Coup de torchon

Je comptais prendre quelques vacances pour ce blog, durant les 3 jours de cette fin de semaine du premier mai, mais l’actualité médicale est brûlante en ce moment.

Mais comme je n’ai pas non plus envie de commenter très longuement, je vais vous donner quelques clés pour que vous fassiez le travail à ma place.

Aux États-Unis, les articles traitant des relations entre les médecins et l’industrie pharmaceutique se multiplient. A chaque fois, la question des conflits d’intérêts se pose de façon plus ou moins aiguë.

Peut-on avoir un esprit impartial lorsqu’une partie de ses revenus (parfois, les sommes en jeu sont considérables) est assurée par l’industrie pharmaceutique ?

La question se pose lorsque le médecin est en face de son patient, en tête à tête, mais aussi lorsqu’il siège à une commission d’évaluation des médicaments, ou lorsqu’il fait un « topo » à ses pairs ou à des étudiants.

Je voudrais vous soumettre ces quelques articles que j’ai glanés ça et là, et dont j’ai déjà parlé pour certains:

  • Shelley Wood. Peeling the onion: Is more conflict of interest disclosure getting us closer to the truth?. theheart.org. [HeartWire > Features]; Apr 24, 2009. Accessed at http://www.theheart.org/article/963203.do on May 1, 2009.

  • Encore une histoire de ghostwritting, et encore pour le Vioxx, décrite en détail dans cet article: Lisa Nainggolan. Fresh questions raised about prominent cardiologist’s role in « ghostwritten » 2001 meta-analysis of Vioxx trials. theheart.org. [Clinical Conditions > Acute Coronary Syndromes > Acute coronary syndromes]; Apr 30, 2009. Accessed at http://www.theheart.org/article/965721.do on May 1, 2009.

Et en France ?

En apparence, toujours aucun problème.

Comme en 1986, le nuage radioactif s’est arrêté aux pieds des guérites de nos braves douaniers.

Le Formindep secoue le cocotier tant qu’il peut.

Mais je crois surtout que l’heure d’une quelconque introspection n’est pas encore venue.

Le décalage avec ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique n’en est que plus frappant.


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Hasard du calendrier, ce remarquable article a été publié très récemment, le 24 mars, pour être exact. Ce papier m’a rappelé une intervention, du même auteur, dans une autre revue scientifique de haut niveau en fin d’année dernière. (Je remercie celui d’entre-vous qui m’a signalé ces deux articles, il se reconnaîtra).


Mise en avant des dernières molécules, suspicion vis à vis des génériques. Cela ne vous rappelle rien ?

Je me suis demandé ce que Prescrire disait de cette molécule qui semble tant attendue:

Photobucket

La revue date de décembre 2007. J’ai donc essayé de voir ce qui s’est passé depuis.

Une revue de la Cochrane Library, plus récente, d’octobre 2008 ne débordait pas non plus d’enthousiasme.


J’ai donc fait une recherche bibliographique sur Pubmed pour retrouver quelle grande étude publiée entre cette date et maintenant pouvait justifier un tel engouement.

J’ai essayé de supprimer tous les articles qui n’étaient pas expérimentaux de la masse des papiers publiés depuis le premier décembre 2007, soient au total 143 articles avec l’équation de recherche suivante: (« 2007/12/01″[Publication Date] : « 3000 »[Publication Date]) AND (aliskiren). J’en ai donc finalement obtenu 22 ( (« 2007/12/01″[Publication Date] : « 3000 »[Publication Date]) AND (aliskiren) Limits: Clinical Trial, Meta-Analysis, Randomized Controlled Trial, Clinical Trial, Phase II, Clinical Trial, Phase III, Comparative Study, Controlled Clinical Trial, Multicenter Study, Validation Studies)

Bon, ils ne m’ont pas fait rêver (eux non plus), même pas les deux papiers de Circulation, ni celui du NEJM, mais tout cela est une question d’opinion.

Bien évidemment, il est tout à fait possible que j’ai loupé un papier important, dans ce cas, merci de me le faire savoir.

A l’issue de cette recherche, je ne retrouve aucun papier qui étudie la morbi-mortalité c’est à dire qui montre que ce produit diminue la mortalité ou diminue, je cite un « ..moment où elles [les artères] se bouchent. Moment très ­critique car à l’origine d’une crise aiguë : l’infarctus, l’accident vasculaire cérébral, ou l’insuffisance rénale… ».

Certes, diminuer la tension artérielle est bénéfique, et cette molécule ne semble pas extraordinaire de ce point de vue (image du monde), mais j’aurais quand même bien aimé qu’elle ait montré un bénéfice clinique tangible avant d’être ainsi mise en avant, promue, si j’ose dire, par un si grand monsieur de la cardiologie française.


