
Hier, j’ai couru mon second Marathon, et c’était celui de Paris.
À Berlin, tout n’était que marathon les 2 jours précédents la course et bien entendu le jour J. La ville s’était mise à vivre pour nous. Des coureurs venus du monde entier, de partout, reconnaissables à leur allure physique et leurs vêtements techniques aux couleurs criardes ont littéralement pris la place des berlinois, comme si ces derniers avaient été enlevés par des extra-terrestres. À Paris, ce n’était pas du tout ça. Il y avait pourtant autant de compétiteurs, mais la ville les a engloutis, intégrés, presque snobés. Nous nous sommes tous retrouvés, un peu surpris d’être là, presque par hasard, pour prendre part à une grande course qui n’intéressait que nous.

La veille, j’ai trouvé l’expo au Parc des expositions de la Porte de Versailles vraiment très impressionnante par sa surface, le nombre de stands et le monde qui faisait la queue pour y accéder samedi après-midi. Mais finalement, l’accès puis le retrait des dossards se sont faits assez rapidement et sans encombre. Pas grand chose de fou à l’expo, je ne me suis pas vraiment forcé pour ne rien acheter. Le T-shirt finisher de cette année est vert (toutes les années, il est vert, c’est la couleur du sponsor principal), ça participe à l’illusion que nous sommes éco-responsables, malgré les tonnes de produits carbonés que nous consommons pour nous habiller ou nous rendre à ces grand-messes. J’ai fait les attractions habituelles: les jeux (j’ai gagné un bon d’achat de 50 €), voir la médaille, trouver son nom sur le mur…


Le matin de la course, je me suis religieusement habillé, comme chaque fois, en vérifiant que rien ne frottait, que j’avais le bon nombre de gels, que je n’aurais ni trop froid ni trop chaud… J’aime bien ces moments d’angoisse, d’excitation, de concentration quand on revêt son habit de lumière polyester.
C’est un cliché, mais Paris c’est Paris, et courir dans cette ville a été pour moi une grande expérience. C’est débouler sur la Place Vendôme qui m’a le plus impressionné. Mais voir le donjon du Château nous attendre au bout d’une route dans le Bois de Vincennes, ou encore la descente de l’avenue Paul Doumer sur le Trocadéro étaient aussi de grands petits moments. Par contre, je n’ai rien vu, RIEN, en courant sur les bords de Seine, j’étais bien trop occupé à ne pas sombrer totalement. RIEN, mais je sais parfaitement ce que j’aurais dû voir. J’aurais dû voir défiler à mon allure l’histoire de France, j’aurais dû courir dans ses méandres, ses grands moments, ses tragédies, mais j’étais bien trop focalisé sur ma propre micro-tragédie du jour: arriverais-je à suivre le type lambda, roux et blanc comme seuls les britanniques peuvent l’être, que j’avais choisi comme bouée de sauvetage? Réponse: non. C’est une bonne métaphore de la vie, nous sommes tellement hypnotisés par notre nombril que nous ne voyons pas les évènements immenses qui se déroulent autour de nous. Nous, plutôt nos descendants ne le verront que bien plus tard dans les livres d’histoire, ou dans une vidéo Youtube. Dis papy, tu étais où juste avant que le monde s’effondre? Moi, j’essayais de suivre un rouquin inconnu dans le tunnel du pont de l’Alma.
J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de monde pour nous applaudir le long du tracé, surtout à partir du Trocadéro, j’ai trouvé que c’était de la folie. À Berlin, il y avait beaucoup de monde, mais il était tenu à distance respectueuse par les barrières. Sur la place du Trocadéro, j’ai eu l’impression d’être englouti dans la foule comme le peloton du Tour de France dans un grand col. J’ai un souvenir assez flou, mais j’ai trouvé ça fou.
Je suis parti trop confiant, trop vite, et les bosses du bord de Seine et des 6 derniers km ont fini de m’achever. Mais j’ai amélioré mon temps de Berlin de 2 minutes 30 et surtout je suis passé sous la barre des 4h, c’était l’objectif principal. J’ai joué et j’ai perdu, mais je ne regrette pas d’avoir essayé, d’avoir été pour une fois peu irréfléchi. C’est tellement pas moi.


J’ai bien mieux encaissé, j’ai fini beaucoup moins cuit qu’à Berlin. Je me souviens encore très bien de la torture pour descendre les escaliers du métro berlinois, après la course, pas vraiment de leurs homologues parisiens. 24h après, j’ai des courbatures, mais ça va (il ne faut pas que je ramasse un truc par terre, ni que je me lève d’une chaise, ni que je marche trop vite, mais ça va bien, sinon).
Je me suis entraîné plus qualitativement que la première fois, j’ai beaucoup travaillé sur l’alimentation, et à moins d’arrêter mon activité professionnelle, je ne m’améliorerai pas beaucoup plus que ça. Mais que m’importe, c’est la philosophie qui me plait.
La philosophie et la médaille aussi car je suis un peu resté un grand gamin. J’ai compris que la médaille du Marathon de Paris, c’est toujours un peu stupeur et tremblements avant sa présentation quelques jours avant l’épreuve.

La médaille 2019 reste a priori dans de nombreuses mémoires de coureurs.



Incroyable comme chaque médaille est le reflet de son pays d’origine. La médaille allemande fait très allemande, et la française… très française. J’aime beaucoup les deux, je ne fais même pas semblant d’en être détaché.
Petite illusion d’optique, elles ont exactement le même diamètre et presque le même poids (114g pour Berlin, 106g pour Paris). Seule petite remarque, le ballon métallique avec sa petite valve au dos me rappelle quand même beaucoup le travail de Jeff Koons.
Pour moi la médaille ne représente pas tant la course, que les 3 mois de discipline et d’obstination qui l’ont précédée. On devrait nous la donner au départ 🙂 . D’ailleurs, encore une fois, c’est impressionnant comme 3h58 (pas 4h, j’y tiens) passent vite. On me demande souvent si ce n’est pas trop long, si je ne m’ennuie pas pendant 3h58 sur de l’asphalte. Et bien pas du tout, le temps a passé comme l’éclair et de retour à l’hôtel, j’avais de la peine à croire que je venais de courir 3h58 (et pas 4h…) et terminé un cycle de 3 mois durant lequel j’ai mis ma vie entre parenthèses.
Le 23/04, dans 19 jours exactement je devrais prendre le départ du marathon de Londres. Encore un truc irréfléchi… Je vais essayer de gérer au mieux ces 3 semaines pour arriver à Londres pas trop défraichi. Une semaine complète de repos, beaucoup de protéines, du fractionné et ça devrait aller… Wait and See.