Je ne suis pas très BD, donc cette note doit être prise avec des pincettes.
Parfois, on fait des rencontres sympas dans les librairies, et parfois c’est le coup de cœur, même inattendu, pour un genre qui m’a toujours un peu laissé froid.
Ce samedi, j’ai découvert une BD sympa et j’ai eu un vrai coup de cœur.
Je ne parlerai de Hitler un tyran en images, qui m’a beaucoup plu, mais que je n’ai pas fini de lire (et incidemment car ce n’est pas une BD).
La BD sympa, c’est Babylon Berlin, qui est l’adaptation BD par Arne Jysch d’un roman de Volker Kutscher qui a par ailleurs inspiré une série qui passe sur Canal+.
Ce roman noir se déroule à Berlin dans les années 20. Ceux qui connaissent la Trilogie berlinoise de Phlipp Kerr ne seront pas trop dépaysés. Pas assez, d’ailleurs, car le défaut principal de cette BD est son manque systématique, quasi voulu, d’originalité.
On retrouve absolument tous les éléments déjà mis en place par Philipp Kerr, et probablement d’autres que je ne connais pas:
- Un bon flic un peu paumé/à la dérive qui boit et/ou se drogue.
- Une hiérarchie bicéphale: hostile, voire, qui carrément fait partie des méchants et une hiérarchie bienveillante et paternelle. En général, à la fin de l’histoire la seconde sauve de justesse le héros et coffre la première.
- Une visite obligatoire des égouts/bas fonds/tripots de Berlin.
- Le héros se fait violemment torturer par les méchants (par les gentils, ce serait original).
- Quelques nazis bien méchants et sadiques (gentils et bienveillants, ce serait aussi original) sont disséminés dans le décor. Ne pas oublier au second plan la montée du nazisme ou, si l’action se passe après guerre, la fuite des nazis.
- Une ou deux beautés qui partagent assez rapidement le lit du héros (typiquement le truc qui n’arrive jamais en vrai).
- Le héros porte un imper, un Stetson, et un Lüger P08.
- Un méchant de second plan est pris de remords, prêt à tout cracher sur le réseau, mais il se fait desouder juste avant de pouvoir le faire.
- Un trésor fabuleux/une information vitale que recherchent deux, voire trois factions ennemies (et si possibles violentes) en plus du/des gentil(s)
- …
On y retrouve aussi un défaut assez répandu dans les romans noirs, l’application considérable que mettent les auteurs à embrouiller leur récit et à sortir de leur chapeau des Deus ex machina improbables quand le héros semble perdu.
Vous devez vous demander ce que j’ai alors aimé dans cette BD.
En fait, j’ai bien aimé le dessin, son dynamisme, son jeu d’ombre et de lumière, bien nécessaire dans une BD en noir et blanc, mais qui est ici une réussite.
J’ai aussi beaucoup aimé le petit clin d’œil suivant à Edward Hopper:
Mais mon véritable coup de cœur a été pour le tome 1 de Révolution de Younn Locard et Florent Grouazel (Editions Actes Sud/L’an 2). Ce premier tome sur trois, d’une fresque qui s’annonce immense est déjà épique. Les dessins sont souvent magnifiques, inventifs et les scènes d’ensemble fourmillent de détails.
Hormis un personnage un peu caricatural qui me fait penser à Fanfan La Tulipe (j’espère qu’il va prendre de l’épaisseur dans la suite), les acteurs de cette fresque sont ambigus, complexes, terriblement humains. C’est l’humain qui caractérise ce récit, qui se déroule pourtant lors d’un évènement immense, la Révolution. En effet, l’histoire est centrée sur 3-4 personnages, de parfaits inconnus, qui subissent le cours des évènements et observent leur monde s’effondrer sans rien pouvoir/vouloir y faire. C’est ça qui fait la force de cette BD. Aucune figure historique majeure n’est au centre du récit, on ne les voit que de loin: la silhouette de Mirabeau, de Robespierre, à peine plus Lafayette…
Dans ce récit, aucun géant de l’histoire ne nous emmène de force ou volontairement dans son sillage, nous donnant l’illusion finalement rassurante d’un destin tout tracé. Nous suivons et nous nous identifions d’emblée à ces petits êtres humains perdus au bord de l’abîme.
Que vont-ils devenir? J’attends avec impatience la suite…
Merci pour ces suggestions du coup, c’est cool. 🙂