantes cliniquement pertinentes suivantes: mortalité cardio-vasculaire, admission à l’hôpital pour angor, revascularisation coronaire, SCA ST+, ou AVC.

L’association ezetimibe+simvastatine a permis une diminution du LDLc de 69,9 mg/dl à 53,2 mg/dl à 1 an, avec un profil de sécurité similaire.

Capture d'écran 2015-01-25 16.52.34Cette diminution du LDLc s’est traduite par une amélioration hautement significative du critère primaire avec p=0,016 (réduction du risque relatif à 6,4%). Parmi les critères secondaires pré-spécifiés, le risque d’AVC ischémique a été diminué de 21% et le risque d’AVC de 14%.

Le nombre de sujets à traiter afin d’éviter un décès ou un évènement cardio-vasculaire grave est remarquablement faible, puisqu’il est de 50.

Capture d'écran 2015-01-25 17.03.08Ces résultats sont d’autant plus impressionnants que les patients inclus avaient déjà un LDLc initial bas à 95 mg/dl.

«Dans l’étude IMPROVE-IT, l’ajout de l’ézétimibe à un traitement avec une statine a entraîné une réduction additionnelle des événements cardiovasculaires, comparativement à un traitement avec une statine seule. C’est la première fois que cela est directement démontré dans le cadre d’une étude portant sur un médicament hypocholestérolémiant autre qu’une statine», précisent les coprésidents de l’étude, les Drs Eugene Braunwald, de la Harvard Medical School, et Robert Califf, de l’Université Duke. «Les données de l’étude IMPROVE-IT fournissent également une réponse à une importante question scientifique au sujet de la réduction du taux de LDL-C à de très faibles concentrations.»

IMPROVE-IT répond donc à plusieurs questions importantes:

  • la diminution du LDLc induite par l’ezetimibe, au delà de l’effet d’une statine se traduit par une diminution significative des évènements cardio-vasculaires.
  • la théorie du lower is better est réaffirmée, avec une cible de LDLc à 53 mg/dl
  • le profil de sécurité de l’ezetimibe est rassurant

Les résultats de cet essai pivot devraient conduire à une modification des recommandations sur la prise en charge des patients coronariens.

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