Quand ils sont venus chercher…

J’ai découvert Martin Niemöller ce matin en lisant cet article du NYT.

David Shulkin, the secretary of veterans affairs, delivered an emotional statement to reporters on Wednesday at Mr. Trump’s private golf club in Bedminster, N.J., where the president is vacationing. Treading carefully without chiding Mr. Trump, Mr. Shulkin said: “Well, I’m speaking out, and I’m giving my personal opinions as an American and as a Jewish American. And for me in particular, I think in learning history, that we know that staying silent on these issues is simply not acceptable.”

Paraphrasing famous words from Martin Niemöller, a German pastor and a vocal critic of Adolf Hitler, Mr. Shulkin said, “First, they came for the socialists, and I did not speak out. Then they came for the trade unionists, and I wasn’t a trade unionist, so I didn’t speak out. Then they came for the Jews. I wasn’t a Jew so I didn’t speak out. Then they came for me, and there was no one to speak for me.”

Many other Jewish members of the Trump administration remained largely silent on Wednesday, even after the protesters in Charlottesville had chanted anti-Semitic slogans and demeaned the president’s Jewish son-in-law, Mr. Kushner.

(Cela ne vous fait pas penser furieusement au Complot contre l’Amérique de Philip Roth?)

Les versions ont varié au fil du temps, sous la plume même de Niemöller, mais cela ne fait que renforcer l’universalité du message.

Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.

Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester.

Martin Niemöller.

Déjà, en 1624, John Donne n’écrivait pas autre chose: 

« Nul homme n’est une île, un tout en soi; chaque homme est partie du continent, partie du large; si une parcelle de terre est emportée par les flots, pour l’Europe c’est une perte égale à celle d’un promontoire, autant qu’à celle d’un manoir de tes amis ou du tien. La mort de tout homme me diminue parce que je suis membre du genre humain. Aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. »

— Devotions upon Emergent Occasions, 1624

 

Doromamire no Tora de Hayao Miyazaki (2)

L’an dernier, j’avais écrit cette note après le long périple estival des Vailloud à la découverte des musées de chars en Europe Occidentale. Cet été, nous serons bien plus sédentaires. L’an prochain, par contre, nous pensons visiter le grand musée des blindés situé en Russie à une soixantaine de kilomètres de Moscou. mais peut-être aussi que l’an prochain mes enfants seront passés à autre chose et que leur rêve sera de visiter la collection d’hémiptères du Muséum d’Histoire Naturelle, qui sait?

L’an dernier, donc, j’avais découvert que Miyasaki avait illustré un récit de guerre écrit par un tankiste allemand, Otto Carius, « Les tigres dans la boue ». Comme je l’ai déjà dit, ce récit n’a pas le souffle d’un « À l’ouest rien de nouveau », ou d’un « Orages d’acier », mais il décrit avec vivacité les misères quotidiennes d’un commandant de tank sur le front de l’est durant la seconde guerre mondiale. Otto Carius raconte notamment un engagement qui a eu lieu lors de la Bataille pour la tête de pont de Narva (Estonie) entre février et juillet 1944. C’est précisément cet engagement que Miyasaki a décidé d’illustrer dans une manga publiée en 1999, « Doromamire no Tora ».

Après pas mal de recherches, j’avais réussi à mettre la main sur une traduction pirate de ce manga que j’ai rassemblée et stockée ici. Finalement, je me suis dit que ça pourrait être sympa d’acheter la manga, ce qui fut fait promptement grâce à Amazon. Amazon est un monstre qui tue nos libraires, mais je trouve quand même incroyable de se faire livrer à domicile une obscure manga de 1999, envoyé par un libraire quelque part au Japon.

J’ai été étonné par la qualité de l’ouvrage. Le récit de la bataille de Narva, et une autre histoire un peu moins intéressante sont accompagnés par une abondante documentation concernant l’histoire d’Otto Carius, que Miyasaki a rencontré, ainsi que les lieux de l’engagement en Estonie, que le dessinateur a visités. Si vous voulez vous balader sur leurs pas (sans être mangé par les moustiques comme le fut Miyasaki), c’est ici. J’y ai retrouvé la ligne de front (la voie de chemin de fer), la Rollbahn (la route Tallinn-Narva), le Kinderheim (Sinimäe)…

Je l’ai déjà dit mais Carius était pharmacien (il est décédé en 2015) et il a appelé sa pharmacie « Tiger Apoteke », du nom de son blindé de prédilection.

