Ponctuation

Quand on dit que la ponctuation est importante!

« Eduardum occidere nolite timere bonum est.
Il réfléchit un instant, puis revennant à l’évêque :
Eduardum occidere , cela je le comprends bien; nolite : ne faites pas… timere : craindre… Bonum est : il est bon…
Orleton souriait.
Faut-il entendre : ne tuez pas Edouard, il est bon de craindre… de faire cette chose, poursuivit Mortimer, ou bien : ne craignez pas de tuer Edouard, c’est chose bonne ? Où est la virgule ?
Elle n’est pas. Répondit Orleton. La volonté de Dieu se manifestera par la compréhension de celui qui recevra la lettre. Mais la lettre elle-même qui peut vous en faire reproche?
Mortimer restait perplexe.
C’est que j’ignore, dit-il si Maltravers et Gournay entendent bien le latin.
Le frère Guillaume, que vous avez placé auprès d’eux, le connait bien. Et puis le messager pourra transmettre de bouche, mais de bouche seulement, que toute action découlant de cet ordre, devra demeurer sans trace.
Et vraiment, demanda Mortimer, vous êtes prêt à y apposer votre propre sceau?
Je le ferai, dit Orleton.
C’était vraiment un bon compagnon. Mortimer le raccompagna jusqu’en bas de l’escalier, puis remonta à la chambre de la reine.
Gentil Mortimer, lui dit Isabelle, ne me laissez point dormir seule cette nuit.
La nuit de septembre n’était pas si froide qu’elle dût grelotter autant. »

Les Rois Maudits, La Louve de France

Maurice Druon.

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Et aussi dans cet article de Wikipedia.

Gilgames

La semaine dernière, le gérant d’une maison d’édition du Sud-ouest m’a envoyé un message pour me faire découvrir un recueil de poèmes qu’il a publié très récemment: « Gilgames » par Anne-Marie Beeckman.

Bon, au départ, ce n’était pas gagné.

Je n’apprécie pas la poésie et le recueil n’est pas référencé chez les vendeurs en ligne.

Mais comme le sujet, le mythe de Gilgames m’intéressait, je suis sorti de mon sempiternel circuit de hamster « maison/cabinet/hôpital/clinique » pour commander le recueil dans une petite échoppe tenue par d’irréductibles libraires passionnés du genre la trentaine, pull informe à grosses mailles, jean délavé qui fument dans leur propre boutique autant par goût que par amour de la transgression. Mais si, vous savez, le genre de libraires qui lisent des bouquins, peuvent vous conseiller autrement que par un « Y parait que c’est bien, lisez le! » et connaissent à la référence près tous leurs rayonnages.

Le recueil est concis et épuré. Les textes de Anne-Marie Beeckman sont beaux, inventifs et ont un pouvoir d’évocation tout à fait saisissant. L’auteur a réinterprété le mythe sans le trahir, ni sur le fond, ni sur la forme.

Juste une petite remarque.

Je pense qu’il est préférable pour apprécier au mieux l’inventivité et la qualité des textes de connaitre un peu ce mythe mésopotamien soit via l’article de Wikipedia, ou mieux via le livre du regretté Jean Bottéro qui en est la traduction française de référence .

Bonne lecture!

(Dédicace personnelle à Stéphane Mirambeau: merci pour la découverte +++)


Gilgames
Auteur : Beeckman, Anne-Marie
Editeur : P. Mainard – Nérac (Lot-et-Garonne)
Responsable : Anne-Marie Beeckman
Date de publication : 30/12/2008
EAN : 9782913751415
ISBN : 978-2-913751-41-5
Prix : 12,00 EUR
Reliure : Broché
Thème : Littérature Poésie
Genre : Oeuvres littéraires classiques