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Enfin, je vous conseille vivement (cela ne concerne que les abonnés, malheureusement) de lire l’article du dernier Prescrire dont voici l’éditoral: De nombreuses pratiques anticoncurrentielles des firmes pharmaceutiques en Europe. Rev Prescrire 2009;29 (307): 385-388.


Conflits d’intérêts

Cette inter-saison est la période des conflits d’intérêts.

Les scandales, petits ou gros fleurissent presque chaque jour.

Petit florilège.

Le « bon » Dr Joseph Biderman refait parler de lui. Il s’agit de ce psychiatre de l’école de médecine d’Harvard qui défrayé la chronique en novembre dernier pour avoir « oublié » de déclarer une partie de ses liens financiers avec les firmes pharmaceutiques (200000 US$ sur un total de 1.6 millions de US$ entre 2000 et 2007). Maintenant, on lui reproche d’avoir « prédit » à des officiels de Johnson & Johnson les résultats positifs de 2 études cliniques en cours (et ici dans le WSJ Health Blog), dont il avait la responsabilité. Soit il est capable de prédire l’avenir, soit il avait tout fait pour que ces études soient positives. le doute est permis, si l’on en croit l’extrait suivant d’un article du  NYT:

In a contentious Feb. 26 deposition between Dr. Biederman and lawyers for the states, he was asked what rank he held at Harvard.

“Full professor,” he answered.

“What’s after that?” asked a lawyer, Fletch Trammell.

“God,” Dr. Biederman responded.

“Did you say God?” Mr. Trammell asked.

“Yeah,” Dr. Biederman said.

Ensuite, une sombre histoire avec deux protagonistes: d’un côté le prestigieux JAMA, de l’autre le Dr Jonathan Leo. Ce dernier a publié une lettre dans le BMJ stipulant qu’un  auteur d’un article publié dans le JAMA n’avait pas déclaré l’ensemble de ses conflits d’intérêts. Conflits pourtant facilement retrouvés grâce à Google.

Le WSJ Health blog contacte alors la rédactrice en Chef du JAMA pour connaître son opinion, et celle-çi aurait déclaré que le Dr Leo était dans le texte: « This guy is a nobody and a nothing » et « He is trying to make a name for himself. Please call me about something important. »

Évidemment la polémique a pris de l’ampleur, ce qui a permis d’oublier totalement le début de l’histoire, pourtant la seule chose importante, le fait qu’un auteur ait encore oublié de déclarer ses liens avec l’industrie.

Enfin, je ne reviendrai pas sur la nouvelle enquête du Formindep qui met en cause la gestion des conflits d’intérêts au sein de la HAS, puisqu’elle a été très abondamment commentée ailleurs. La HAS a émis une réponse « longue et argumentée » le 21/04. Ce texte n’a toujours pas été rendu public à cette heure car « Le Formindep prend le temps de l’étudier en détail, afin de lui donner les suites qu’il jugera nécessaires au respect de la transparence de l’information médicale« . Donc wait and see

La floraison presque simultanée de ces affaires n’est n’est pas totalement due au hasard.

Les choses bougent beaucoup de l’autre côté de l’Atlantique et encore pas ou bien trop peu chez nous. Mais ça commence.

J’espère que cela n’est que le début d’un mouvement global qui va permettre de nettoyer les écuries d’Augias.

Toutefois, comme toujours, le mieux est l’ennemi du bien et il faut aussi savoir se méfier de la radicalité qui est souvent la voie la plus séduisante.

N’oublions jamais que le seul but à atteindre à l’exclusion de tout autre est de mieux soigner nos patients.

Grille de lecture critique.

Grâce au blog de David Rothman, j’ai découvert un site américain (Health News Review)  qui propose une grille de lecture afin d’estimer la qualité d’un article de la presse généraliste traitant d’un traitement médical, médicament ou procédure.

La grille est très intéressante, mais peut-être moins que la démarche en elle-même.

Cette dernière fait écho avec une discussion que nous avions eue avec le Dr JD Flaysakier sur le traitement journalistique des nouvelles médicales, et plus particulièrement sur l’indépendance des journalistes.

Les critères de Health News Review me semblent être simples et pertinents. Cela mériterait qu’on les adapte chez nous. En tout cas, je vais peut-être les tester sur le prochain article santé sur lequel je vais tomber, disons, dans Le Monde, par exemple.

Il manque peut-être une chose, mais qui n’apparait jamais dans ce type d’articles, que ce soit chez nous ou aux Etats-Unis; la déclaration d’éventuels conflits d’intérêts du journaliste….

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