L’immeuble Yacoubian.

Je viens de terminer ce roman qui raconte les vies des plusieurs habitants d’un même immeuble du Caire, l’immeuble Yacoubian.

On y découvre une société gangrénée par la corruption, l’omniprésence d’une religion à laquelle tout le monde se réfère et qui est l’objet de toutes les surenchères, mais que personne ne suit quand à ses aspects moraux. De façon plus surprenante (en tout cas pour un français qui ne connait pas l’Égypte), la francophonie y joue un rôle important. Elle est synonyme de douceur de vivre et de liberté.

N’y cherchez pas un roman orientaliste avec de belles descriptions exotiques, El Aswany s’intéresse exclusivement à la fresque sociale tissée par le destin de ses personnages. J’ai aimé la galerie de portraits méticuleusement décrits par l’auteur: Zaki, le représentant d’une époque révolue, Taha, le jeune homme qui tombe dans l’islamisme radical, Boussaïna, la jeune femme pauvre qui tente de survivre en gardant son honneur, Hatem, le journaliste homosexuel, Hazzam, l’homme d’affaire sans scrupules et corrompu…

Beaucoup auront un destin tragique.


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Dans la brume électrique (livre)

Je viens de terminer “Dans la brume électrique” de James Lee Burke.

Sachant que je m’y suis réellement mis hier après-midi, vous pouvez imaginer que j’ai eu du mal à m’en détacher.

C’est un roman noir classique (peut-être un peu trop) se déroulant dans une Louisiane telle qu’on peut se l’imaginer via le prisme des nombreuses œuvres dont elle sert de décor. On y trouve donc:

  • un « vieux » flic alcoolique repenti mais hanté par ses démons, meurtri par la vie, notamment le Viet-Nam et la mort brutale de sa première femme
  • une chaleur moite entrecoupée d’orages violents, provoquant des poussées de désirs plus ou moins troubles chez tout le monde
  • des tas de cajuns dégénérés aux patronymes français qui se gavent de bière et d’écrevisses toute la journée, et qui, peut-être du fait de ce régime et de la consanguinité, causent avec un accent bizarre (même dans un bouquin traduit en français)
  • des bayous pleins d’alligators, et de trucs en décomposition
  • de vieux noirs qui parlent par énigmes, le regard perdu au loin (heureusement, sinon, on aurait eu le nom du coupable dès les premiers chapitres)
  • une histoire de morts qui rendent visite aux vivants et qui parlent aussi par énigmes (même remarque)
  • des notables faisant pression sur le patron du héros pour qu’il cesse d’importuner une ordure, certes, mais une ordure qui leur rapporte de l’argent (même remarque)
  • des flics pourris qui mettent des bâtons dans les roues du héros pour l’empêcher de mettre à jour leurs turpitudes (même remarque)

Je ne sais pas si c’est la réalité, mais c’est ce qu’on s’attend à trouver dans un roman noir se situant en Louisiane, et sur ce point, donc, James Lee Burke ne déçoit pas.

Hormis cette constante impression de déjà-vu, ce bouquin est remarquablement écrit et construit, et je ne m’y suis pas ennuyé une seconde.

Je me tâte pour aller voir le film.

Certains parmi vous l’ont vu?

Maurice Druon

Maurice Druon est mort hier.

Quand un immortel meurt, je me demande toujours si j’ai lu quelque chose de lui (le plus souvent, la réponse est non).

Pour Druon, j’avais dévoré la grande saga des « Rois Maudits« .

Il avait aussi co-écrit le chant des partisans avec Joseph Kessel.

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Les mots migrateurs

Ma cousine, qui est une distinguée traductrice m’a conseillé de lire « Les mots migrateurs » de Marie Treps édité aux éditions du Seuil.

Ce livre fait le tour des différentes langues européennes en dénichant dans chacune d’elle les mots français ou d’origine française.

Et ils sont une multitude.

Certes, ce sont souvent les mêmes mots, un peu toujours dans les mêmes domaines: cuisine, art de vivre, arts décoratifs, spectacle, relations intimes… Certes, depuis le début du XXème, ce flux s’est tari au profit de l’anglais. Certes, ces mots parfois un peu désuets (même pour nous) ne sont souvent employés que par les couches sociales dites supérieures, ou par ceux voulant faire semblant d’y appartenir. Certes, enfin, beaucoup d’expressions européennes qui se rapportent à nous sont plutôt péjoratives, mais l’importance de ce corpus de mots que nous avons diffusé à travers l’Europe au cours des siècles est proprement stupéfiant. Ne nous voilons pas la face, nous avons exporté tant de mots car notre culture a eu un pouvoir d’attraction immense. Ceci explique probablement aussi son tarissement actuel.

J’ai eu un peu de saudade en lisant ce livre. Ce sentiment me semble être aussi français que portugais. La nostalgie d’une certaine grandeur, en fait. Pas la grandeur pour la grandeur, mais plutôt du flux d’idées qui ont émergé de notre pays pour se diffuser dans l’Europe. Car j’ai quand même la nette impression que les anglicismes qui colonisent notre langue ( il n’y a rien de particulièrement critiquable en celà si l’on considère l’expansionnisme du français) ne le font pas car ils véhiculent une idée positive, mais plutôt car ils sont « utilitaires ». Le « franglais », contrairement au « frangrec » (dont parle Marie Treps) ne véhicule aucun concept, aucune pensée. On l’utilise pour s’exprimer de façon plus concise, ou par flemme d’utiliser un terme français pourtant tout à fait correspondant. J’y vois aussi une espèce de snobisme du pauvre en esprit qui tente de masquer sa vacuité par l’emploi d’un mot anglais (je pense notamment au « logique de management« ).

Nous n’exportons plus rien du tout, mais n’importons rien de très intéressant non plus. Et c’est cela notre « chance » (j’ai quand même une vision très égoïste et égotique de mon pays). Car il me semble que nous pourrions apporter encore beaucoup aux autres (je n’ai pas osé écrire « au monde », pour ne pas paraitre trop prétentieux, trop français, quand même) si nous acceptions d’arrêter de nous lamenter, d’avoir confiance en nous et d’aller de l’avant tout en nous laissant bercer par ce qu’il y  a de mieux dans les autres langues et cultures.

Mes mots « français étrangers » préférés?

Die Chaiselongue en allemand.

Fopaa en estonien (de faux-pas).

Gawrochka en polonais (petit foulard, issu du Gavroche des Misérables).

Chval en russe (personne malhonnête, pourriture, issu du français cheval. Il s’agit d’une réminiscence des chevaux pourrissants dans le sillage de la Grande Armée en déroute en 1813).

Chantrapa en russe, encore (personne insignifiante, issu de l’expression « Il ne chantera pas ». Ce jugement définitif était rendu par les nombreux maîtres de chant français du temps de la Grande Catherine)

Sinemà en grec moderne (issu de notre cinéma, formé lui-même sur le grec ancien kinèma, retour à l’envoyeur!)

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