Le peu d’oeuvres de Miyasaki que je connaisse sont plutôt oniriques. J’ai donc été très surpris de l’énorme travail de documentation accumulé par le dessinateur sur les chars, les récits, les lieux, et les hommes. Comme souvent, derrière le rêve, il y a un travail de fourmis.

Doromamire no Tora de Hayao Miyazaki

Je n’ai jamais lu de Manga, je n’accroche pas vraiment en fait, mais j’en ai découvert une qui m’a interpellé cet été.

Cet été, donc, entres hommes (mes 2 fils et moi), nous avons parcouru 4300km en voiture pour visiter 3 musées de chars: Munster, Bovington et Saumur. Pour résumer un peu rapidement, Munster est bien sans plus, la collection de Saumur est superbe mais la muséographie respire l’indigence par manque cruel de moyens, alors que la collection de Bovington et sa présentation hyper-pédagogique sont fabuleuses.

tigreiLe beau Tigre I de Munster.

ddUn très rare Sherman DD (ils ont presque tous coulé le jour du débarquement) avec sa jupe à Bovington.

thomasThomas en soldat du corps expéditionnaire britannique en Afghanistan (Bovington).

fireflyUn superbe Sherman Firefly avec son canon 17-pounder (un des rares chars alliés pouvant rivaliser avec les Tigres), et un Cromwell en arrière plan à Bovington

thomas1Thomas en officier britannique de la première guerre mondiale à Bovington

jagdtiger« LE » Jagdtiger de Bovington.

pantherLe très beau Panther recouvert de Zimmerit (ou plutôt de colle à carrelage après restauration) de Saumur. A droite, l’uniforme d’Otto Carius.

wittmannAu Cimetière militaire allemand de la Cambe, la tombe du pas très sympathique (mais très doué) Michael Wittmann et de son équipage. Vous remarquerez l’âge des combattants…

Bref, le thème de l’été était blindé. J’ai ainsi découvert Otto Carius, pharmacien de son état qui fut un redoutable tankiste allemand sur Tigre I et Jagdtiger.

cariusapothekeOtto Carius devant sa pharmacie en 2009 (Source)

J’ai trouvé ses mémoires, ici en anglais, qui décrivent le difficile quotidien des tankistes allemands lors de la seconde guerre mondiale.

tigri3N’allez pas comparer ce témoignage avec un récit de guerre comme À l’est rien de nouveau, (la guerre ne meurt jamais, n’est-ce pas…) mais vous en garderez des images saisissantes.

Living in a tank for weeks at a time wasn’t something to shout about. One needs a little bit of fantasy to be able to imagine it in real terms. The confinement and the grim cold took its toll after a while. Our health was under considerable attack, even though we didn’t want to admit it to ourselves. The results showed up later, however. Moisture from our breath and the petroleum lamp settled onto the inner walls of the tank. It soon froze and formed a thick, white coat of frost. If one of the crew nodded off and wound up with his hair on the wall of the tank, then it was actually frozen to it when he woke up. To a certain extent, we could only hunch down and shiver ourselves warm.

Tigers in the Mud. Otto Carius

Puis, par la grâce de Google, j’ai découvert que le grand Miyasaki avait publié une Manga tiré du récit d’Otto Carius en 1998, Doromamire no Tora.

miyazaki_cariusHayao Miyazaki et Otto Carius (Source)

J’ai eu un peu de mal à trouver cette Manga qui ne possède qu’une traduction pirate en anglais, faite par des fans absolus. Pour encore compliquer le tout, plusieurs fans ont fait plusieurs traductions partielles disséminées dans l’immensité du web (on dirait un pitch pour le futur Star Wars)…

tigri2 tigriBref, il faut vraiment vouloir lire cette manga pour y arriver. Mais ça vaut le coup pour les passionnés de chars et de Miyazaki (il doit bien en avoir?). La manga est très sympa et elle est remarquablement détaillée d’un point de vue technique. J’ai rassemblé les différents feuillets dans ce PDF de 124Mb, téléchargeable dans Google Drive.

(Première note co-écrite avec les petits Vailloud)