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Au coeur des ténèbres

Toute l’Europe avait contribué à la création de Kurtz ; et par degrés j’appris que, comme c’était tout indiqué, l’Association Internationale pour la Suppression des Coutumes Sauvages lui avait confié la préparation d’un rapport, pour sa gouverne future. Et de plus, il l’avait écrit. Je l’ai vu. Je l’ai lu. Il était éloquent, vibrant d’éloquence, mais trop tendu, à mon sens. Dix-sept pages d’écriture serrée, il en avait trouvé le temps ! Mais ce dut être avant que ses – disons ses nerfs – se détraquent, lui faisant présider certaines danses nocturnes couronnées par des rites inavouables qui – pour autant que j’ai pu le comprendre par ce que j’ai entendu malgré moi à diverses reprises, – lui étaient offerts – vous saisissez ? – à lui, M. Kurtz. Mais c’était un beau morceau d’écriture. Le paragraphe d’ouverture, toutefois, à la lumière d’informations ultérieures, me frappe maintenant comme de mauvais augure. Il commence par l’argument que nous autres Blancs, du point de développement auquel nous sommes arrivés, « doivent nécessairement leur apparaître (aux sauvages) comme une classe d’êtres surnaturels – à notre approche ils perçoivent une puissance comme d’une déité », etc. « Par le simple exercice de notre volonté nous pouvons exercer un pouvoir bénéfique pratiquement sans limites », etc. De ce point il s’élevait et m’entraînait. La péroraison était magnifique, bien que difficile à se rappeler, comme vous pensez. Elle me donnait l’idée d’une Immensité exotique gouvernée par une auguste Bienfaisance. Elle me donna des picotements d’enthousiasme. C’était là le pouvoir sans bornes de l’éloquence, des mots, des mots nobles et brûlants. Il n’y avait pas une suggestion pratique pour interrompre le cours magique des phrases, à moins qu’une espèce de note au bas de la dernière page, gribouillée évidemment beaucoup plus tard, d’une écriture tremblée, ne pût être regardée comme l’exposé d’une méthode. C’était très simple, et à la fin de cet appel émouvant à tous les sentiments altruistes qu’il faisait flamboyer devant vous, lumineux et terrifiant, comme un éclair dans un ciel serein : « Exterminez toutes ces brutes ! »

 

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« Un soir que j’entrais avec une bougie je fus saisi de l’entendre dire d’une voix un peu tremblée, « je suis là couché dans le noir à attendre la mort ». La lumière était à un pied de ses yeux. Je me forçais à murmurer, « bah, des bêtises ! » debout au-dessus de lui, comme pétrifié.

« De comparable au changement qui altéra ses traits, je n’avais jamais rien vu, et j’espère ne rien revoir. Oh, je n’étais pas ému. J’étais fasciné. C’était comme si un voile se fût déchiré. Je vis sur cette figure d’ivoire une expression de sombre orgueil, de puissance sans pitié, de terreur abjecte – de désespoir intense et sans rémission. Revivait-il sa vie dans tous les détails du désir, de la tentation, de l’abandon pendant ce moment suprême de connaissance absolue ? Il eut un cri murmuré envers une image, une vision – il eut par deux fois un cri qui n’était qu’un souffle :

« « Horreur ! Horreur ! »

« Je soufflai la bougie et je sortis de la cabine. Les pèlerins dînaient au carré et je pris place en face du Directeur, qui leva vers moi un regard interrogateur, que je parvins à ignorer. Il se renversa un peu, serein, avec ce sourire particulier dont il scellait les profondeurs inexprimées de sa petitesse. Une pluie continue de petites mouches ruisselait sur la lampe, sur la nappe, sur nos mains et sur nos visages. Soudain le boy du Directeur passa son insolente tête noire par l’encadrement de la porte et dit d’un ton de mépris cinglant :

« « Missié Kurtz – lui mort. »

 

Joseph Conrad

Au coeur des ténèbres.

 

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« Au coeur des ténèbres« , version intégrale en format PDF (235 ko).

 

Un article du journal « le Monde »

 

« Au coeur des ténèbres » et « Joseph Conrad » sur Wikipedia.

Infernal.

« Orphée aux Enfers » est le premier immense succès de Jacques Offenbach.

On y trouve notamment ce « galop infernal » que tout le monde reconnaitra dès les premières mesures.

Je suis en cours de lecture d’une biographie d’Offenbach par Jean-Claude Yon aux éditions Gallimard.

Six cent soixante dix pages (hors appendices) pas très folichonnes à lire, mais je m’accroche car l’histoire de ce compositeur de génie est intéressante et pleine d’aléas. Arrivé par diligence avec son père et son frère à Paris en 1833, Jacques partait avec trois handicaps majeurs en cette première partie du XIXème siècle: il était étranger (natif de Cologne), sans le sou et juif. Le petit Jacob est devenu Jacques, et le violoncelliste virtuose  mais constamment dans la gène, le roi de la vie musicale parisienne et européenne. Il a développé contre vents et marées un genre musical qui est devenu le plus français qui soit, « l’Opéra-Bouffe ».

Par ailleurs, comme j’ai récupéré ce livre de la bibliothèque d’un ami de la famille décédé, je pense à lui en le lisant. J’en suis à la page 219. Il avait placé son signet SACEM (il en a été un membre éminent) à la page 270.